Alors que le vent d’automne balayait les pavés mouillés de pluie à Groesbeek, aux Pays-Bas, les mélodies poignantes de « Flowers of the Forest » traversaient la brume matinale. Derrière les cornemuses se tenait Jean Odermatt, un joueur de 67 ans originaire de Vancouver, dont le père a combattu sur ces mêmes champs durant les derniers moments de la Seconde Guerre mondiale.
« Cette terre conserve l’histoire de ma famille, » m’a confié Odermatt après la cérémonie, ses doigts usés encore chauds d’avoir tenu l’instrument dans la fraîcheur du matin. « Quand je joue ici, je parle aux fantômes. »
Odermatt fait partie des vingt joueurs de cornemuse canadiens qui parcourent actuellement les Pays-Bas pour le 80e anniversaire de la libération du pays de l’occupation nazie. Le groupe, représentant des formations de cornemuses de la Colombie-Britannique jusqu’à la Nouvelle-Écosse, se produira sur douze sites commémoratifs pendant deux semaines, pour culminer lors de la cérémonie officielle canadienne de la Libération à Apeldoorn le 5 mai.
Le lien entre le Canada et la libération néerlandaise est plus profond que la plupart des Canadiens ne l’imaginent. Plus de 7 600 soldats canadiens sont morts durant les neuf mois de campagne pour libérer les Pays-Bas, un sacrifice commémoré chaque année par des cérémonies, des festivals de tulipes, et maintenant cette délégation sans précédent de joueurs de cornemuse.
« Il ne s’agit pas simplement de se souvenir, » explique Dr. Helena Vander Meer, historienne militaire à l’Université Carleton. « Ces commémorations forment un pont vivant entre des nations dont les destins sont devenus définitivement liés pendant ces mois désespérés de 1944-45. »
Le voyage de la délégation a été organisé par l’Association canadienne-néerlandaise du Souvenir avec le soutien d’Anciens Combattants Canada. Selon les registres officiels, cette initiative de 175 000 $ représente le plus grand groupe organisé de musiciens cérémoniels canadiens jamais envoyé en Europe à des fins commémoratives.
Pour de nombreux joueurs, cette tournée représente un pèlerinage profondément personnel. Le chef de délégation Malcolm Fraser de Victoria retrace les pas de son grand-père à travers l’Opération Veritable, l’offensive de février 1945 qui a délogé les forces allemandes de la forêt de Reichswald.
« Mon grand-père parlait rarement de la guerre, mais il mentionnait toujours les Néerlandais, » m’a expliqué Fraser alors que nous parcourions le Cimetière de guerre canadien à Groesbeek. « Il me racontait comment ils bordaient les rues en agitant des drapeaux à feuille d’érable cousus à partir de draps. Cette gratitude n’a pas faibli après huit décennies. »
Les faits confirment l’observation de Fraser. Une enquête de 2022 par l’Institut néerlandais de recherche sociale a révélé que 87% des citoyens néerlandais de plus de 60 ans pouvaient identifier correctement le rôle du Canada dans la libération, tandis que 93