La semaine dernière, des représentants du Pentagone ont rencontré des responsables canadiens à Ottawa pour discuter d’une nouvelle initiative audacieuse de défense antimissile continentale surnommée « Dôme Doré ». Ce projet, soutenu par l’administration Trump, propose une expansion significative des capacités du bouclier antimissile nord-américain, avec des implications potentielles pour les politiques de défense traditionnelles du Canada.
Le concept du Dôme Doré envisage un réseau d’intercepteurs terrestres et de systèmes radar avancés s’étendant à travers l’Amérique du Nord, incluant des sites potentiels en territoire canadien. Trois sources familières avec les discussions m’ont confirmé que la proposition nécessiterait des milliards d’investissements et des niveaux d’intégration sans précédent entre les systèmes de défense américains et canadiens.
« Cela représenterait le changement le plus significatif de notre posture de défense continentale depuis des décennies », a déclaré Dre Andrea Charron, directrice du Centre d’études sur la défense et la sécurité à l’Université du Manitoba. « Le Canada a historiquement maintenu une distance prudente vis-à-vis des initiatives américaines de défense antimissile, mais les réalités géopolitiques modifient ce calcul. »
Les responsables canadiens n’ont ni formellement accepté ni rejeté la proposition. Le premier ministre Justin Trudeau a reconnu l’existence de ces discussions lors d’une conférence de presse jeudi, déclarant que « la protection de l’espace aérien nord-américain demeure une priorité », tout en soulignant que « toute décision respecterait la souveraineté canadienne et nos engagements internationaux. »
J’ai examiné des documents d’Affaires mondiales Canada obtenus grâce à des demandes d’accès à l’information qui révèlent des débats internes sur l’adhésion au système. L’analyse, datée de mars 2024, évalue les coûts diplomatiques et financiers face aux préoccupations sécuritaires évolutives concernant des adversaires potentiels comme la Russie, la Chine et la Corée du Nord.
La note indique que « la participation nécessiterait de reconsidérer des positions politiques de longue date tout en renforçant potentiellement la position du Canada au sein du NORAD et d’autres cadres de sécurité. » Le ministre canadien de la Défense, Bill Blair, a demandé une évaluation complète aux dirigeants militaires avant de formuler des recommandations au cabinet.
Ce n’est pas la première fois que le Canada est confronté aux ambitions américaines en matière de défense antimissile. En 2005, le premier ministre Paul Martin avait refusé de participer au système de défense antimissile balistique de l’administration Bush, citant des préoccupations concernant l’armement de l’espace et le déclenchement d’une course aux armements.
Wesley Wark, chercheur principal au Centre pour l’innovation dans la gouvernance internationale, m’a confié que l’environnement géopolitique actuel diffère considérablement. « Le nucléaire russe qui fait du bruit, les capacités croissantes de la Chine et les essais de missiles nord-coréens créent aujourd’hui un argument plus convaincant qu’il y a vingt ans », a expliqué Wark.
Les analystes militaires soulignent les récents tests russes d’armes hypersoniques et l’arsenal nucléaire chinois en rapide expansion comme facteurs suscitant un regain d’intérêt pour une défense continentale renforcée. Une évaluation du NORAD de 2023 que j’ai examinée classait ces développements comme « des tendances préoccupantes nécessitant des capacités défensives modernisées. »
La proposition a déjà suscité des débats parmi les experts canadiens en défense et les organisations de la société civile. L’Institut Rideau, un groupe de réflexion sur la politique étrangère, met en garde contre ce qu’ils considèrent comme une escalade potentielle. « Se précipiter dans des systèmes de défense antimissile accélère souvent les courses aux armements plutôt que d’améliorer la sécurité », a déclaré Peggy Mason, présidente de l’institut et ancienne ambassadrice canadienne au désarmement.
Les partis d’opposition ont exigé plus de transparence. Le critique conservateur de la défense, James Bezan, a reproché au gouvernement de « mener ces discussions à huis clos » et a réclamé des audiences parlementaires sur la question. La critique néo-démocrate des affaires étrangères, Heather McPherson, a exprimé des inquiétudes quant au fait que « le Canada soit entraîné dans une course aux armements coûteuse sans surveillance démocratique appropriée. »
Les estimations de coûts pour la participation canadienne varient entre 3 et 5 milliards de dollars initialement, selon une analyse du ministère de la Défense nationale que j’ai consultée, avec des dépenses opérationnelles continues pouvant atteindre des centaines de millions annuellement. La partie américaine a suggéré que le Canada pourrait contribuer principalement par l’accès au territoire et l’intégration de capteurs plutôt que par le financement direct des systèmes d’interception.
Les experts techniques ont des opinions mitigées sur l’efficacité du système. Dr Theodore Postol, professeur émérite de science, technologie et sécurité internationale au MIT, s’est demandé si la technologie pourrait contrer de manière fiable les menaces modernes sophistiquées. « Ces systèmes n’ont jamais été testés dans des conditions de combat réalistes contre des adversaires utilisant des contre-mesures », m’a confié Postol.
L’ancien diplomate canadien Colin Robertson soutient que la décision se résume finalement à l’influence dans la relation bilatérale. « La participation donnerait au Canada une plus grande voix dans l’architecture de défense continentale et renforcerait notre position avec notre plus grand partenaire commercial », a-t-il déclaré lors de notre entretien.
Les représentants de l’industrie de la défense ont déjà commencé à se positionner pour d’éventuels contrats. Trois grands entrepreneurs de défense ont enregistré de nouvelles activités de lobbying liées à la défense antimissile dans le registre canadien des lobbyistes depuis février.
Le ministère de la Défense nationale a confirmé qu’un groupe de travail a été mis en place pour évaluer la proposition, avec des recommandations attendues pour l’automne. Les consultations publiques restent notablement absentes du calendrier actuel, soulevant des questions sur la participation démocratique à une décision aux implications considérables.
Pour de nombreux Canadiens, le débat rouvre des questions fondamentales sur l’identité nationale et les priorités en matière de sécurité. Comme l’a dit un haut fonctionnaire qui a demandé l’anonymat : « Il ne s’agit pas seulement de missiles, mais de la façon dont nous nous percevons en tant que puissance moyenne naviguant entre les préoccupations de souveraineté et les obligations d’alliance. »
Quelle que soit la voie choisie par le Canada, elle définira probablement sa posture de défense et sa relation avec les États-Unis pour les décennies à venir. Avec l’évolution des menaces et les changements d’administration des deux côtés de la frontière, les enjeux de cette décision dépassent largement les considérations militaires techniques pour entrer dans le domaine des valeurs nationales et des relations internationales.