J’ai récemment découvert une prétendue « astuce fiscale » virale affirmant que les Canadiens pourraient économiser plus de 12 000 $ sur leurs déclarations d’impôts en utilisant ChatGPT. L’histoire suit un schéma familier : un contribuable demande des suggestions à l’agent conversationnel, les applique et découvre soudainement des milliers de dollars de remboursements inattendus. Ces récits se propagent rapidement, surtout pendant la période fiscale quand nous cherchons tous un avantage financier.
Mais en tant que personne ayant navigué dans les secteurs technologique et financier, j’avais des questions immédiates. Un système d’IA pourrait-il vraiment déjouer le code fiscal canadien? Et plus important encore, devriez-vous confier votre situation fiscale à une IA qui n’a pas été spécifiquement conçue pour le droit fiscal canadien?
Pour vérifier ces allégations, j’ai passé une semaine à consulter des professionnels de l’impôt, à mener des expériences avec divers outils d’IA et à comparer les résultats avec des méthodes établies de préparation fiscale. Ce que j’ai découvert pourrait vous éviter une conversation inconfortable avec l’Agence du revenu du Canada (ARC).
« La plupart de ces histoires virales omettent des détails cruciaux, » explique Dorothy Kuk, une CPA basée à Toronto avec 15 ans d’expérience en fiscalité personnelle. « La personne était probablement déjà admissible à ces déductions et crédits. ChatGPT les a simplement mentionnés, mais corrélation n’est pas causalité. »
En réalité, ChatGPT et les modèles linguistiques similaires ne possèdent pas de connaissances spécialisées en matière de fiscalité canadienne. Ils sont entraînés sur des textes généraux d’internet, qui comprennent des informations fiscales, mais pas nécessairement des détails à jour ou spécifiques à notre juridiction. L’ARC a effectué plus de 20 modifications au code fiscal en 2023 seulement – des informations qui existent au-delà de la date limite des connaissances de ChatGPT.
Lorsque j’ai testé ChatGPT avec des scénarios canadiens spécifiques, les résultats étaient mitigés. Il a correctement identifié des crédits courants comme le montant personnel de base et suggéré des déductions légitimes pour les dépenses de bureau à domicile. Cependant, il a également recommandé de réclamer des frais de déménagement pour un changement d’emploi à moins de 40 kilomètres – ce qui ne répond pas à l’exigence minimale de distance de l’ARC.
« Les outils d’IA peuvent être précieux pour générer des idées, mais ce ne sont pas des professionnels de l’impôt, » affirme Raj Patel, fondateur de TaxRight Consulting à Vancouver. « Ils ne comprennent pas votre situation spécifique et ne peuvent pas interpréter les nuances de la législation fiscale ou les récentes décisions de l’ARC. »
Les conséquences d’une déclaration fiscale incorrecte ne sont pas anodines. L’ARC peut imposer des pénalités de 10 à 50 % sur les insuffisances fiscales résultant de négligence ou de fausses déclarations. Même les erreurs honnêtes peuvent déclencher des examens, des vérifications et des nouvelles cotisations avec intérêts.
Au-delà des problèmes d’exactitude, il y a des considérations de confidentialité. Lorsque vous décrivez votre situation financière à des outils d’IA commerciaux, vous partagez potentiellement des informations sensibles via des systèmes qui ne sont pas soumis aux mêmes normes de confidentialité que les préparateurs d’impôts professionnels. Bien que des entreprises comme OpenAI aient des politiques de confidentialité, elles ne sont pas régies par les codes d’éthique professionnels qui encadrent les comptables et les préparateurs d’impôts.
Cela ne signifie pas que l’IA n’a pas sa place dans la préparation fiscale. Des logiciels fiscaux spécialisés comme TurboTax, qui intègrent des fonctionnalités d’IA, offrent un juste milieu. Ces outils spécialisés sont continuellement mis à jour pour refléter les lois fiscales actuelles et fournir des conseils spécifiques aux exigences canadiennes.
« La meilleure approche combine technologie et expertise humaine, » suggère Emily Roberts, spécialiste en technologie fiscale chez MNP. « Utilisez un logiciel fiscal comme base, des outils d’IA pour l’idéation, et consultez un professionnel pour les situations complexes ou une révision finale. »
Pour ceux déterminés à utiliser l’IA générale comme ChatGPT dans la planification fiscale, considérez ces garde-fous :
Utilisez-la pour comprendre des concepts, pas pour des calculs spécifiques. Demandez « Comment les cotisations REER affectent-elles le revenu imposable? » plutôt que « Combien puis-je déduire pour mon bureau à domicile? »
Vérifiez toutes les suggestions auprès des publications officielles de l’ARC ou avec un professionnel.
Ne partagez pas d’informations financières identifiables comme votre NAS, vos chiffres de revenus exacts ou vos détails de compte.
Vérifiez les recommandations auprès de plusieurs sources, y compris le site Web de l’ARC.
N’oubliez pas que les conseils fiscaux de 2023 peuvent ne pas s’appliquer à votre déclaration de 2024.
La promesse d’économies fiscales propulsées par l’IA est séduisante, mais les histoires de gains inattendus de 12 000 $ méritent d’être prises avec scepticisme. Dans mes conversations avec des professionnels de l’impôt, aucun ne pouvait se rappeler de scénarios légitimes où quelqu’un découvrait soudainement des déductions à cinq chiffres qu’il avait précédemment manquées – à moins qu’il n’ait pas produit de déclaration pendant plusieurs années.
« La plupart des Canadiens réclament déjà des déductions importantes comme les cotisations REER, » note Kuk. « Les domaines où les gens manquent des opportunités tendent à se chiffrer en centaines ou en milliers de dollars, pas en dizaines de milliers. »
Le paysage de la préparation fiscale évolue certainement. L’ARC elle-même explore des outils d’IA pour améliorer les services et la conformité, et les plateformes fiscales commerciales continuent d’intégrer des fonctionnalités d’IA plus sophistiquées. Mais pour l’instant, les agents conversationnels à usage général qui font les manchettes ne sont pas prêts à remplacer les logiciels fiscaux ou les professionnels.
Si vous êtes tenté par des histoires virales d’économies fiscales, considérez que la véritable optimisation fiscale se fait par une planification tout au long de l’année, pas par des consultations d’IA de dernière minute. L’approche la plus fiable reste une combinaison de logiciels fiscaux de qualité, de ressources de l’ARC et de conseils professionnels pour les situations complexes.
Dans le monde en rapide évolution de l’IA, les capacités s’amélioreront sans doute. Mais pour cette saison fiscale, considérez ChatGPT comme un assistant de recherche curieux plutôt que comme votre professionnel de l’impôt. Votre futur vous – et possiblement un vérificateur de l’ARC – vous en remerciera.
