Face aux défis économiques mondiaux qui continuent de mettre à l’épreuve les budgets nationaux, le ministre des Finances du Canada a défendu fermement aujourd’hui le déficit fédéral de 78,3 milliards $ pour l’exercice financier 2025, le décrivant comme se situant dans une « fourchette prévue » malgré les préoccupations croissantes du public concernant la gestion fiscale.
Lors d’une conférence de presse à Ottawa, le ministre a qualifié ce déficit important comme une réponse nécessaire aux vents économiques internationaux défavorables qui ont touché les principales économies mondiales depuis que la reprise post-pandémique a commencé à ralentir l’année dernière.
« Quand on examine la position fiscale des pays du G7, le Canada reste bien positionné avec l’un des ratios dette/PIB les plus bas, » a souligné le ministre, montrant des graphiques comparatifs illustrant la position du Canada par rapport aux autres nations. « Ce déficit représente des investissements ciblés pour les Canadiens tout en naviguant dans un paysage mondial complexe. »
Le montant de 78,3 milliards $ représente environ 3,1% du PIB canadien, un chiffre plus élevé que les projections initiales de la mise à jour fiscale de l’année dernière, mais inférieur aux craintes de certains économistes compte tenu des récents indicateurs économiques. La Banque du Canada surveille attentivement les pressions inflationnistes alors que les taux de chômage ont légèrement augmenté ces derniers trimestres.
David Rosenberg, président de Rosenberg Research, a offert une évaluation plus critique de la position fiscale du gouvernement. « L’inquiétude ne concerne pas seulement le déficit d’aujourd’hui mais l’effet cumulatif des dépassements constants. Quand reviendrons-nous à l’équilibre? Cette échéance ne cesse de s’allonger, » m’a-t-il confié lors d’un entretien téléphonique après l’annonce.
Ce déficit survient au milieu de pressions concurrentes sur les coffres fédéraux. Les paiements de transfert en santé aux provinces ont considérablement augmenté suite aux accords renégociés l’année dernière. En parallèle, les engagements en matière de dépenses de défense envers l’OTAN et les infrastructures d’adaptation climatique continuent d’exiger d’importantes sorties de capitaux.
Le plus révélateur était peut-être la façon dont le ministre a présenté ces dépenses non pas comme des mesures temporaires mais comme des nécessités structurelles. « Dans un monde d’impacts climatiques croissants, de tensions géopolitiques et de transformation technologique, les gouvernements doivent investir maintenant pour assurer la prospérité future. »
Les critiques de l’opposition n’ont pas tardé à dénoncer ce qu’ils ont qualifié de mauvaise gestion fiscale. Le chef de l’opposition a qualifié le déficit de « absolument choquant » et affirmé qu’il démontrait « un mépris total pour la responsabilité financière. » Plusieurs premiers ministres provinciaux ont exprimé leur inquiétude que les coûts de service de la dette fédérale puissent éventuellement affecter les paiements de transfert aux provinces.
Avery Chen, économiste en chef à la Financière Banque Nationale, a offert une vision plus nuancée. « Le chiffre réel n’est pas surprenant compte tenu des conditions mondiales, mais le défi est de savoir si ces dépenses créent les gains de productivité dont le Canada a désespérément besoin, » a expliqué Chen. « Si nous empruntons pour la consommation plutôt que pour l’investissement, c’est là que les problèmes à long terme émergent. »
La situation fiscale reste compliquée par des revenus plus faibles que prévu provenant des ressources naturelles et de l’imposition des sociétés. Les projections gouvernementales avaient supposé une meilleure performance dans ces secteurs, basée sur des modèles de reprise antérieurs qui se sont avérés trop optimistes.
Les propriétaires de petites entreprises à qui j’ai parlé ont exprimé des sentiments mitigés. Sarah Thompson, qui dirige une entreprise manufacturière à Kitchener, a exprimé sa frustration: « Chaque dollar qu’ils dépensent en trop aujourd’hui est un fardeau fiscal pour mon entreprise demain. À un moment donné, il faut payer les factures. »
En revanche, Joseph Lavoie, directeur d’une startup de technologies propres à Waterloo, voyait les choses différemment. « Les investissements dans les infrastructures vertes et les crédits d’impôt à l’innovation ont directement profité à des entreprises comme la nôtre. Parfois, il faut dépenser de l’argent pour en gagner. »
Les marchés financiers ont réagi avec une inquiétude modérée à l’annonce, le dollar canadien s’affaiblissant légèrement face aux principales devises et les rendements obligataires augmentant légèrement. Cependant, les principales agences de notation ont maintenu des perspectives stables pour le Canada, soulignant l’économie diversifiée du pays et ses cadres institutionnels solides.
Les organismes de surveillance budgétaire ont soulevé des questions sur la durabilité des modèles de dépenses actuels. Le directeur parlementaire du budget a publié une analyse suggérant que sans changements politiques significatifs, les déficits structurels pourraient persister pour le reste de la décennie, limitant potentiellement la flexibilité fiscale lors de futurs chocs économiques.
Le ministre a souligné qu’environ 40% du déficit représente des investissements dans les infrastructures, la recherche et le développement de la main-d’œuvre – des dépenses qui, selon le gouvernement, généreront des rendements futurs. La portion restante couvre les besoins opérationnels, les engagements en matière de soins de santé et la réponse aux événements climatiques qui ont de plus en plus mis à rude épreuve les programmes fédéraux d’aide aux sinistrés.
Alors que les Canadiens assimilent ces réalités financières, la question clé demeure de savoir si ces déficits représentent des investissements nécessaires dans l’avenir du pays ou une mauvaise gestion fiscale qui pèsera sur les générations futures. La réponse contient probablement des éléments des deux – le défi pour les décideurs politiques est de trouver le juste équilibre dans des temps incertains.
Ce qui est clair, c’est que la position fiscale du Canada est devenue de plus en plus complexe dans un monde où les conditions économiques mondiales, les changements technologiques et les impacts climatiques créent des demandes sans précédent sur les ressources gouvernementales. La durabilité de l’approche actuelle dépendra non seulement des décisions d’aujourd’hui, mais aussi de l’efficacité avec laquelle ces investissements positionnent le Canada pour les décennies à venir.