Les conseils scolaires à travers les Territoires du Nord-Ouest poussent un soupir de soulagement collectif après que les autorités territoriales ont annoncé un financement d’urgence pour combler les déficits budgétaires critiques qui menaçaient de bouleverser l’année scolaire.
Le ministère de l’Éducation, de la Culture et de l’Emploi a confirmé hier qu’il fournirait 3,2 millions de dollars en financement supplémentaire pour aider les conseils scolaires à gérer des coûts croissants qui ont dépassé leurs budgets alloués. Cette mesure d’urgence survient après des mois d’avertissements de plus en plus pressants de la part des dirigeants de l’éducation concernant d’éventuelles réductions de personnel et de programmes.
« Nous faisions face à des choix impossibles, » a déclaré Miles Barnes, directeur du district scolaire de Yellowknife no 1, lors de notre conversation téléphonique la semaine dernière. « Soit réduire les soutiens essentiels aux élèves, soit faire face à un déficit que nous ne pouvons légalement pas avoir. Ce financement d’urgence ne résout pas nos défis à long terme, mais il évite des dommages immédiats à l’expérience en classe. »
La crise de financement a émergé d’une tempête parfaite de défis propres à l’éducation nordique. L’augmentation des coûts de chauffage a particulièrement touché les écoles pendant la vague de froid prolongée de l’hiver dernier, lorsque les températures dans des communautés comme Fort Simpson sont restées sous les -30°C pendant près de trois semaines d’affilée. Pendant ce temps, les coûts de transport des élèves ont augmenté de près de 17% sur l’ensemble du territoire, selon les chiffres fournis par l’Association des enseignants des T.N.-O.
Ce qui rend cette situation particulièrement préoccupante pour les communautés nordiques, c’est que les programmes scolaires remplissent des fonctions bien au-delà de l’éducation. Dans de nombreuses petites communautés, les écoles offrent des programmes nutritionnels essentiels, des soutiens en santé mentale et des programmes culturellement adaptés qui connectent les jeunes autochtones avec les savoirs traditionnels.
L’aînée Mary Sonfrere, qui travaille comme conseillère culturelle à Behchokǫ̀, l’a expliqué simplement lors de notre rencontre communautaire en février : « Nos écoles ne sont pas seulement des lieux pour apprendre les maths et la lecture. C’est là que nos enfants apprennent qui ils sont en tant que Dénés. Les coupures budgétaires ne nuisent pas seulement à l’éducation – elles nuisent à notre capacité de transmettre notre identité. »
La formule de financement territorial pour les écoles est restée largement inchangée depuis 2016, malgré d’importants changements tant dans le coût de prestation de l’éducation que dans la démographie étudiante. Les données du recensement montrent une baisse de 7% des enfants d’âge scolaire sur l’ensemble du territoire au cours de la dernière décennie, mais ces changements démographiques n’ont pas été répartis uniformément entre les communautés.
La ministre de l’Éducation, Caroline Wawzonek, a décrit le financement d’urgence comme « une solution transitoire » pendant que son ministère mène une révision complète de la formule de financement de l’éducation. « Nous reconnaissons que l’approche actuelle ne répond pas aux besoins du territoire, » a-t-elle reconnu dans une déclaration fournie aux journalistes. « L’examen étudiera comment nous pouvons mieux tenir compte des défis uniques liés à la prestation de l’éducation dans des zones géographiques aussi vastes avec des besoins divers. »
Derrière le langage technique du budget se cache une question fondamentale sur les priorités éducatives du Nord. Les conseils scolaires se sont de plus en plus retrouvés à choisir entre des services essentiels concurrents plutôt que d’améliorer les opportunités éducatives.
Le Conseil scolaire divisionnaire de Sahtu à Norman Wells avait déjà commencé à planifier des réductions de personnel avant l’annonce du financement d’urgence. Le président du conseil, Peter Manitok, m’a confié que leur budget préliminaire montrait un déficit de 780 000 $ pour la prochaine année scolaire.
« Nous envisagions de perdre cinq postes d’enseignants et éventuellement de regrouper des classes, » a expliqué Manitok. « Cela aurait signifié des classes plus nombreuses et moins d’attention individuelle pour les élèves qui ont souvent besoin de plus de soutien, pas moins. »
Les points de pression financière varient selon les autorités éducatives du territoire. À Yellowknife, le vieillissement des infrastructures a créé des coûts d’entretien inattendus. L’École secondaire Sir John Franklin de la capitale territoriale a nécessité des réparations d’urgence de son système de chauffage en janvier dernier après l’éclatement de tuyaux pendant une vague de froid, coûtant près de 95 000 $ qui n’étaient pas budgétés.
Pendant ce temps, dans les plus petites communautés, le coût d’importation des services spécialisés présente des défis importants. L’Agence de services communautaires Tłı̨chǫ a déclaré avoir dépensé plus de 120 000 $ l’année dernière pour faire venir par avion des orthophonistes et des psychologues scolaires – des services que les juridictions du sud plus grandes peuvent obtenir localement à moindres coûts.
Les données de Statistique Canada montrent que les résultats scolaires dans les T.N.-O. sont déjà en retard par rapport aux moyennes nationales, avec des taux de diplomation au secondaire autour de 65% comparativement à la moyenne nationale de 79%. Les élèves autochtones font face à des défis encore plus grands, avec des taux de diplomation environ 30 points de pourcentage inférieurs à leurs pairs non autochtones.
Les groupes de défense des parents sont devenus de plus en plus vocaux concernant ces disparités. Les Parents des T.N.-O. pour la réforme de l’éducation, formé l’année dernière, a recueilli plus de 1 200 signatures sur une pétition appelant à une refonte complète de l’approche de financement de l’éducation du territoire.
« Ce financement d’urgence ne fait que mettre un pansement sur un système brisé, » a déclaré Jennifer McPherson, l’une des organisatrices du groupe et mère de trois enfants dans le système des écoles catholiques de Yellowknife. « Nous avons besoin d’un financement durable et prévisible qui reconnaît le véritable coût d’une éducation de qualité dans le Nord. »
Bien que les responsables de l’éducation aient accueilli favorablement les fonds d’urgence, ils ont souligné que cette injection ponctuelle de liquidités ne résout pas les problèmes structurels. Le ministère de l’Éducation a promis de présenter des recommandations préliminaires pour une formule de financement révisée d’ici mars 2024, après des consultations avec les conseils scolaires, les gouvernements autochtones et les membres de la communauté.
Pour les élèves qui retourneront en classe le mois prochain, la crise immédiate a été évitée. Les programmes continueront, les enseignants resteront en place, et le rythme de la scolarité nordique se poursuivra – du moins pour l’instant.
Mais à l’approche de l’hiver et alors qu’un autre cycle de planification budgétaire se profile, la question fondamentale demeure : Comment le territoire peut-il créer un modèle durable pour l’éducation qui répond aux besoins uniques des communautés nordiques tout en offrant des opportunités équitables à tous les élèves?
La réponse à cette question façonnera non seulement les budgets, mais aussi l’avenir de toute une génération de jeunes du Nord.