Dans l’univers de l’économie alimentaire, un phénomène inhabituel se manifeste actuellement aux comptoirs de viande canadiens. Alors que les prix du bœuf poursuivent leur ascension obstinée, ceux du porc ont connu une baisse surprenante. Cette divergence raconte une histoire plus large sur nos systèmes alimentaires, les habitudes des consommateurs et la toile complexe de facteurs qui façonnent ce que nous payons à la caisse.
Le dernier rapport de Statistique Canada sur les prix à la consommation révèle que les prix du bœuf ont augmenté de 5,8 % d’une année à l’autre en avril, prolongeant une tendance qui comprime le budget des ménages canadiens depuis des mois. Pendant ce temps, les prix du porc ont chuté de 4,7 % par rapport à l’année dernière – une rare lueur d’espoir dans un paysage d’épicerie par ailleurs difficile.
« Nous assistons à un parfait concours de circonstances qui frappe l’industrie bovine, » explique Sylvain Charlebois, directeur du Laboratoire d’analytique agroalimentaire de l’Université Dalhousie. « Entre les conditions de sécheresse dans l’Ouest canadien, l’augmentation du coût des aliments pour animaux et les pénuries de main-d’œuvre dans les installations de transformation, la pression sur les prix a été implacable. »
L’industrie bovine a fait face à des défis particuliers liés aux événements climatiques. La grave sécheresse dans certaines régions de l’Alberta et de la Saskatchewan a forcé de nombreux éleveurs à réduire leurs troupeaux en 2021 et 2022, créant une contrainte d’approvisionnement qui continue de se répercuter sur le marché. Lorsque les agriculteurs ne peuvent pas accéder à des aliments abordables pour leur bétail ou maintenir des pâturages adéquats, ils sont souvent contraints de vendre leur cheptel reproducteur, ce qui réduit la capacité de production future.
Du côté de la transformation, la consolidation a créé ses propres problèmes. Quatre entreprises contrôlent plus de 85 % de la capacité de transformation du bœuf au Canada, selon Agriculture et Agroalimentaire Canada. Cette concentration signifie que des perturbations dans une seule installation peuvent affecter significativement l’approvisionnement national.
L’histoire du porc est complètement différente. Après avoir fait face à leurs propres défis pendant la pandémie, les producteurs porcins ont fortement rebondi, avec des niveaux de production qui dépassent maintenant les résultats d’avant la pandémie dans de nombreuses régions.
« Le cycle du porc fonctionne exactement comme la théorie économique le prédirait, » note Jennifer Hayes, ancienne commissaire à la Commission canadienne du lait. « Les prix plus élevés des années précédentes ont conduit à une production élargie, ce qui a maintenant créé un marché avec un approvisionnement abondant. »
L’industrie porcine canadienne a également bénéficié de l’amélioration des conditions d’exportation. Alors que la Chine avait temporairement interdit les importations de porc canadien en 2019 en raison de tensions diplomatiques, ces marchés ont largement