J’ai déposé mes chaussures à l’entrée du Centre communautaire de Kitsilano, où une douzaine de personnes s’étaient rassemblées lors d’une soirée brumeuse à Vancouver. L’arôme de légumes racines rôtis et de tisane embaumait l’air. Ce n’était pas un cours de cuisine ordinaire, mais plutôt la première ligne de défense contre le diabète dans l’une des villes les plus soucieuses de la santé au Canada.
« Mon médecin m’a dit que j’étais prédiabétique l’année dernière, » me confia Maria, une enseignante du primaire de 56 ans assise à côté de moi, pendant que nous coupions des carottes pour un ragoût. « Ça m’a fait peur. Ma mère a perdu la vue à cause du diabète avant de mourir. »
L’histoire de Maria fait écho partout au Canada, où environ 11,7 millions de personnes vivent avec le diabète ou le prédiabète. Selon Diabète Canada, ces chiffres ont doublé au cours des deux dernières décennies, les coûts directs pour le système de santé atteignant 30 milliards de dollars par année. Derrière ces statistiques se cachent des histoires de familles aux prises avec une condition qui transforme les rituels quotidiens—comme préparer le souper—en décisions médicales.
L’atelier de cuisine, dirigé par Jessica Sault, diététicienne Nuu-chah-nulth, se concentre sur la reconstruction des relations avec les aliments traditionnels et les habitudes alimentaires durables. « Le diabète n’était pas courant dans les communautés autochtones avant la colonisation et l’arrivée des aliments transformés, » explique Sault tout en démontrant comment préparer le saumon. « La déconnexion des systèmes alimentaires culturels a eu des conséquences dévastatrices. »
La crise du diabète au Canada reflète des changements sociétaux plus larges. Des environnements de plus en plus remplis d’aliments ultra-transformés, des quartiers dépendants de l’automobile et des horaires de travail stressants créent ce que les experts en santé publique appellent des « environnements obésogènes« —des conditions où maintenir des habitudes saines devient difficile, quelle que soit la volonté personnelle.
Lors de ma visite dans la communauté de Dease Lake, dans le nord de la Colombie-Britannique l’été dernier, j’ai été témoin de la façon dont la souveraineté alimentaire influence les résultats de santé. La coopérative d’épicerie communautaire privilégie les produits abordables et les aliments traditionnels, qui avaient été progressivement remplacés par des alternatives moins chères, à longue conservation, mais riches en glucides raffinés.
« Nous ne vendons pas simplement de la nourriture, » m’a expliqué Robert Charlie, gérant de la coopérative. « Nous reconstruisons notre lien avec la terre et créons des alternatives aux aliments transformés qui ont infiltré nos régimes alimentaires. »
Des recherches de l’Université de Toronto ont démontré que les environnements alimentaires des quartiers influencent considérablement les taux de diabète. Les communautés ayant un accès limité aux aliments frais présentent des taux de diabète jusqu’à 37% plus élevés que les zones offrant diverses options aliment