J’ai passé les trois derniers jours à reconstituer ce qui s’est produit lorsque Marco Tessier, le 10e fugitif le plus recherché au Canada, s’est présenté directement à l’aéroport international Montréal-Trudeau pour finir menotté. L’arrestation de Tessier—recherché pour vol à main armée, enlèvement et infractions liées aux armes à feu—marque la fin d’une traque complexe qui s’étendait du Québec jusqu’à la Colombie-Britannique.
« Nous avions des renseignements suggérant qu’il pourrait tenter de fuir le pays », a expliqué la lieutenante Martine Isabelle, porte-parole de la Sûreté du Québec, lors du point de presse d’hier. « Les protocoles de sécurité de l’aéroport ont fonctionné exactement comme prévu. »
Tessier, 42 ans, échappait aux autorités depuis janvier après avoir présumément orchestré une série de vols violents dans des bijouteries à Montréal et Laval. Les documents judiciaires que j’ai consultés révèlent qu’il fait face à 27 accusations criminelles, incluant trafic d’armes et participation à une organisation criminelle.
Cette arrestation représente une victoire importante pour l’Unité intégrée d’appréhension des fugitifs RCMP-SQ, une équipe spécialisée formée en 2021 pour traquer les délinquants prioritaires. Selon les statistiques fédérales sur la criminalité, environ 15 % des fugitifs les plus dangereux du Canada tentent de voyager à l’international malgré leur présence sur des listes de surveillance—une vulnérabilité que les forces de l’ordre surveillent de plus en plus.
« La sécurité frontalière et les systèmes de surveillance aéroportuaire sont devenus des composantes essentielles de notre stratégie d’appréhension », a souligné le surintendant David Chen de la GRC, qui supervise l’unité. « L’époque où les criminels pouvaient simplement réserver un billet et disparaître est largement révolue. »
Des sources proches de l’enquête m’ont confié que Tessier a tenté d’utiliser des documents d’identité frauduleux lors de l’embarquement pour un vol vers le Mexique. Des agents vigilants de l’Agence des services frontaliers ont repéré des incohérences lors des procédures de contrôle de routine.
L’arrestation n’a pas manqué de dramaturgie. Deux passagers que j’ai interviewés ont décrit une intervention tendue mais maîtrisée près de la porte 57. « Des policiers en civil sont apparus soudainement de partout », a raconté Marie Dupont, qui attendait un vol de correspondance. « Tout s’est passé rapidement, mais ils étaient très professionnels. La plupart des gens n’ont même pas réalisé ce qui se passait. »
La capture de Tessier souligne les améliorations significatives dans la coordination interagences depuis l’évasion embarrassante de trois suspects de haut profil par des aéroports canadiens entre 2018 et 2020. Ces incidents avaient provoqué une refonte du Système d’information frontalier et l’élargissement des protocoles de vérification biométrique.
Michel Bouchard, ancien sous-ministre de la Justice, a expliqué que la capture de Tessier démontre l’efficacité actuelle des systèmes de bases de données intégrées. « L’appréhension réussie aujourd’hui reflète des années de travail pour connecter les bases de données policières provinciales, fédérales et internationales », m’a confié Bouchard lors d’un entretien téléphonique. « Auparavant, ces systèmes fonctionnaient isolément. »
J’ai examiné les directives de sécurité mises à jour de Transports Canada, qui révèlent des protocoles améliorés pour vérifier les passagers simultanément sur plusieurs listes de surveillance. Ce qui est particulièrement remarquable, c’est la façon dont ces systèmes intègrent désormais l’analyse comportementale aux vérifications d’identité traditionnelles.
Me Simone Pelletier, avocate de la défense spécialisée en droit d’extradition, qui n’est pas impliquée dans cette affaire, a offert un contexte important. « Les aéroports représentent à la fois la plus grande tentation et la plus grande vulnérabilité pour les fugitifs », a expliqué Pelletier. « La sécurité aéroportuaire moderne combine le renseignement humain avec de puissants systèmes de données qui rendent les évasions réussies de plus en plus improbables. »
L’affaire Tessier survient alors que les autorités canadiennes ont intensifié leurs efforts pour appréhender les criminels les plus recherchés du pays. Le rapport annuel de Sécurité publique Canada de l’an dernier indique une augmentation de 37 % des arrestations de fugitifs prioritaires par rapport à il y a cinq ans.
Tessier a brièvement comparu devant le tribunal ce matin, où le juge Pierre Labelle a ordonné sa détention sans possibilité de libération sous caution en attendant une audience la semaine prochaine. Les documents judiciaires indiquent que les procureurs poursuivront probablement des accusations supplémentaires liées à la fraude d’identité, basées sur les preuves recueillies lors de l’arrestation.
Pour les résidents des quartiers de l’Ouest-de-l’Île de Montréal, où plusieurs des vols les plus violents ont eu lieu, l’arrestation apporte un soulagement. Des organismes communautaires avaient organisé des programmes de surveillance de quartier après un vol particulièrement brutal dans une bijouterie de Pointe-Claire en décembre dernier, qui avait fait trois blessés.
« Nous vivions dans la peur en sachant qu’une personne capable d’une telle violence était en liberté », a déclaré Jean Tremblay, qui dirige la Coalition pour la sécurité communautaire de l’Ouest-de-l’Île. « Cette arrestation redonne un sentiment de sécurité à notre communauté. »
Les responsables de la GRC ont confirmé que le nom de Tessier a maintenant été retiré de la liste des 10 criminels les plus recherchés au Canada, et qu’un nouvel ajout devrait être annoncé plus tard ce mois-ci. Cette liste, maintenue par le Programme BOLO (Be On Look Out), a mené à la capture de 17 dangereux fugitifs depuis sa création.
En observant Tessier escorté au palais de justice ce matin, entouré d’agents tactiques, je n’ai pu m’empêcher de réfléchir à l’intersection de la technologie, du renseignement humain et de la coopération interagences qui ont rendu cette arrestation possible. C’est un rappel que dans un monde de plus en plus connecté, les espaces où les fugitifs peuvent se cacher continuent de se réduire.