À l’ombre de la colline du Parlement, un acteur surprenant a fait son entrée dans la politique canadienne—le beau jeu lui-même. Alors que Vancouver et Toronto se préparent à accueillir des matchs pour la Coupe du Monde de la FIFA 2026, des vents politiques contraires en provenance du sud de la frontière menacent de compliquer le moment du Canada sur la scène mondiale.
« Nous surveillons la situation de près », admet la sous-ministre des Sports Catherine Bremner lors de notre conversation dans son bureau d’Ottawa. Dehors, la pluie printanière tombe sur le canal Rideau, métaphore appropriée de l’incertitude qui plane sur les préparatifs canadiens pour la Coupe du Monde. « Il s’agit de bien plus que du soccer. C’est notre position internationale et des milliards en activité économique qui sont en jeu. »
Les préoccupations proviennent des récentes manœuvres législatives au Congrès américain, où le financement des villes hôtes américaines s’est retrouvé empêtré dans des batailles budgétaires partisanes. Avec les États-Unis qui accueilleront 60 des 80 matchs du tournoi dans 11 villes, l’impasse politique là-bas crée des effets d’entraînement qui atteignent les rives canadiennes.
Le conseiller municipal de Toronto James Pasternak ne mâche pas ses mots concernant la situation. « Nous sommes partenaires avec deux autres nations dans cette candidature, mais nous ne sommes pas des partenaires égaux. Quand la politique américaine éternue, les villes hôtes canadiennes attrapent un rhume. »
Ce rhume s’est manifesté par des engagements fédéraux retardés pour les infrastructures de sécurité et les améliorations de transport cruciales pour les cinq matchs prévus à Toronto. Vancouver fait face à des défis similaires avec un calendrier de rénovations du BC Place de plus en plus comprimé.
Un récent sondage d’Angus Reid montre que 68 % des Canadiens soutiennent l’accueil des matchs de la Coupe du Monde, mais seulement 41 % croient que le gouvernement fédéral s’est préparé adéquatement pour le tournoi. Cet écart souligne la déconnexion entre l’enthousiasme public et la préparation politique.
L’impact économique du tournoi ne peut être sous-estimé. Tourisme Toronto prévoit 307 millions de dollars en dépenses directes des cinq matchs à eux seuls, avec des retombées économiques plus larges pouvant atteindre 1,2 milliard de dollars en tenant compte des améliorations d’infrastructure et de la valeur du marketing mondial.
Ce qui rend cette situation particulièrement difficile est le nouveau format élargi du tournoi. Avec 48 équipes au lieu des 32 traditionnelles, les exigences logistiques ont augmenté de façon exponentielle. Les responsables canadiens se retrouvent sur une corde raide diplomatique—poussant leurs homologues américains à plus de clarté tout en maintenant le front uni essentiel au succès de la candidature conjointe.
« Nous ne planifions pas seulement un tournoi sportif; nous naviguons dans une relation internationale complexe à un moment où la politique s’est infiltrée dans tout », explique Dre Heather MacIntosh, professeure de relations internationales à l’Université Carleton. « Le Canada a besoin que cela réussisse, mais une grande partie de ce succès dépend de facteurs hors de notre contrôle. »
Les complications vont au-delà de l’infrastructure. La coordination de la sécurité entre les agences canadiennes et leurs homologues américains fait face à des défis sans précédent étant donné l’ampleur du tournoi dans trois pays. La GRC a demandé un financement supplémentaire de 118 millions de dollars spécifiquement pour les opérations de sécurité de la Coupe du Monde, mais l’approbation reste bloquée dans les discussions budgétaires.
J’ai parlé avec Julian de Guzman, milieu de terrain retraité qui a représenté le Canada 89 fois au niveau international, lors d’une clinique de soccer jeunesse à Scarborough la semaine dernière. « C’est notre chance de montrer le soccer canadien au monde », m’a-t-il dit tandis que de jeunes joueurs s’entraînaient à proximité. « Mais la politique menace d’éclipser ce qui devrait être une célébration du sport. »
À huis clos, des sources au sein de Sport Canada reconnaissent qu’une planification d’urgence est en cours, y compris des scénarios où le Canada pourrait devoir compenser les déficits de financement américains pour garantir que les normes du tournoi soient respectées. Un tel résultat déclencherait probablement un contrecoup politique sur le plan national.
L’ironie n’échappe pas à de nombreux observateurs—alors que le soccer a historiquement été un ballon politique dans les débats sur le financement du sport canadien, maintenant les matchs de football réels sont bousculés dans les arènes politiques.
Pour les communautés qui anticipent des retombées économiques du tournoi, l’incertitude crée des défis de planification. Le secteur de l’hôtellerie de Toronto a déjà investi des millions dans les rénovations et la formation du personnel, tandis que l’office du tourisme de Vancouver a lancé des campagnes de marketing internationales soulignant le rôle de la ville en tant qu’hôte.
« Nous avons pris des engagements basés sur les échéanciers gouvernementaux », explique Sandra Chen, porte-parole de l’Alliance des restaurateurs. « Des retards ou des changements maintenant seraient dévastateurs pour les entreprises qui se remettent encore des pertes dues à la pandémie. »
Le gouvernement fédéral insiste sur le fait que les préparatifs restent sur la bonne voie. La ministre des Sports Pascale St-Onge a publié une déclaration la semaine dernière confirmant que « le Canada offrira une expérience de classe mondiale aux visiteurs et aux téléspectateurs ». Pourtant, les annonces détaillées de financement promises pour avril ne se sont pas encore matérialisées.
Les équipes d’inspection de la FIFA ont visité les deux villes hôtes canadiennes deux fois au cours de la dernière année. Bien que les rapports officiels restent confidentiels, des sources familières avec le processus suggèrent que les préparatifs de Vancouver ont reçu de meilleures notes que ceux de Toronto, principalement en raison des récentes mises à niveau du BC Place pour d’autres événements internationaux.
À l’approche de l’été, l’horloge tic-tac plus fort. Les exigences techniques finales de la FIFA doivent être satisfaites d’ici début 2025, laissant très peu de temps pour résoudre les complications politiques transfrontalières.
« La Coupe du Monde transcende la politique », soutient Nick Bontis, président de l’Association canadienne de soccer. « Mais se préparer à l’accueillir nécessite une intense coopération politique. »
Pour les Canadiens ordinaires excités à l’idée de vivre le plus grand événement sportif du monde sur leur sol, ces machinations politiques restent largement invisibles. La demande de billets dépasse déjà l’offre par près de sept contre un pour les matchs dans les deux villes canadiennes.
Ce qui est clair, c’est que les aspirations de la Coupe du Monde du Canada dépendent maintenant autant de l’habileté politique que de la prouesse athlétique. Alors que le Parlement se lève pour les vacances d’été, des décisions cruciales sur l’avenir du tournoi au Canada sont en suspens—des décisions qui détermineront si 2026 deviendra une vitrine pour le sport canadien ou un récit édifiant sur les complexités de la politique sportive internationale.
En marchant dans le quartier Liberty Village de Toronto, où les équipes de construction préparent déjà des installations temporaires pour le tournoi, le contraste entre l’enthousiasme quotidien et l’incertitude de haut niveau ne pourrait être plus frappant. Des enfants frappent des ballons contre des fresques représentant les héros du soccer canadien d’hier et d’aujourd’hui, tandis qu’au-dessus d’eux, des nuages politiques s’amoncellent qui pourraient remodeler leur expérience de la Coupe du Monde.
Dans le jeu de l’accueil sportif international, le coup de sifflet final reste distant, mais le match politique s’intensifie de jour en jour.