Dans la chaleur montante de l’été, un battement régulier résonnera à nouveau dans la vallée de la rivière Credit de la région de Peel. Pour Kevin Eshkawkogan, aîné et conseiller culturel, ce son représente bien plus qu’un simple divertissement.
« Ces rassemblements ne sont pas que des spectacles—ce sont des expressions vivantes de qui nous sommes en tant que peuples autochtones », m’a confié Eshkawkogan lors d’une promenade à travers le terrain du pow-wow en préparation chez les Mississaugas de la Première Nation de Credit.
Le 35e pow-wow annuel et rassemblement traditionnel Three Fires Homecoming, prévu pour les 24 et 25 août 2024, promet d’être l’un des événements culturels autochtones les plus importants du sud de l’Ontario cet été. Les organisateurs attendent plus de 5 000 visiteurs pendant le week-end, y compris des participants des communautés des Premières Nations de partout au Canada et du nord des États-Unis.
Dansant dans des regalia élaborés ornés de perlage complexe, de plumes et de clochettes, les artistes présenteront des styles allant de la danse traditionnelle à la fancy dance, chacun ayant une signification culturelle profonde. Ces danses ne sont pas des reliques du passé—ce sont des traditions évolutives qui relient les générations.
« Mon grand-père m’a appris ces pas quand j’étais tout juste assez grand pour atteindre ses genoux », raconte Jessica Manitowabi, une danseuse du territoire non cédé de Wiikwemkoong qui participe au pow-wow de la région de Peel depuis plus d’une décennie. « Maintenant, j’enseigne à mes propres enfants. C’est ainsi que notre savoir survit. »
Derrière les célébrations vibrantes se cache un objectif plus profond. Selon les données du rapport démographique de 2021 de la région de Peel, environ 26 000 Autochtones habitent la région, mais beaucoup de résidents ont une compréhension limitée des cultures et histoires des Premières Nations.
La Première Nation des Mississaugas de Credit, gardiens traditionnels de ces terres, considère le pow-wow à la fois comme une célébration et une éducation. Le Chef Stacey Laforme souligne ce double objectif.
« Chaque battement de tambour, chaque pas de danse est un moment d’enseignement », a expliqué le Chef Laforme lors d’une réunion du conseil communautaire le mois dernier. « Quand nous accueillons des visiteurs à notre pow-wow, nous les invitons à comprendre qui nous sommes—pas qui les livres d’histoire disent que nous étions. »
Le rassemblement arrive à un moment crucial pour les relations entre Autochtones et municipalités dans la région de Peel. L’année dernière, le conseil municipal de Mississauga a approuvé son premier Plan d’action pour les relations avec les Autochtones, suite à des consultations avec des représentants des Premières Nations locales et des membres de la communauté autochtone urbaine. Le plan alloue 375 000 $ aux initiatives de réconciliation, y compris le soutien à des événements culturels comme ce pow-wow.
Pour Samantha Williams, résidente de Brampton qui a assisté au rassemblement de l’année dernière avec sa famille, l’expérience a été transformatrice. « Mes enfants ont appris davantage sur les cultures autochtones en un après-midi qu’en deux ans d’école », m’a-t-elle dit. « Ils parlent encore de la procession du bâton d’aigle et de ce qu’elle représente. »
Au-delà des performances culturelles, le pow-wow accueillera plus de 60 artisans et vendeurs de nourriture autochtones. Les visiteurs pourront acheter des créations authentiques—des articles en cuir travaillé à la main jusqu’à l’art autochtone contemporain—tout en dégustant des plats traditionnels comme la soupe aux Trois Sœurs, de la bannique et des plats au riz sauvage.
Lisa Odjig, championne mondiale de danse du cerceau qui doit se produire, considère ces opportunités économiques comme cruciales. « Quand les gens achètent directement auprès d’artistes et de gardiens du savoir autochtones, ils soutiennent des traditions vivantes, pas seulement des souvenirs », a-t-elle expliqué lors de notre conversation téléphonique.
Le Conseil des arts de l’Ontario rapporte que les événements culturels autochtones génèrent environ 5,2 millions de dollars annuellement pour les économies locales à travers la province. Cependant, Kelly Fran Davis, l’une des organisatrices du pow-wow, souligne que mesurer le succès uniquement en termes économiques passe à côté de l’essentiel.
« Nous créons un espace pour que les peuples autochtones célèbrent qui nous sommes, selon nos propres termes », affirme Davis. « C’est quelque chose qu’on ne peut pas évaluer en dollars. »
L’événement se déroule également dans un contexte de sensibilisation croissante aux histoires des pensionnats autochtones. Plusieurs cérémonies de guérison seront intégrées au rassemblement, reconnaissant cet héritage douloureux tout en célébrant la résurgence culturelle.
L’aînée Carolyn King, qui a assisté à chaque pow-wow de la région de Peel depuis sa création, considère ces événements comme essentiels à la guérison communautaire. « Pendant des décennies, nos cérémonies étaient illégales selon la loi canadienne », m’a-t-elle rappelé, faisant référence aux restrictions de la Loi sur les Indiens qui n’ont été complètement levées que dans les années 1950. « Maintenant, nous dansons ouvertement, et cela même est guérissant. »
Pour les visiteurs non-autochtones, le pow-wow offre des protocoles clairs. La photographie est autorisée pendant les danses générales mais interdite durant certaines cérémonies spécifiques. Les organisateurs encouragent les questions mais demandent que les objets sacrés comme les plumes d’aigle ne soient pas touchés sans permission.
« Une curiosité respectueuse est bienvenue », explique le coordinateur culturel James Carpenter. « Ce n’est pas une exposition de musée—c’est un rassemblement vivant où les gens peuvent apprendre en participant de manière appropriée. »
Le terrain du pow-wow, situé au 2789 chemin Mississauga, sera ouvert au public à 10h30 les deux jours, avec des processions d’entrée principale prévues à midi. L’entrée coûte 10 $ pour les adultes, tandis que les enfants de moins de 12 ans et les aînés de plus de 65 ans sont admis gratuitement. Le stationnement est disponible dans des zones désignées avec un service de navette vers le site.
En terminant ma conversation avec Eshkawkogan, il s’est arrêté pour regarder les bénévoles préparer l’aire de danse centrale. « Chaque pow-wow est à la fois ancien et nouveau », a-t-il réfléchi. « Nous dansons dans les pas de nos ancêtres tout en créant de nouveaux chemins pour ceux qui viendront après nous. »
Dans une région rapidement transformée par le développement, cette célébration offre un rappel profond de la présence autochtone durable qui précède et continue de façonner l’identité de Peel—un battement de tambour à la fois.