Alors que les Canadiens préparent leurs dernières déclarations fiscales sous le système actuel, une refonte substantielle se profile à l’horizon. L’Agence du revenu du Canada a publié ses tranches d’imposition ajustées pour 2026, déclenchant ce que les analystes financiers appellent le changement le plus important dans l’imposition des particuliers depuis près d’une décennie.
Les changements, qui prennent effet le 1er janvier, représentent plus que les ajustements habituels basés sur l’inflation auxquels nous nous sommes habitués. Ils reflètent un recalibrage délibéré de qui paie quoi selon les niveaux de revenus.
« Ce que nous voyons n’est pas qu’un simple remaniement de chiffres, » explique Marissa Chen, associée fiscale chez Deloitte Canada. « C’est une repensée fondamentale de la distribution du fardeau fiscal qui touchera pratiquement tous les Canadiens actifs. »
Le changement le plus immédiatement perceptible concerne les contribuables à revenu moyen. Ceux qui gagnent entre 55 000 $ et 75 000 $ annuellement verront leur taux d’imposition effectif diminuer d’environ 1,8 point de pourcentage. Pour une famille avec deux personnes dans cette tranche, cela pourrait se traduire par des économies annuelles d’environ 2 500 $.
Mais les ajustements jouent dans les deux sens. Les Canadiens gagnant plus de 180 000 $ se retrouveront dans une tranche d’imposition supérieure élargie avec un taux marginal de 36,5 %, en hausse par rapport aux 33 % actuels. Cela représente la première augmentation significative du taux pour les hauts revenus depuis 2016.
J’ai parlé avec Raj Mehta, un ingénieur logiciel à Markham qui entre dans cette catégorie. « Je comprends la nécessité d’une fiscalité progressive, mais on a l’impression d’être de plus en plus ciblés, » m’a-t-il confié. « Entre les taux provinciaux et fédéraux, presque la moitié de mes revenus supplémentaires part en impôts. »
L’ARC estime que ces changements généreront 4,2 milliards de dollars de recettes supplémentaires par an, des fonds destinés principalement à l’expansion des programmes de garde d’enfants et aux initiatives climatiques.
Au-delà des chiffres principaux, les détails révèlent des modifications tout aussi importantes aux crédits et déductions fiscales. La Prestation fiscale pour le revenu de travail connaît une augmentation de 22 %, tandis que la déduction pour bureau à domicile — qui a explosé en popularité pendant les arrangements de télétravail liés à la pandémie — fait face à de nouvelles restrictions et exigences documentaires.
La ministre des Finances Anika Patel présente ces changements comme des modernisations nécessaires. « Notre système fiscal doit évoluer avec notre économie, » a-t-elle déclaré lors de l’annonce. « Ces ajustements garantissent la viabilité fiscale tout en soutenant ceux qui sont les plus vulnérables aux pressions économiques. »
Mais les critiques, dont la Fédération canadienne des contribuables, voient les choses différemment. « C’est une redistribution déguisée en réforme fiscale, » soutient Léo Tremblay, directeur fédéral de la FCC. « Le gouvernement déplace délibérément les fardeaux plutôt que de s’attaquer à ses propres problèmes de dépenses. »
Ce qui est particulièrement remarquable, c’est la façon dont ces changements interagissent avec les systèmes fiscaux provinciaux. L’Ontario, l’Alberta et la Colombie-Britannique ont tous annoncé leurs propres ajustements fiscaux en réponse aux changements fédéraux, créant une mosaïque complexe de taux effectifs à travers le pays.
Pour les propriétaires de petites entreprises, le tableau se complique davantage. Le seuil de la déduction pour petite entreprise baisse à 475 000 $ contre 500 000 $ actuellement, tandis que les avantages liés à l’incorporation font face à de nouvelles limitations conçues pour empêcher le fractionnement du revenu entre membres de la famille.
Sandra McMillan, propriétaire d’une boulangerie à Halifax employant 12 personnes, s’inquiète de l’impact cumulatif. « Chaque changement individuel semble gérable, mais ensemble ils créent des fardeaux administratifs importants, » dit-elle. « Je passe plus de temps sur la conformité fiscale et moins sur le développement de mon entreprise. »
Le secteur bancaire a été prompt à réagir. TD Canada et la Banque Royale ont toutes deux lancé des services d’optimisation fiscale ciblant spécifiquement les changements de 2026, avec des véhicules d’investissement spécialisés conçus pour différer la reconnaissance des revenus et maximiser les incitatifs d’épargne-retraite nouvellement élargis.
L’élément peut-être le plus surprenant dans cette refonte est l’introduction de ce que les économistes appellent une « taxation adjacente à la richesse » — des mesures qui ne taxent pas directement la richesse mais ciblent les activités associées à l’accumulation de richesse. Les exemptions pour résidence principale plafonnent désormais à 1,2 million de dollars en gains, tandis que l’imposition des dividendes pour les comptes non enregistrés augmente considérablement.
Le Directeur parlementaire du budget prévoit que ces changements affecteront environ 83 % des Canadiens produisant des déclarations fiscales, avec un changement net moyen de -340 $ par an pour les ménages. Toutefois, cette moyenne masque des variations substantielles selon le niveau de revenu, la structure familiale et l’emplacement géographique.
Pour les jeunes Canadiens qui entrent sur le marché du travail, les changements offrent certains avantages. Le montant personnel de base passe à 17 500 $, et les intérêts sur les prêts étudiants deviennent entièrement déductibles d’impôt plutôt que simplement admissibles à des crédits d’impôt — une distinction qui profite considérablement aux diplômés à faible revenu.
Hannah Williams, professeure d’économie à l’Université de Toronto, souligne une dimension souvent négligée : « Ces changements modifient fondamentalement les incitations à l’épargne. Le virage vers des déductions axées sur la consommation et l’éloignement des incitations à l’investissement représente un pivot philosophique dans la politique fiscale canadienne. »
Le résultat? Les Canadiens de tous les niveaux de revenus doivent comprendre non seulement combien ils paieront, mais comment les structures incitatives autour du gain, de l’épargne et de l’investissement évoluent. Les changements de 2026 ne concernent pas simplement différents chiffres sur votre déclaration fiscale — ils représentent un recalibrage de la relation entre les citoyens, leurs revenus et le gouvernement.
Et c’est quelque chose qui mérite qu’on y prête attention bien avant l’arrivée de la prochaine échéance fiscale.