Le centre communautaire vieillissant d’Ottawa-Sud bourdonne d’anticipation silencieuse. C’est une foule diverse ce soir – jeunes professionnels, retraités, familles avec enfants d’âge scolaire – tous réunis pour une assemblée publique sur les plans d’infrastructure municipale. Quand le microphone arrive à Martha Dubois, résidente de longue date, sa question perce à travers le jargon politique.
« J’habite cette rue depuis 34 ans, » dit-elle, d’une voix assurée. « Je connais chaque nid-de-poule par son nom. Ce que je ne sais pas, c’est pourquoi je devrais croire que ces plans amélioreront vraiment notre quartier alors que les trois derniers n’ont rien changé. »
Son sentiment fait écho aux conclusions de l’Enquête canadienne sur la confiance et l’attachement 2025, publiée hier par Statistique Canada. Ce sondage national révèle un pays profondément attaché à ses foyers et communautés, mais de plus en plus sceptique envers les gouvernements censés les servir.
Selon l’enquête, 78% des Canadiens se disent « plutôt » ou « très attachés » à leurs communautés locales, mais seulement 53% expriment leur confiance envers leurs gouvernements provinciaux. Le gouvernement fédéral s’en sort légèrement moins bien, avec un niveau de confiance de 49% – une baisse de cinq points par rapport aux sondages similaires réalisés en 2022.
« Ce que nous observons, c’est un décalage entre l’amour des Canadiens pour leur lieu de vie et leur foi dans la gouvernance, » explique Dr. Amina Chaudry, politologue à l’Université Carleton. « Les gens se sentent enracinés dans leurs communautés tout en ayant l’impression que les gouvernements, à tous les niveaux, ne répondent pas adéquatement à leurs préoccupations. »
Les variations régionales racontent une histoire importante. Les Canadiens de l’Atlantique affichent le plus haut niveau d’attachement communautaire à 86%, tout en exprimant la plus grande confiance envers leurs gouvernements provinciaux (61%). En revanche, les Albertains présentent l’écart le plus important entre leur connexion communautaire (74%) et leur confiance envers le gouvernement provincial (43%).
Pour avoir une perspective concrète, je me suis rendu à Millbank, en Ontario, où Craig Wilson, agriculteur de quatrième génération, a partagé son point de vue tout en vérifiant les lignes d’irrigation sur sa propriété familiale.
« Regardez autour, » dit-il en montrant les champs qui s’étendent jusqu’à l’horizon. « Mon arrière-grand-père a défriché cette terre. Mes enfants jouent dans le même ruisseau que moi à leur âge. Mais quand je conduis vers la ville sur des routes qui n’ont pas été correctement entretenues depuis une décennie, ou quand j’ai besoin d’un service Internet qui coupe encore chaque fois qu’il pleut – c’est là qu’on commence à se demander où vont réellement nos impôts. »
Le sondage met en évidence plusieurs facteurs alimentant ce déficit de confiance. Dans toutes les régions, les préoccupations d’abordabilité arrivent en tête, 72% des répondants citant le coût du logement comme un problème clé minant la confiance dans l’efficacité gouvernementale. L’accès aux soins de santé suit de près à 68%, avec la réponse aux politiques climatiques à 59%.
La Première ministre Anand a reconnu ces résultats lors de la période des questions d’hier, déclarant que « la confiance doit être gagnée par des actions, pas des mots » et promettant de renouveler l’accent sur les mesures d’abordabilité dans la prochaine mise à jour économique d’automne.
Le chef de l’opposition Pierre Poilievre s’est empressé de capitaliser sur ces chiffres, déclarant aux journalistes que « les Canadiens ont perdu confiance parce que ce gouvernement a constamment rompu ses promesses sur les enjeux quotidiens qui comptent le plus. »
Mais au-delà des interprétations partisanes, les dirigeants municipaux voient une opportunité dans ces données. La mairesse de Calgary, Jyoti Gondek, souligne que selon l’enquête, 64% des Canadiens font davantage confiance à leurs gouvernements locaux qu’aux paliers provincial ou fédéral.
« Les gens peuvent constater l’impact direct au niveau local, » a noté Gondek dans un communiqué. « Quand nous réparons un terrain de jeux ou améliorons la fréquence des transports en commun, les résidents vivent cette amélioration immédiatement. Cela bâtit la confiance par des résultats tangibles. »
Le sondage révèle des points positifs surprenants. Malgré la baisse de confiance institutionnelle, 81% des répondants ont exprimé leur confiance envers leurs voisins et les organismes communautaires locaux – suggérant que les Canadiens trouvent des solutions en dehors des structures gouvernementales traditionnelles.
Cette tendance vers la résolution de problèmes communautaires est évidente dans des endroits comme Trois-Rivières, au Québec, où des initiatives menées par les résidents ont comblé les lacunes de services. Le programme « Notre Quartier Ensemble » a organisé tout, du transport des aînés aux activités parascolaires, quand les ressources municipales étaient insuffisantes.
« Nous ne pouvions pas attendre l’approbation du gouvernement ou les cycles de financement, » explique Jeanne Tremblay, coordonnatrice du programme. « Nos voisins avaient besoin d’aide maintenant, alors nous avons créé des systèmes qui fonctionnent pour nous. »
Pour les partis politiques qui approchent le prochain cycle électoral, le message des Canadiens semble clair : apporter des améliorations concrètes à la vie quotidienne ou voir la confiance continuer à s’éroder. La corrélation la plus forte dans les données lie la perception d’une prestation efficace de services aux niveaux de confiance gouvernementale.
De retour à l’assemblée publique d’Ottawa-Sud, le conseiller Shawn Menard répond au scepticisme de Martha avec une franchise rafraîchissante.
« Vous avez raison de remettre en question les promesses passées, » reconnaît-il. « C’est pourquoi nous avons changé notre approche – des projets plus petits réalisés plus rapidement avec des comités de surveillance communautaire pour garantir la responsabilité. »
Alors que les Canadiens naviguent dans des temps économiques difficiles et l’incertitude mondiale, leur attachement au foyer demeure une constante puissante. Reste à savoir si les gouvernements pourront reconstruire la confiance nécessaire pour relever nos défis nationaux les plus pressants – une question qui pourrait définir notre paysage politique pour les années à venir.
L’enquête de Statistique Canada a été menée entre mars et avril 2025, avec des réponses de 3 870 Canadiens dans toutes les provinces et territoires, et comporte une marge d’erreur de +/- 2,1 points de pourcentage, 19 fois sur 20.