J’observe depuis quelque temps une tempête qui se prépare sur la Colline du Parlement, soulevant des inquiétudes dans plusieurs secteurs. Hier après-midi, le ministre des Finances Jaswinder Singh a annoncé des coupes de 1,4 milliard de dollars dans le financement canadien pour le développement international et la recherche au cours des trois prochaines années, ramenant les dépenses aux niveaux d’avant la pandémie.
« Nous prenons des décisions difficiles mais nécessaires pour assurer la viabilité fiscale tout en protégeant les services essentiels dont dépendent les Canadiens, » a déclaré Singh aux journalistes lors d’une conférence de presse organisée à la hâte. Le ministre a qualifié ces coupes de « réalignement stratégique », mais la réaction des communautés canadiennes de développement et de recherche a été rapide et tranchante.
En traversant le campus de l’Université d’Ottawa ce matin, j’ai parlé avec Dre Élise Lavoie, qui dirige l’Initiative de recherche en santé mondiale. Debout devant son laboratoire, entourée d’étudiants aux cycles supérieurs, elle n’a pas mâché ses mots : « Nous avons passé des années à bâtir des partenariats de recherche avec des institutions au Kenya et au Bangladesh. Ces coupes signifient que nous devrons abandonner des projets qui montraient un réel potentiel pour le traitement de la tuberculose. »
La décision du gouvernement marque un virage important par rapport à la trajectoire de développement international que le Canada maintenait depuis 2019. Selon les chiffres d’Affaires mondiales Canada, notre aide internationale avait atteint près de 8 milliards de dollars par an en 2024, représentant environ 0,34% du revenu national brut. Le nouvel objectif ramènera ce chiffre à environ 0,28% – encore loin de l’objectif de 0,7% recommandé par l’ONU.
Stephen Cornish, PDG de Care Canada, a exprimé sa frustration lors de notre conversation téléphonique hier soir. « Cela envoie le mauvais message au moment précis où il ne le faut pas. Les catastrophes climatiques s’intensifient, les zones de conflit s’élargissent, et le Canada recule au lieu de s’impliquer davantage. »
Les coupes ne se limitent pas à l’aide étrangère. Le Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie (CRSNG) et le Conseil de recherches en sciences humaines (CRSH) verront leurs budgets réduits de 240 millions de dollars combinés sur la même période. Cela représente une réduction d’environ 7% de la capacité de financement fédéral de la recherche, selon l’analyse préliminaire de l’Association canadienne des professeures et professeurs d’université.
Pendant la période des questions aujourd’hui, la chef de l’opposition Jennifer McCormack a demandé au Premier ministre si ces coupes reflétaient un changement plus large par rapport aux engagements internationaux du Canada. « Est-ce que ce gouvernement abandonne sa promesse d’être un partenaire fiable sur la scène mondiale? » a-t-elle demandé.
Le Premier ministre a défendu la décision, citant les pressions économiques et la nécessité de répondre aux priorités nationales. « Nous restons engagés envers le développement international, mais nous devons équilibrer ces engagements avec la réalité fiscale, » a-t-il répondu, soulignant le maintien du financement pour la finance climatique et les urgences humanitaires.
En me promenant au Marché By d’Ottawa cet après-midi, j’ai constaté des réactions mitigées de la part des citoyens. Marie Tremblay, enseignante à la retraite, m’a confié qu’elle s’inquiète pour la réputation du Canada. « Nous étions connus comme un pays qui se souciait du monde. Sommes-nous en train de devenir plus insulaires maintenant? »
Mais Paul Davidson, qui dirige une petite entreprise de construction, avait un point de vue différent. « Écoutez, j’ai de la compassion pour les gens à l’étranger, mais nous avons des sans-abri ici même à Ottawa. Peut-être devons-nous nous concentrer sur notre propre cour pour un moment. »
Le moment choisi pour ces coupes correspond à des mouvements similaires d’autres nations du G7. Le Royaume-Uni a réduit son objectif d’aide étrangère de 0,7% à 0,5% du revenu national en 2021, tandis que les dernières statistiques de l’OCDE montrent que seuls le Luxembourg, la Norvège, la Suède, le Danemark et l’Allemagne ont atteint ou dépassé l’objectif de 0,7%.
Pour la communauté de recherche canadienne, ce recul du financement survient juste au moment où de nombreuses institutions étaient en train d’élargir leurs collaborations internationales. Dr Sanjay Gupta de l’Institut de recherche sur les maladies infectieuses de l’Université McMaster m’a dit par courriel : « Nous avions bâti un élan avec des partenaires en Afrique du Sud sur la recherche de la résistance aux antimicrobiens. Ces coupes nous forceront à réduire nos activités alors même que nous faisions des percées qui pourraient bénéficier à tous, y compris aux Canadiens. »
Le gouvernement a promis que les engagements existants seront honorés, les coupes s’appliquant principalement aux nouvelles initiatives. Cependant, des organisations comme le Conseil canadien pour la coopération internationale soulignent que cette approche crée un gouffre de financement que de nombreux programmes ne survivront pas.
« Quand vous réduisez soudainement le pipeline pour de nouveaux projets, vous dites essentiellement au secteur de rétrécir, » a expliqué Julia Mohammed, directrice exécutive du Conseil. « Les organisations perdront du personnel et une expertise qui ont pris des années à développer. »
De retour sur la Colline du Parlement cet après-midi, j’ai observé un groupe petit mais vocal de travailleurs du développement et de chercheurs rassemblés sur la pelouse, beaucoup tenant des pancartes avec des messages comme « Coupes dans la recherche = Avenirs perdus » et « Les problèmes mondiaux nécessitent des partenaires mondiaux. » La manifestation n’a pas fait les nouvelles du soir, mais elle signale une résistance croissante à ce que beaucoup considèrent comme un virage politique à courte vue.
Alors que le Canada approche de la moitié de son exercice financier, ces coupes ne représentent qu’une partie d’un programme d’austérité plus large. Qu’elles apportent les avantages fiscaux escomptés – et à quel prix pour la réputation internationale du Canada et sa capacité de recherche – reste une question ouverte que je suivrai de près dans les mois à venir.