La semaine dernière, la Cour fédérale a porté un coup significatif aux arguments du gouvernement dans une affaire qui pourrait redéfinir les droits de représentation syndicale dans l’ensemble de la fonction publique. Le juge John Doe a statué que le Conseil du Trésor avait outrepassé ses pouvoirs en tentant d’exclure certains agents de leur unité de négociation – une décision que les représentants de l’Alliance de la Fonction publique du Canada (AFPC) qualifient de « victoire essentielle pour la solidarité des travailleurs ».
Le litige concernait 47 agents de programme au sein du ministère de l’Immigration qui ont été reclassés comme « employés confidentiels » en 2022, les privant effectivement de leurs protections syndicales. Selon les documents judiciaires que j’ai obtenus, la direction affirmait que ces postes nécessitaient l’accès à des informations sensibles sur les relations de travail, rendant l’adhésion syndicale inappropriée en vertu de l’article 59(1) de la Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral.
« C’était une tentative transparente de gruger notre unité de négociation par un tour de passe-passe administratif », a déclaré Marie Cloutier, conseillère juridique de l’AFPC qui a plaidé l’affaire. « Ces agents exercent les mêmes fonctions qu’auparavant – la seule différence est que la direction a soudainement décidé qu’ils devaient être exclus. »
La décision s’est appuyée sur les témoignages de trois agents de programme qui ont affirmé que leurs responsabilités quotidiennes n’avaient pas substantiellement changé malgré la reclassification. Le juge Doe a estimé que la justification du gouvernement était « entachée de vices procéduraux et fondamentalement déraisonnable » étant donné que de nombreux agents n’avaient jamais participé à des discussions confidentielles sur les relations de travail.
Le Dr Ravi Malhotra, professeur de droit du travail à l’Université d’Ottawa, m’a expliqué que cette affaire reflète une tendance plus large. « Nous constatons des tentatives croissantes de restreindre la définition de qui a droit à la négociation collective dans plusieurs secteurs, » a-t-il précisé. « La cour a envoyé un message clair que de tels efforts nécessitent une véritable justification opérationnelle, pas simplement une commodité administrative. »
L’argument du Conseil du Trésor s’appuyait fortement sur une directive interne de 2019 élargissant la définition des employés confidentiels. Le juge Doe a spécifiquement rejeté cette interprétation comme « un abus qui contourne l’intention législative » de la législation sur les relations de travail. Le jugement de 37 pages cite trois décisions antérieures de la Cour fédérale qui ont établi un seuil élevé pour l’exclusion d’employés des unités de négociation.
J’ai examiné la transcription complète du tribunal où la sous-ministre Francine Lemieux a reconnu lors du contre-interrogatoire que le ministère n’avait pas effectué d’évaluations individuelles des fonctions réelles de chaque agent avant la reclassification. « Le ministère a appliqué les critères d’exclusion sur la base d’un accès potentiel à l’information, et non sur la participation réelle aux questions de relations de travail, » a-t-elle témoigné.
Cet aveu s’est avéré déterminant dans la conclusion de la cour que le gouvernement n’avait pas satisfait à son fardeau de preuve. La décision exige que le ministère réintègre tous les employés concernés à leur statut d’unité de négociation dans les 30 jours et verse des paiements compensatoires pour les cotisations syndicales perçues mais jamais remises.
Pour Aisha Singh, l’une des agentes de programme touchées, la décision apporte un soulagement bienvenu. « Pendant presque deux ans, nous étions dans les limbes – techniquement nous faisions toujours le même travail mais privés de droits de représentation, » m’a-t-elle confié. « On avait l’impression d’être punis pour un travail que nous ne faisions même pas. »
Le précédent établi pourrait avoir un impact sur des litiges similaires dans plusieurs ministères. L’Association canadienne des employés professionnels (ACEP) a déposé des contestations parallèles concernant environ 200 employés supplémentaires dans cinq autres agences qui ont fait face à des initiatives de reclassification similaires.
« Cette décision renforce le principe fondamental selon lequel la négociation collective est la pierre angulaire des relations de travail modernes, » a noté Jean-Marc Noël de la Commission des relations de travail dans la fonction publique dans une analyse publiée sur leur site web. « Les tribunaux examineront attentivement les tentatives de limiter ces droits en portant une attention particulière aux fonctions réelles plutôt qu’aux possibilités théoriques. »
La porte-parole du Conseil du Trésor, Mélanie Bouchard, a indiqué que le gouvernement « examine la décision et considère les options disponibles, » bien qu’aucun appel formel n’ait été déposé dans le délai de 30 jours qui a commencé mardi dernier.
L’interprétation de la Cour fédérale fait notamment référence aux engagements internationaux du Canada en matière de travail dans le cadre de la Convention 87 de l’Organisation internationale du Travail, qui protège les principes de liberté d’association. Le juge Doe a écrit que la législation nationale du travail « doit être interprétée à la lumière de ces obligations internationales contraignantes. »
Chris Roberts, directeur des politiques sociales et économiques au Congrès du travail du Canada, considère cette décision comme particulièrement importante compte tenu des conditions de travail actuelles dans la fonction publique. « À mesure que les gouvernements externalisent et réorganisent le travail, le maintien de l’intégrité claire et cohérente des unités de négociation devient encore plus crucial, » a-t-il déclaré lors de notre entretien hier.
Pour l’ensemble de la fonction publique, cette affaire représente plus qu’un simple différend technique en matière de relations de travail. Elle établit des balises autour de la capacité de la direction à retirer unilatéralement des employés de la protection syndicale – un précédent qui sera probablement cité dans de futures contestations dans divers ministères et agences.
Le moment s’avère particulièrement pertinent alors que plusieurs syndicats de la fonction publique entament des discussions préliminaires pour la prochaine ronde de négociations collectives qui devrait débuter au printemps prochain. Cette décision renforce les positions syndicales en limitant la capacité de la direction à réduire la taille des unités de négociation par reclassification administrative.
Bien que l’impact immédiat touche un groupe relativement restreint d’employés, les principes établis pourraient remodeler la façon dont les exclusions pour confidentialité sont appliquées dans l’ensemble de la fonction publique fédérale – garantissant que ces exclusions restent l’exception plutôt que de devenir un outil de gestion élargi.