Le scandale entourant l’application ArriveCAN du gouvernement fédéral a connu un nouveau rebondissement hier lorsque GC Strategies, le principal entrepreneur derrière cette application controversée, s’est vu imposer une interdiction de sept ans pour tous les contrats fédéraux.
Cette action décisive fait suite à des mois d’examen croissant après qu’un rapport du vérificateur général ait révélé que les coûts de l’application avaient grimpé à près de 59,5 millions de dollars, soit plus de dix fois son budget initial.
« Cela représente l’une des périodes d’exclusion les plus longues que nous ayons émises dans un passé récent, » a confirmé la ministre des Approvisionnements, Anita Anand, lors d’une conférence de presse à Ottawa. « L’intégrité de notre système d’approvisionnement exige des comptes, et les conclusions dans ce cas justifiaient notre réponse la plus ferme. »
L’application ArriveCAN, développée à l’origine comme mesure pandémique pour faciliter les passages frontaliers, fait l’objet d’une enquête depuis l’automne dernier, lorsque des documents ont révélé des pratiques contractuelles douteuses et des dépassements de coûts alarmants.
L’Agence des services frontaliers du Canada avait initialement présenté ArriveCAN comme un projet de 4,9 millions de dollars en 2020. Au moment où l’exigence d’utilisation obligatoire a pris fin en octobre 2023, les coûts avaient considérablement augmenté, déclenchant des audiences de comités parlementaires et l’indignation du public.
GC Strategies, une société de conseil de deux personnes basée à Ottawa, a obtenu le contrat principal malgré l’absence de développeurs internes. Au lieu de cela, ils ont sous-traité le travail de programmation à diverses entreprises technologiques tout en facturant apparemment des frais de gestion substantiels.
« Quand les Canadiens entendent parler d’une application à 59 millions de dollars, ils s’attendent légitimement à en avoir pour leur argent, » a déclaré le député conservateur Michael Barrett, qui siège au comité parlementaire qui a enquêté sur le scandale. « Ce qu’ils ont obtenu à la place est un cas typique de gaspillage gouvernemental dû à une surveillance insuffisante. »
L’enquête du vérificateur général a mis au jour des pratiques d’approvisionnement troublantes, notamment des approbations uniquement verbales, des documents manquants et une surveillance insuffisante de la performance des entrepreneurs.
Les responsables de l’ASFC qui ont témoigné devant le Parlement ont admis qu’ils ne pouvaient pas fournir de ventilation détaillée de la façon dont l’argent a été dépensé, ce qui a conduit à des accusations de négligence de la part des partis d’opposition.
Pour les Canadiens ordinaires qui ont utilisé l’application pendant leurs voyages en période de pandémie, cette nouvelle valide les frustrations que beaucoup ont éprouvées avec la plateforme.
« Je me souviens avoir essayé de télécharger mes informations de vaccination trois fois avant un vol pour Toronto l’année dernière, » a déclaré Élise Tremblay, résidente de Montréal. « Savoir maintenant combien nous avons payé pour quelque chose qui fonctionnait à peine est franchement exaspérant. »
L’interdiction de sept ans empêche GC Strategies de soumissionner pour tout contrat fédéral jusqu’en 2032, éliminant essentiellement l’entreprise de la considération pour les travaux gouvernementaux dans un avenir prévisible.
Des experts juridiques suggèrent que cela pourrait inciter l’entreprise à intenter un procès, celle-ci ayant maintenu qu’elle avait suivi toutes les règles d’approvisionnement et livré ce qui avait été demandé.
« Ce type d’exclusion est dévastateur pour un entrepreneur dont le client principal est le gouvernement fédéral, » a expliqué Marie LeBlanc, spécialiste du droit des marchés publics chez Grenier & Associés. « Bien que le gouvernement ait cette autorité, nous voyons souvent des contestations lorsque les sanctions sont aussi sévères. »
Le Secrétariat du Conseil du Trésor a également annoncé de nouvelles directives d’approvisionnement conçues pour prévenir des situations similaires à l’avenir. Celles-ci comprennent des examens techniques obligatoires pour les projets informatiques dépassant 5 millions de dollars et des exigences de documentation plus strictes pour toutes les modifications de contrat.
Un sondage d’opinion publique réalisé par Abacus Data suggère que la controverse d’ArriveCAN a entamé la confiance des Canadiens dans les services numériques gouvernementaux, 64% des répondants exprimant une confiance réduite dans la capacité d’Ottawa à livrer des projets technologiques dans les limites du budget.
Le fiasco d’ArriveCAN représente une leçon coûteuse en matière d’approvisionnement technologique gouvernemental. Bien que l’application elle-même ait été décommissionnée, son héritage se poursuit dans les réformes politiques et les retombées politiques qui affecteront probablement les projets technologiques fédéraux pour les années à venir.
Pour de nombreux observateurs, l’aspect le plus troublant reste qu’une application frontalière relativement simple – comparable à ce que les entreprises privées développent pour beaucoup moins – ait pu commander un prix qui aurait pu financer des initiatives de santé entières dans des communautés plus petites.
Alors que le Parlement se prépare pour sa pause estivale, les partis d’opposition ont signalé qu’ils continueraient à faire pression pour que les hauts fonctionnaires qui ont supervisé le projet rendent des comptes. Pendant ce temps, les Canadiens ordinaires se demandent combien d’autres projets technologiques gouvernementaux pourraient souffrir de défaillances de surveillance similaires.