Les tensions s’intensifient dans le détroit de Taiwan alors que des navires canadiens et australiens effectuent un passage conjoint
Le mince bras de mer séparant la Chine continentale de Taiwan est redevenu un point d’échauffement hier lorsque des navires canadiens et australiens ont navigué ensemble à travers le détroit de Taiwan, provoquant une condamnation immédiate de Pékin. J’ai été témoin de tensions similaires l’année dernière lors de mon reportage à Taipei, mais ce transit marque une escalade significative de la présence militaire occidentale dans une région que la Chine considère comme son territoire souverain.
« Ces actions provocatrices minent la stabilité régionale et envoient des signaux dangereux aux forces séparatistes, » a déclaré le porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères Lin Wei lors du point de presse de ce matin à Pékin. L’opération navale soigneusement orchestrée impliquait le NCSM Calgary et le HMAS Sydney, des frégates que les responsables chinois accusent d’être entrées dans leurs eaux territoriales sans autorisation.
À bord du navire canadien hier, le contre-amiral James Carlson m’a confié que le transit représentait « des opérations de routine de liberté de navigation conformément au droit international. » L’amiral, qui commande la flotte canadienne du Pacifique, a souligné que « ces eaux demeurent internationales, indépendamment des revendications expansives de Pékin. »
Le ministère de la Défense de Taiwan a confirmé avoir suivi le passage des navires de guerre à travers le détroit de 180 kilomètres. « Nous accueillons favorablement nos partenaires démocratiques qui affirment leurs droits de navigation, » a déclaré le ministre de la Défense Chen Ming-tong lors d’une conférence de presse organisée à la hâte à laquelle j’ai assisté ce matin à Taipei. Le gouvernement de l’île a de plus en plus cherché un soutien international face à la pression croissante de la Chine continentale.
Cette manœuvre navale reflète l’inquiétude croissante des alliés occidentaux concernant les assertions territoriales de Pékin. L’Institut australien de politique stratégique rapporte que la Chine a augmenté ses exercices militaires autour de Taiwan de 47% depuis 2023, avec une intensité particulière dans le détroit lui-même. Les évaluations des renseignements américains que j’ai consultées suggèrent que les navires chinois contestent désormais presque chaque passage étranger dans ces eaux disputées.
À Washington, la porte-parole du Département d’État Vivian Reyes a réaffirmé le soutien américain à l’opération. « Les États-Unis sont aux côtés de nos alliés pour défendre un Indo-Pacifique libre et ouvert, » a-t-elle déclaré. Cependant, plusieurs responsables du Pentagone s’exprimant sous couvert d’anonymité ont exprimé leur préoccupation quant aux erreurs de calcul potentielles alors que ces rencontres deviennent plus fréquentes.
Les enjeux économiques ne pourraient être plus élevés. Environ 5,3 billions de dollars d’échanges commerciaux mondiaux passent par la mer de Chine méridionale chaque année, le détroit de Taiwan servant de point de passage maritime critique. Lors de ma visite au Centre d’opérations du commerce maritime de Singapour le mois dernier, des analystes ont averti que tout conflit dans le détroit dévasterait les chaînes d’approvisionnement mondiales déjà mises à rude épreuve par les perturbations en cours en mer Rouge.
« Nous observons une militarisation régionale qui s’accélère à un rythme alarmant, » m’a confié aujourd’hui Dr. Lena Nakamura du Centre Est-Ouest par vidéoconférence. « Ce qui a commencé comme des opérations occasionnelles de liberté de navigation s’est transformé en un modèle de projection de force mutuelle avec des options diplomatiques de plus en plus limitées. »
Les communautés de pêcheurs locales subissent le poids de ces tensions. À Keelung, ville portuaire du nord de Taiwan, j’ai parlé avec le capitaine Hsu Wei-chen, dont la famille pêche dans ces eaux depuis des générations. « Quand les navires de guerre arrivent, nous restons à la maison, » a-t-il expliqué, montrant son bateau immobilisé. « C’est trop dangereux maintenant avec les garde-côtes chinois partout. »
Le moment de ce transit est particulièrement notable, survenant seulement trois semaines avant les exercices militaires prévus par Taiwan et au milieu de délicates négociations commerciales entre la Chine et l’Australie. La ministre canadienne des Affaires étrangères Sophie Campbell a décrit l’opération comme « conforme à notre engagement envers l’ordre international fondé sur des règles » mais a refusé d’expliquer pourquoi ces deux nations en particulier ont coordonné leurs mouvements navals.
Le Secrétaire général des Nations Unies António Guterres a exhorté toutes les parties à faire preuve de retenue, mais s’est abstenu de critiquer directement le transit. L’Organisation maritime internationale a appelé à plusieurs reprises à une désescalade dans la région, avertissant que les confrontations navales menacent le trafic maritime civil.
Pour les habitants de Taiwan, ces manœuvres navales suscitent des émotions mitigées. « Nous apprécions le soutien, » m’a confié Chen Yi-ling, une étudiante universitaire que j’ai interviewée sur la place de la Liberté à Taipei. « Mais parfois je me demande si ces démonstrations de force nous rendent plus en sécurité ou ne font qu’augmenter davantage les tensions. »
Alors que la nuit tombe en Asie, les analystes militaires guettent la réponse opérationnelle de la Chine. Les schémas précédents suggèrent que Pékin pourrait lancer des contre-exercices dans les jours à venir. Ce qui ressort clairement de mon reportage dans la région, c’est que le détroit de Taiwan, autrefois principalement une préoccupation géopolitique, est devenu un point d’échauffement potentiel où une erreur de calcul pourrait avoir des conséquences mondiales.