L’augmentation constante du coût des produits alimentaires a poussé la Banque alimentaire de Medicine Hat à lancer cette semaine une ambitieuse campagne de collecte à l’échelle communautaire, alors que les familles du sud de l’Alberta continuent de ressentir les effets de la crise d’abordabilité qui touche tout le pays.
« Nous voyons des familles qui n’ont jamais eu besoin de nos services franchir nos portes, » explique Celina Symmonds, directrice générale de la Banque alimentaire de Medicine Hat. « Le profil de l’insécurité alimentaire a radicalement changé depuis la pandémie, et les systèmes de soutien provinciaux n’ont pas suivi le rythme. »
L’initiative « Remplir le garde-manger » distribue des sacs de dons dans les quartiers résidentiels, avec des bénévoles qui reviendront plus tard cette semaine pour recueillir les contributions alimentaires. C’est une réponse locale à ce que de nombreux experts en politique sociale décrivent comme des lacunes grandissantes dans le filet de sécurité sociale du Canada.
Selon les données de Statistique Canada publiées le mois dernier, l’Alberta a connu une augmentation de 23% de l’utilisation des banques alimentaires depuis 2021, Medicine Hat affichant un taux légèrement supérieur à 26%. Derrière ces chiffres se trouvent des familles qui travaillent mais qui sont de plus en plus coincées entre des salaires stagnants et une inflation qui continue de dépasser les mesures d’aide gouvernementales.
La mairesse de Medicine Hat, Linnsie Clark, m’a confié lors d’un forum communautaire jeudi dernier que les gouvernements municipaux se retrouvent en première ligne de la crise d’abordabilité au Canada. « Les villes ne sont pas conçues pour gérer indépendamment la réduction de la pauvreté, mais la coordination fédérale et provinciale a laissé d’importantes zones d’ombre que nous essayons de combler. »
Cette collecte survient quelques semaines après le débat houleux à l’Assemblée législative de l’Alberta concernant le projet de loi 203, qui proposait d’élargir le financement d’urgence pour la sécurité alimentaire. Le projet a été bloqué en comité, laissant aux organismes communautaires la tâche de combler ces lacunes critiques.
Sur place à l’entrepôt de la banque alimentaire hier, j’ai observé des bénévoles trier les dons tout en discutant des dimensions politiques de leur travail. « Je suis bénévole ici depuis onze ans, » a déclaré Brenda McPherson, infirmière à la retraite. « Le fait que nous servions plus de personnes ayant un emploi que jamais auparavant devrait déclencher des signaux d’alarme à Edmonton et à Ottawa. »
Le ministre provincial des Services sociaux, Jason Nixon, a défendu l’approche du gouvernement, soulignant le programme de Prestation albertaine pour les familles qui fournit jusqu’à 5 500 $ par an aux familles admissibles. « Nous avons structuré nos soutiens pour prioriser les familles qui travaillent tout en encourageant l’indépendance économique, » a déclaré Nixon dans un communiqué de presse en avril.
Mais des chercheurs en sécurité alimentaire comme la Dre Valerie Tarasuk de l’équipe de recherche PROOF de l’Université de Toronto suggèrent que ces programmes ne répondent pas aux besoins actuels. « Lorsque nous voyons des banques alimentaires étendre leurs opérations dans des villes de taille moyenne comme Medicine Hat, c’est la preuve que les cadres politiques existants sont inadéquats, » a expliqué Tarasuk dans une note d’orientation partagée avec les parties prenantes provinciales.
La réponse communautaire a révélé d’intéressantes lignes de fracture politique. Le député progressiste-conservateur Glen Motz a salué l’initiative communautaire tout en évitant de critiquer les modèles de financement provinciaux. Pendant ce temps, les représentants du NPD ont utilisé cette campagne de dons pour mettre en lumière ce qu’ils qualifient d’échecs politiques systémiques.
Pour les résidents de Medicine Hat comme Theresa Coleman, mère célibataire de deux enfants travaillant dans le commerce de détail, ces débats politiques semblent déconnectés de la réalité quotidienne. « Peu m’importe quel palier de gouvernement règle ce problème. Je sais simplement que malgré un travail à temps plein, j’ai eu besoin de la banque alimentaire trois fois l’hiver dernier, » m’a-t-elle confié en déposant des dons, redonnant ainsi au système qui a aidé sa famille pendant des mois difficiles.
La banque alimentaire espère collecter suffisamment de provisions pour renforcer ses stocks pendant les mois d’été, lorsque les dons diminuent généralement mais que les besoins restent stables. L’initiative similaire de l’année dernière avait permis de recueillir plus de 3 400 kilos de denrées non périssables.
Ce qui rend l’approche de Medicine Hat remarquable, c’est son efficacité à transcender les clivages politiques. Le conseiller municipal Robert Dumanowski, qui a travaillé au-delà des lignes partisanes sur des stratégies de réduction de la pauvreté, note que « la sécurité alimentaire est un domaine où les Albertains trouvent généralement un terrain d’entente, même lorsqu’ils sont divisés sur d’autres questions. »
Ce modèle de coopération civique a attiré l’attention des responsables fédéraux. Le secrétaire parlementaire du ministre de la Famille, des Enfants et du Développement social a récemment souligné l’approche communautaire de Medicine Hat comme exemplaire lors des discussions en comité sur le cadre de la Politique alimentaire nationale du Canada.
Alors que les bénévoles se préparent à collecter les sacs de dons ce week-end, l’interconnexion entre l’action communautaire et les lacunes politiques reste évidente. La Banque alimentaire de Medicine Hat s’attend à servir environ 1 300 ménages ce mois-ci—des chiffres qui auraient été impensables il y a cinq ans, selon leur suivi interne.
Pour les observateurs politiques, la situation à Medicine Hat reflète des questions plus larges concernant la responsabilité du bien-être social dans le système fédéré du Canada. Bien que les paiements de transfert fédéraux et les programmes sociaux provinciaux existent sur papier, la dépendance croissante aux banques alimentaires communautaires suggère des écarts importants entre les intentions politiques et les réalités sur le terrain.
Comme l’a dit un bénévole en triant les dons : « Chaque boîte de soupe que nous recueillons représente à la fois le meilleur et le pire de notre système—la générosité des Canadiens ordinaires et l’échec de nos gouvernements à garantir que les gens ne souffrent pas de la faim dans l’un des pays les plus riches du monde. »
Ceux qui souhaitent contribuer à l’initiative de la Banque alimentaire de Medicine Hat peuvent trouver des sacs de dons sur leur pas de porte cette semaine ou déposer leurs contributions directement aux points de collecte dans toute la ville.