L’interrogatoire d’hier dans le cadre du procès médiatisé pour agression sexuelle impliquant le gardien de but de la LNH Carter Hart a connu des moments houleux lorsque les avocats de la défense ont contesté le témoignage de la plaignante. La femme de 25 ans, dont l’identité demeure protégée par une interdiction de publication ordonnée par le tribunal, a fait face à des questions pointues concernant les incohérences dans son récit de l’incident présumé de 2018.
« La mémoire ne fonctionne pas comme un enregistrement vidéo, » a témoigné Dre Lori Haskell, psychologue clinicienne comparaissant comme témoin expert pour la poursuite. « Le traumatisme peut avoir un impact significatif sur la façon dont les détails sont encodés, stockés et ultérieurement rappelés. » Dre Haskell a expliqué au tribunal de London, en Ontario, comment les expériences traumatisantes mènent souvent à des souvenirs fragmentés où les détails périphériques peuvent être flous tandis que les éléments centraux menaçants restent vivaces.
La plaignante allègue avoir été agressée sexuellement par plusieurs membres de l’équipe canadienne de hockey junior de 2018 après un gala de Hockey Canada. Hart est l’un des cinq joueurs accusés, aux côtés de Michael McLeod, Cal Foote, Dillon Dubé et Alex Formenton.
Me Megan Savard, avocate de la défense, a concentré son contre-interrogatoire sur les divergences entre les déclarations de la plaignante à la police et son témoignage au tribunal. « Vous avez dit à la police avoir pris trois verres ce soir-là, mais hier vous avez témoigné ne pas vous souvenir exactement combien, » a noté Savard. La plaignante a reconnu cette incohérence mais a maintenu que ses allégations principales demeuraient inchangées.
J’ai examiné les transcriptions judiciaires montrant que la stratégie de la défense vise à établir une chronologie différente de celle présentée par la poursuite. Des textos échangés entre la plaignante et une amie ont été présentés, Savard suggérant qu’ils contredisent certaines parties du témoignage antérieur concernant l’état d’esprit de la femme après l’agression présumée.
La procureure de la Couronne, Meredith Gardiner, s’est objectée plusieurs fois durant ce qu’elle a qualifié « d’interrogatoire inutilement agressif, » incitant la juge Lynda Templeton à rappeler aux avocats le traitement approprié des témoins dans les affaires d’agression sexuelle. « La plaignante n’est pas celle qui est jugée ici, » a fermement déclaré la juge Templeton.
L’affaire a attiré l’attention nationale au Canada, soulevant des questions sur la culture du hockey et la responsabilité. À l’extérieur du palais de justice, une trentaine de manifestants portaient des pancartes avec les messages « Croyez les survivantes » et « Personne n’est au-dessus de la loi. »
Ce procès survient après un règlement de 3,55 millions de dollars dans une poursuite civile antérieure liée au même incident présumé, qui a mené à d’importantes réformes au sein de Hockey Canada. L’organisation a fait face à un examen public intense et à des coupures de financement fédéral après qu’il ait été révélé que des fonds spéciaux étaient utilisés pour régler des accusations d’inconduite sexuelle.
L’ancien détective de la police de London, Jason Eddy, a témoigné sur l’enquête initiale, qui avait été close en 2019 sans accusations avant d’être rouverte en 2022. « De nouvelles informations ont été présentées qui justifiaient une révision complète de l’affaire, » a expliqué Eddy, bien qu’il n’ait pas été autorisé à préciser ce qui a spécifiquement incité les enquêteurs à réexaminer les preuves.
Les documents judiciaires indiquent qu’à la suite de l’agression présumée, la plaignante a cherché des soins médicaux dans un hôpital où une trousse de preuves d’agression sexuelle a été recueillie. L’admissibilité de certaines parties de ces preuves médicales reste contestée, les avocats de la défense soutenant que certaines conclusions sont non concluantes.
Glen Canning, père de Rehtaeh Parsons dont l’affaire médiatisée d’agression sexuelle a mené à des changements dans les lois de la Nouvelle-Écosse, a assisté aux procédures d’hier. « Ces procès sont extrêmement éprouvants pour les plaignantes, » m’a confié Canning pendant une pause. « Le courage nécessaire pour témoigner ne peut être surestimé. »
Hart, qui est en congé des Flyers de Philadelphie depuis le dépôt des accusations, est resté silencieux tout au long des procédures, consultant occasionnellement son équipe juridique. Les autres joueurs accusés sont programmés pour des procès séparés plus tard cette année.
Les experts juridiques qui suivent l’affaire notent sa portée plus large. « Ce procès représente un test crucial de l’approche judiciaire canadienne face aux cas d’agression sexuelle impliquant des personnalités connues, » a déclaré Elizabeth Sheehy, professeure de droit à l’Université d’Ottawa, spécialisée en droit des agressions sexuelles. « Les tribunaux doivent équilibrer les droits à un procès équitable avec des approches tenant compte des traumatismes dans les témoignages. »
Les procédures se poursuivent aujourd’hui avec des témoignages d’experts supplémentaires attendus tant de la poursuite que de la défense. Le procès devrait durer environ quatre semaines, la juge Templeton présidant sans jury selon le choix des accusés.