Alors que les parents canadiens font face au coût élevé de l’éducation postsecondaire, plusieurs reconsidèrent leur façon d’épargner pour l’avenir de leurs enfants. Une étude récente révèle que l’évolution des relations commerciales mondiales et les incertitudes économiques ont provoqué un changement significatif dans les stratégies d’épargne-études partout au pays.
Selon un sondage de l’Institut d’épargne-études, près de 68% des parents canadiens ont modifié leur approche d’épargne-études au cours des deux dernières années, citant les tensions commerciales internationales comme facteur déterminant. Cela marque un changement substantiel par rapport aux années précédentes, où les facteurs nationaux influençaient principalement les décisions d’épargne.
« Nous voyons les parents devenir de plus en plus sophistiqués dans leur réflexion sur le financement des études », explique Mira Patel, économiste en chef chez Planificateurs d’éducation canadiens. « Ils font le lien entre les accords commerciaux, les projections du marché du travail et les compétences dont leurs enfants pourraient avoir besoin dans quinze ans. »
L’enquête a révélé que les Régimes enregistrés d’épargne-études (REEE) demeurent le véhicule privilégié pour l’épargne-études, avec 82% des répondants qui les utilisent. Cependant, la répartition au sein de ces comptes a évolué. Les parents diversifient de plus en plus leurs investissements au-delà des actions canadiennes traditionnelles, avec 41% qui incluent maintenant une exposition mondiale et 26% qui incorporent des actifs alternatifs.
Ce changement reflète des inquiétudes plus larges concernant la position économique du Canada au milieu de l’évolution des dynamiques commerciales. Avec la renégociation de l’ALENA en accord ACEUM et les tensions continues avec la Chine, les parents se protègent contre les impacts potentiels sur les industries nationales où leurs enfants pourraient un jour travailler.
Fait intéressant, il existe également un clivage générationnel dans ces réponses. Les parents millénariaux montrent la réaction la plus forte aux incertitudes commerciales, avec 74% signalant des changements dans leur approche d’épargne-études, comparativement à 59% des parents de la génération X. Cette différence pourrait refléter les propres expériences des millénariaux qui sont entrés sur le marché du travail pendant des périodes de volatilité économique.
« Les jeunes parents ont vécu plusieurs perturbations économiques », note Derek Wong, gestionnaire de portefeuille chez Investissements Premier Patrimoine. « Ils ont vu disparaître des emplois manufacturiers, des booms et des effondrements technologiques, et maintenant l’IA qui transforme les industries. Cela les a rendus plus anticipatifs quant à la préparation de leurs enfants à une économie en mutation. »
La répartition géographique de ces préoccupations raconte également une histoire importante. Les parents des régions à forte concentration manufacturière comme le sud de l’Ontario rapportent les niveaux d’inquiétude les plus élevés (76%), tandis que ceux des régions moins exposées aux fluctuations du commerce international, comme certaines parties du Canada atlantique, montrent des réponses plus modérées (52%).
Au-delà de simplement épargner davantage, les parents apportent des changements qualitatifs à leur planification éducative. Le sondage indique que 37% envisagent maintenant des options d’éducation internationale pour leurs enfants, croyant que l’expérience mondiale les préparera mieux à un avenir économique incertain. Un autre 29% signalent une attention accrue à l’épargne pour l’éducation technique plutôt que pour les parcours universitaires traditionnels.
« Les parents deviennent plus stratégiques« , affirme Leanne Taylor, analyste de politique éducative à l’Institut Fraser. « Ils n’épargnent plus aveuglément pour ‘l’université’ – ils réfléchissent aux compétences et expériences spécifiques qui pourraient protéger leurs enfants des perturbations commerciales. »
Les institutions financières ont remarqué cette tendance. Les grandes banques ont commencé à offrir des produits d’épargne-études avec des options d’investissement plus flexibles et des ressources de planification de carrière. La Banque TD a récemment lancé une option REEE « Avenirs éducatifs » qui inclut une exposition aux marchés émergents et aux secteurs technologiques, spécifiquement commercialisée pour les parents préoccupés par les changements économiques.
« Nous constatons une demande pour des produits qui aident les familles à se préparer non seulement financièrement, mais stratégiquement », explique Roberto Vazquez, directeur des services bancaires éducatifs à la Banque Scotia. « Les parents veulent des conseils sur les industries qui pourraient être résilientes face aux perturbations commerciales et sur les compétences qui resteront précieuses indépendamment des changements économiques. »
Le gouvernement fédéral a également répondu à ces préoccupations. L’amélioration de la Subvention canadienne pour l’épargne-études de l’année dernière comprenait des incitatifs supplémentaires pour les familles investissant dans des parcours éducatifs axés sur les STIM, reconnaissant l’évolution du paysage du travail.
Pour les familles individuelles, ce changement a signifié plus de recherche et de réflexion. Aisha Khoury, parent de Winnipeg, décrit son approche modifiée: « Il y a cinq ans, nous mettions simplement de l’argent dans le REEE et pensions que notre fille irait à l’université ici au Manitoba. Maintenant, nous réfléchissons à la possibilité qu’elle étudie à l’étranger, apprenne le mandarin ou se concentre sur la robotique – des choses qui pourraient être précieuses quoi qu’il arrive avec les relations commerciales du Canada. »
Les conseillers financiers notent que cela représente une maturation dans la façon dont les Canadiens abordent la planification de l’éducation. Plutôt que de la considérer comme un simple exercice d’épargne, plus de familles la voient comme faisant partie d’une stratégie économique plus large pour l’avenir de leurs enfants.
Ce qui n’a pas changé, c’est la reconnaissance que l’éducation reste l’un des investissements les plus fiables. Même si les parents s’inquiètent des changements économiques, 91% classent toujours l’épargne-études comme leur priorité financière principale après les coûts de logement, devant la planification de la retraite et d’autres investissements.
À mesure que les relations commerciales mondiales continuent d’évoluer, les stratégies que les familles canadiennes emploient pour préparer leurs enfants à un avenir incertain évolueront également. Ce qui est clair, c’est que l’épargne-études est devenue plus qu’une simple accumulation de fonds – elle est devenue une protection contre les incertitudes économiques mondiales.