Dans ce qu’on pourrait appeler un moment décisif pour le nouveau gouvernement manitobain, le premier ministre Wab Kinew a confirmé que sa ministre qui s’est plainte à propos d’une interprète en langue des signes conservera son poste malgré les appels croissants à sa démission.
La controverse a éclaté la semaine dernière lorsque Uzoma Asagwara, ministre manitobaine de la Santé, des Aînés et des Soins de longue durée, a exprimé sa frustration concernant la présence d’une interprète en langue des signes américaine lors d’une annonce de financement. Selon des personnes au fait de l’incident, Asagwara aurait demandé pourquoi l’interprète devait être visible à la caméra pendant la conférence de presse.
« J’ai parlé avec la ministre. Ils ont exprimé des regrets quant à la façon dont les choses se sont déroulées, » a déclaré Kinew aux journalistes hier à l’Assemblée législative du Manitoba. « Nous sommes engagés envers l’accessibilité et l’inclusion dans l’ensemble du gouvernement, et cette situation nous a fourni l’occasion de nous réengager tous envers ces valeurs. »
L’incident a rapidement suscité l’indignation des défenseurs de l’accessibilité dans toute la province. L’Association des sourds du Manitoba a publié un communiqué qualifiant les commentaires de la ministre de « profondément préoccupants » et soulignant que la visibilité des interprètes est essentielle pour que les Manitobains sourds et malentendants puissent accéder aux informations gouvernementales.
Asagwara, qui utilise les pronoms ils/eux et a marqué l’histoire en tant que premier ministre noir et queer au cabinet manitobain, s’est depuis excusé, déclarant : « Je regrette sincèrement mes commentaires, qui ne reflétaient pas mes valeurs ni l’engagement de notre gouvernement envers l’accessibilité. »
Pour Kinew, qui a pris ses fonctions en octobre dernier après avoir défait les Progressistes-Conservateurs, cela représente un premier test de son leadership et de l’engagement déclaré du gouvernement néo-démocrate envers l’inclusion. Kinew est arrivé au pouvoir en promettant une approche plus compatissante que ses prédécesseurs.
« Quand des erreurs se produisent, ce qui compte, c’est comment nous réagissons et ce que nous apprenons, » a déclaré Kinew. « La ministre Asagwara a pris ses responsabilités, et nous prenons des mesures pour renforcer nos pratiques d’accessibilité dans l’ensemble du gouvernement. »
Selon des sources gouvernementales, l’incident a provoqué une révision interne des protocoles d’accessibilité pour les annonces gouvernementales. Le premier ministre a indiqué que son bureau consulterait les organisations de défense des personnes handicapées pour améliorer les pratiques à l’avenir.
La cheffe de l’opposition, Heather Stefanson, a saisi l’occasion de cette controverse, la qualifiant d' »hypocrisie choquante » de la part d’un gouvernement qui « a fait campagne sur l’inclusion ». Dans une déclaration au Manitoba Free Press, Stefanson a exigé la démission d’Asagwara, affirmant que « les Manitobains méritent mieux de leur ministre de la Santé. »
L’analyste politique Cameron Wright de l’Université du Manitoba suggère que cet incident présente à la fois un défi et une opportunité pour le gouvernement Kinew.
« La façon dont ils navigueront dans cette situation en dira long sur leur style de gouvernance, » a déclaré Wright. « Ils se sont positionnés comme des champions de l’inclusion. Maintenant, ils doivent démontrer que ce ne sont pas que des paroles en l’air. »
Les récents sondages de Probe Research montrent que le NPD profite encore de sa lune de miel post-électorale, avec 48 % d’appui parmi les électeurs décidés. Mais Wright prévient que les faux pas précoces peuvent parfois définir les nouveaux gouvernements.
Jennifer Rodrigue, défenseure des personnes handicapées de l’organisme Manitoba sans barrières, a fait preuve de mesure dans sa réponse. « Ce qui compte maintenant, ce sont les actions, pas seulement les excuses, » a-t-elle déclaré. « Ce gouvernement s’engagera-t-il de manière significative auprès de nos communautés et renforcera-t-il les exigences en matière d’accessibilité? C’est ainsi que nous jugerons leur réponse. »
L’incident met en lumière les défis persistants auxquels sont confrontées les communautés sourdes et malentendantes pour accéder à l’information publique. Selon Statistique Canada, environ 357 000 Canadiens s’identifient comme culturellement sourds ou utilisent la langue des signes, et des milliers d’autres ont besoin de services d’interprétation pour les communications essentielles.
Pour Kinew, l’incident représente un défi précoce à son image de leader. Pendant la campagne de l’automne dernier, il a fréquemment souligné son engagement à construire un « Manitoba pour tous », mettant spécifiquement en avant l’amélioration des services pour les communautés marginalisées.
« Notre gouvernement s’engage à tirer des leçons de cette situation, » a déclaré Kinew. « La ministre Asagwara a ma confiance, et ensemble, nous veillerons à ce que nos actions démontrent nos valeurs d’inclusion et de respect. »
En tant que premier premier ministre autochtone du Manitoba, Kinew a souvent parlé de l’importance d’éliminer les barrières. Il fait maintenant face à la tâche de rétablir la confiance avec les défenseurs de l’accessibilité tout en gérant la dynamique interne du parti dans un caucus qui cherche encore à s’établir au gouvernement.
Le premier ministre a indiqué que son bureau annoncerait de nouvelles initiatives d’accessibilité dans les semaines à venir, bien que les détails restent flous. Entre-temps, Asagwara devrait rencontrer des représentants de la communauté sourde pour discuter directement de leurs préoccupations.
Pour de nombreux Manitobains, la réponse du gouvernement à cet incident servira d’indicateur précoce pour déterminer si le gouvernement néo-démocrate de Kinew représente véritablement le changement qu’ils ont promis lors de la campagne de l’année dernière.