J’ai passé la semaine dernière à examiner les implications fiscales transfrontalières des nouvelles propositions de réforme fiscale du président Trump, et ce que je découvre devrait préoccuper les investisseurs canadiens détenant des actifs américains.
« Quand la politique fiscale américaine éternue, les investisseurs canadiens attrapent un rhume, » m’a confié l’avocate fiscaliste transfrontalière chevronnée Mélanie Richardson lors de notre rencontre dans son bureau à Georgetown hier. Richardson, qui se spécialise dans les traités fiscaux Canada-États-Unis, estime que les changements proposés pourraient déclencher un rééquilibrage significatif des portefeuilles canadiens.
La préoccupation la plus immédiate concerne la retenue fiscale potentielle de 15 % sur les paiements de dividendes aux actionnaires étrangers, en hausse par rapport au taux actuel de 5 % protégé par traité pour les participations importantes. Pour les quelque 1,2 million de Canadiens possédant directement des actions américaines, cela représente un triple impact potentiel : rendements après impôt réduits, rendements totaux diminués et pertes en capital possibles si les marchés réagissent négativement.
Des responsables de Finances Canada, s’exprimant sous couvert d’anonymat, ont reconnu qu’ils surveillent de près ces développements. « Nous ne sommes pas en mode panique, mais certainement en mode préparation, » a expliqué un haut fonctionnaire. Le moment crée une incertitude particulière, les propositions arrivant alors que de nombreux Canadiens finalisent leur planification de retraite et fiscale pour l’année à venir.
J’ai visité le quartier financier de Toronto jeudi dernier, où le gestionnaire de portefeuille James Chen chez Northbridge Capital recevait déjà des appels anxieux de clients. « Les téléphones n’arrêtent pas, » a dit Chen, montrant son terminal Bloomberg affichant les contrats à terme sur actions américaines. « Les clients qui ont bâti des plans de retraite autour de revenus de dividendes transfrontaliers sont naturellement inquiets de ce que cela signifie pour leur sécurité financière. »
Les changements proposés vont au-delà de la simple imposition des dividendes. Ils comprennent des modifications potentielles à la Foreign Investment in Real Property Tax Act (FIRPTA) qui pourraient augmenter la charge fiscale des Canadiens possédant des biens immobiliers américains ou des FPI. Selon les données de la National Association of Realtors, environ 92 000 Canadiens ont acheté des propriétés américaines l’an dernier, beaucoup comme investissements de retraite générant des revenus locatifs qui pourraient être soumis à une imposition plus élevée.
Patricia Vega, économiste à l’Université de Toronto qui étudie l’intégration des politiques fiscales nord-américaines, y voit des implications plus larges. « Ces changements n’existent pas isolément, » a-t-elle expliqué lors de notre conversation téléphonique. « Ils interagissent avec les traités fiscaux existants, les dispositions de l’ALENA et la nature intégrée des marchés de capitaux nord-américains. Les effets d’entraînement pourraient être importants. »
Les propositions arrivent dans un contexte de tensions économiques transfrontalières déjà accrues. Les données de Statistique Canada indiquent que les investissements américains représentent environ 48 % des avoirs de portefeuille étrangers des Canadiens, évalués à environ 262 milliards de dollars. Cette concentration crée une vulnérabilité aux changements de politique américaine.
Ce qui rend ces changements particulièrement préoccupants est leur calendrier potentiel de mise en œuvre. Contrairement aux réformes fiscales précédentes qui incluaient de longues périodes de transition, ces propositions pourraient prendre effet quelques mois après leur adoption, laissant des fenêtres de planification limitées aux investisseurs.
« Le calendrier comprimé est problématique, » a noté Derek Wilson, associé fiscal chez Hamilton Fraser Accounting à Vancouver. « Nous conseillons généralement aux clients d’effectuer des changements structurels à leurs investissements bien avant l’entrée en vigueur des modifications fiscales. Ce luxe pourrait ne pas exister cette fois-ci. »
Les institutions financières canadiennes s’empressent d’évaluer les impacts sur les véhicules d’investissement populaires comme les FNB d’actions américaines et les fonds communs. Ces produits, qui représentent environ 22 % des actifs d’investissement de détail canadiens selon les données de l’Institut des fonds d’investissement, pourraient faire face à des implications fiscales complexes selon leurs structures juridiques et leurs modèles de détention.
Lors de ma visite à un séminaire de planification de retraite à Mississauga le week-end dernier, l’anxiété était palpable. « J’ai passé 30 ans à construire un portefeuille avec une exposition américaine importante, » m’a confié Margaret Williams, enseignante retraitée. « Maintenant, je me demande si je dois complètement repenser ma stratégie d’investissement à 67 ans. »
Les décideurs canadiens font face à des choix difficiles si ces changements fiscaux se concrétisent. Finances Canada pourrait envisager d’ajuster les politiques fiscales nationales pour compenser les impacts, mais cela nécessiterait probablement une approbation parlementaire pendant une saison budgétaire déjà litigieuse.
Le comité de politique monétaire de la Banque du Canada pourrait également devoir tenir compte de ces perturbations potentielles des flux de capitaux dans ses décisions de taux d’intérêt, selon les procès-verbaux de leur réunion la plus récente que j’ai examinés hier.
Ce qui ressort clairement de mon reportage, c’est que ces propositions représentent plus que des ajustements fiscaux techniques – elles pourraient fondamentalement modifier le paysage d’investissement pour des millions de Canadiens exposés au marché américain.