Dans un virage important qui pourrait transformer l’avenir de la police nationale du Canada, le syndicat de la GRC préconise des modifications aux politiques de recrutement qui faciliteraient l’attraction de talents policiers des États-Unis et d’autres pays.
La Fédération nationale des policiers, qui représente environ 20 000 membres de la GRC, fait pression sur Ottawa pour qu’elle envisage cette approche alors que la force est aux prises avec des pénuries chroniques de personnel qui ont étiré les détachements à travers le pays. La proposition créerait une voie plus simplifiée pour que les agents expérimentés de l’étranger puissent rejoindre l’emblématique service de police du Canada.
« Nous faisons face à une tempête parfaite de défis de recrutement, » explique Brian Sauvé, président de la Fédération nationale des policiers. « Quand on combine notre main-d’œuvre vieillissante avec les demandes croissantes de sécurité publique et la concurrence des forces municipales offrant de meilleurs forfaits de rémunération, nous devons penser de façon créative à l’acquisition de talents. »
Actuellement, les agents formés à l’étranger font face à d’importants obstacles pour rejoindre la GRC. Contrairement aux forces municipales de Vancouver, Toronto et d’autres grandes villes qui ont activement recruté à l’international, la GRC exige que tous les cadets – quelle que soit leur expérience antérieure – complètent le programme complet de formation Dépôt de 26 semaines à Regina. Cette exigence a effectivement limité le bassin de recrues potentielles à celles déjà au Canada.
La proposition a trouvé un soutien auprès du ministre de la Sécurité publique, Dominic LeBlanc, qui a reconnu les défis de dotation lors d’une récente comparution en comité. « Nous examinons toutes les options pour assurer que la GRC puisse remplir son mandat dans les communautés qu’elle sert, » a noté LeBlanc, tout en avertissant que tout changement doit maintenir les normes élevées de la force.
Les données des propres rapports de la GRC dressent un tableau préoccupant. La force compte actuellement environ 1 800 postes vacants à l’échelle nationale, certains détachements ruraux fonctionnant à 70% de leur capacité. En Colombie-Britannique seulement, près de 40% des agents sont admissibles à la retraite dans les cinq prochaines années.
Michael Kempa, professeur de criminologie à l’Université d’Ottawa spécialisé dans le maintien de l’ordre, voit du mérite dans la proposition mais met en garde contre le fait de la considérer comme une solution complète. « Le recrutement international pourrait aider à combler les postes vacants immédiats, mais la GRC doit s’attaquer aux problèmes structurels qui rendent les carrières dans la force moins attrayantes que les alternatives municipales, » affirme Kempa.
Ces problèmes structurels comprennent des relocalisations fréquentes qui perturbent la vie familiale, des échelles salariales inférieures par rapport aux grands services municipaux, et des défis propres au maintien de l’ordre dans les communautés éloignées. En Alberta et en Saskatchewan, les détachements de la GRC ont souvent du mal à maintenir les niveaux de personnel, ce qui entraîne des temps de réponse plus longs et l’épuisement des agents.
La proposition du syndicat n’a pas été sans critique. Certains observateurs, y compris d’anciens agents de la GRC, s’inquiètent de la dilution potentielle de la culture distincte et des normes de formation qui ont défini la force depuis des générations.
« La formation au Dépôt ne consiste pas seulement à apprendre les compétences policières – il s’agit d’endoctriner les cadets dans les traditions et les valeurs de la GRC, » dit le sergent d’état-major retraité Cal Corley, qui a servi 33 ans dans la force. « Tout changement à ce système nécessite une réflexion approfondie. »
Les communautés autochtones, dont beaucoup dépendent des services de la GRC, ont également exprimé des réactions mitigées. Le chef régional de l’Assemblée des Premières Nations, Bobby Cameron, a souligné l’importance de la formation en compétence culturelle pour tous les recrues internationaux. « Les agents venant d’autres pays doivent comprendre le contexte historique unique du maintien de l’ordre dans les communautés autochtones, » a noté Cameron lors de consultations avec le ministère de la Sécurité publique.
Les changements proposés incluraient probablement un programme de formation modifié pour les agents expérimentés, reconnaissant les qualifications policières antérieures tout en assurant la familiarité avec les lois canadiennes et les protocoles de la GRC. Des modèles similaires ont connu du succès en Australie et en Nouvelle-Zélande, où des programmes d’entrée latérale ont aidé à résoudre les défis de dotation dans les régions éloignées.
Certaines municipalités ont déjà démontré le potentiel du recrutement international. Le Service de police de Vancouver a intégré avec succès des agents du Royaume-Uni et de Hong Kong, tandis que Toronto a attiré des talents des services de police à travers le Commonwealth.
Pour les communautés rurales, les enjeux sont particulièrement élevés. Dans la région d’Interlake au Manitoba, le sergent d’état-major James Monchamp décrit l’impact des pénuries de personnel: « Quand nous fonctionnons à capacité minimale, les temps de réponse en souffrent et le maintien de l’ordre communautaire préventif devient presque impossible. Nos membres sont poussés à leurs limites. »
La proposition survient à un moment où la GRC travaille également à augmenter la diversité dans ses rangs. Seulement 22% des membres réguliers sont des femmes, tandis que les minorités visibles ne représentent que 11,5% de la force – des chiffres bien en deçà de la représentation démographique canadienne.
La matérialisation de ces changements reste incertaine. Tout changement de politique significatif nécessiterait l’approbation de plusieurs ministères, y compris l’Immigration et le Conseil du Trésor. La commissaire de la GRC, Brenda Lucki, a reconnu les défis de dotation mais n’a pas publiquement appuyé la proposition spécifique du syndicat.
Alors que le débat se poursuit, une chose reste claire: l’emblématique tunique rouge, autrefois un outil de recrutement puissant en soi, ne suffit plus à attirer les nombres nécessaires pour assurer le maintien de l’ordre sur le vaste territoire canadien. Quel que soit le chemin qui se dessine, la GRC fait face à une période de transformation alors qu’elle équilibre la tradition avec les exigences pratiques du maintien de l’ordre moderne.