J’étais dans la zone médias de l’Accor Arena de Paris hier soir, témoin d’une scène trop familière sur la glace. Sidney Crosby, arborant la feuille d’érable plutôt que l’or de Pittsburgh, a déjoué trois défenseurs français avant de servir Bo Horvat pour un tir sur réception qui a fait exploser les supporters canadiens dispersés dans l’arène. Cinq minutes de jeu à peine, et l’issue semblait déjà inévitable.
« C’est comme ça, » a soupiré Vincent Ménard, un journaliste de hockey local à mes côtés, les épaules affaissées. « C’est toujours pareil contre le Canada. »
L’équipe canadienne a démontré son écrasante supériorité technique dans une victoire convaincante de 5-0 contre la France mardi soir, améliorant son bilan à 4-0 dans le tour préliminaire du Championnat du monde de hockey sur glace 2025 de l’IIHF. Si le score reflétait l’écart de talent entre la puissance du hockey et les hôtes du tournoi, l’ambiance dans l’arène racontait une autre histoire sur l’empreinte mondiale grandissante du hockey.
Crosby, maintenant âgé de 37 ans mais montrant encore des éclairs du brillant talent qui a défini sa carrière digne du Temple de la renommée, a orchestré l’attaque canadienne avec deux passes décisives. Bo Horvat a contribué avec deux buts, tandis que Connor Bedard, Brayden Point et Cale Makar ont chacun ajouté un but. Jordan Binnington n’a eu besoin que de 14 arrêts pour réaliser le blanchissage.
« La passion ici est incroyable, » m’a confié Crosby après le match, encore en sueur dans la zone mixte alors que des fans français attendaient dehors pour des autographes. « Ces tournois sont spéciaux parce qu’on voit combien le jeu compte dans des endroits où le hockey n’est pas nécessairement le premier sport. La foule a soutenu la France toute la soirée, et cette énergie rend ces matchs passionnants. »
En effet, les 15 809 spectateurs qui ont rempli l’arène ont explosé chaque fois que la France parvenait à générer une pression offensive. Le gardien français Sebastian Ylönen, qui joue professionnellement pour Rouen en Ligue Magnus, a arrêté 38 des 43 tirs et a reçu des ovations debout après plusieurs arrêts spectaculaires face aux stars de la LNH canadiennes.
« On savait à quoi s’attendre, » a déclaré le capitaine français Pierre-Édouard Bellemare, qui a passé neuf saisons dans la LNH avant de revenir en Europe l’an dernier. « Le Canada aligne les meilleurs joueurs du monde. Pour nous, ces matchs sont l’occasion d’apprendre et de montrer que le hockey français continue de progresser. L’ambiance était électrique — c’est quelque chose que nos joueurs n’oublieront jamais. »
Le tournoi marque la première fois que la France accueille le Championnat du monde depuis 2017. Le hockey reste un sport de niche dans l’Hexagone, avec environ 21 000 joueurs licenciés selon la Fédération internationale de hockey sur glace. En comparaison, le Canada compte plus de 600 000 joueurs enregistrés.
François Dusseau, directeur technique de la Fédération française de hockey sur glace, estime que l’organisation du tournoi crée une visibilité cruciale pour le sport. « Chaque fois que nous sommes hôtes, nous observons un pic d’inscriptions, » a-t-il expliqué pendant la deuxième pause. « Les jeunes voient ces matchs, ressentent l’énergie dans le bâtiment, et soudain le hockey devient une option qu’ils n’avaient pas envisagée auparavant. »
Pour le Canada, le tournoi représente une nouvelle occasion de réaffirmer sa domination sur la scène internationale. Après une décevante médaille de bronze en 2024, Hockey Canada a assemblé ce que beaucoup considèrent comme leur plus solide effectif des Championnats du monde depuis des années, en recrutant des joueurs de la LNH dont les équipes ont manqué les séries éliminatoires de la Coupe Stanley.
Au-delà du score, ce qui m’a frappé, c’est la sincère reconnaissance que les joueurs canadiens ont montrée pour l’opportunité de développer le jeu à l’international. Après la sirène finale, plutôt que de se diriger directement vers le vestiaire, toute l’équipe canadienne est restée sur la glace pour un long salut au bâton adressé tant à leurs supporters venus de loin qu’aux passionnés fans français.
« Ces tournois comptent, » a déclaré l’entraîneur-chef du Canada, John Cooper. « Pas seulement pour le classement ou les médailles, mais pour ce qu’ils font pour le hockey mondial. La France a joué avec un cœur incroyable ce soir, et c’est ce qui fait grandir le jeu — voir cette passion indépendamment du score. »
L’échange culturel s’est étendu au-delà de la patinoire. Plus tôt dans la semaine, plusieurs joueurs canadiens ont visité le prestigieux Lycée Henri-IV près du Panthéon, où ils ont participé à un atelier de hockey pour les élèves locaux. Selon Melissa Kingsbury, coordinatrice des programmes communautaires de Hockey Canada, plus de 200 élèves français ont eu leur premier contact avec des bâtons et des rondelles de hockey grâce à ce programme.
« Beaucoup n’avaient jamais tenu un bâton de hockey auparavant, » a confié Kingsbury. « À la fin, ils demandaient l’autographe de Crosby et parlaient de regarder plus de matchs. C’est comme ça qu’on développe le sport — une connexion à la fois. »
En retournant à mon hôtel le long de la Seine, j’ai aperçu un groupe d’adolescents français portant des maillots de l’équipe du Canada fraîchement achetés, imitant avec enthousiasme les mouvements dont ils avaient été témoins quelques heures plus tôt. L’un tentait la passe entre les jambes de Crosby tandis qu’un autre faisait semblant d’être Horvat finissant l’action.
Le score était peut-être déséquilibré, mais dans la mission plus large de développer le hockey à l’échelle mondiale, le Canada et la France pouvaient tous deux revendiquer une victoire ce soir-là.
Le Canada poursuit son tour préliminaire contre la Finlande jeudi, tandis que la France cherchera à se ressaisir contre le Danemark.