Les derniers chiffres des sondages ont frappé la Coalition Avenir Québec (CAQ) de François Legault comme un vent glacial venant du Saint-Laurent. Pour un premier ministre qui commandait autrefois des taux d’approbation qui faisaient l’envie des autres politiciens canadiens, l’effondrement dramatique de 16 points dans le soutien public a déclenché ce que les analystes appellent sa position la plus défensive depuis son entrée en fonction.
« Je ne gouverne pas en fonction des sondages, » a déclaré Legault aux journalistes à Québec hier, son comportement habituellement mesuré laissant transparaître des éclairs d’irritation. « Nous prenons des décisions pour l’avenir à long terme du Québec, pas pour des gains politiques à court terme. »
Le sondage Léger, commandé par les médias de Québecor, montre la CAQ à seulement 20 pour cent de soutien parmi les électeurs décidés – une chute par rapport aux 36 pour cent de décembre. Cela marque le point le plus bas dans le soutien du parti depuis avant leur première victoire électorale en 2018.
Daniel Béland, politologue de l’Université McGill, suggère que cela représente plus qu’un simple creux de mi-mandat. « Ce que nous voyons est une convergence de frustrations – les temps d’attente en santé qui persistent malgré les promesses de réforme, l’anxiété économique, et un sentiment que le gouvernement a perdu le contact avec les préoccupations quotidiennes, » a expliqué Béland lors de notre conversation téléphonique hier.
Ce qui est peut-être le plus alarmant pour l’équipe de Legault, c’est où vont ces électeurs. Le Parti conservateur du Québec d’Éric Duhaime a grimpé à 24 pour cent, tandis que le Parti libéral du Québec et Québec Solidaire montrent une vigueur renouvelée à 22 pour cent et 19 pour cent respectivement.
Dans un Tim Hortons à Lévis la semaine dernière, j’ai parlé avec Marie Tremblay, une ancienne électrice de la CAQ qui dirige une petite entreprise comptable. « J’ai voté pour le changement, pas pour davantage de réponses bureaucratiques, » a-t-elle dit en remuant son café. « Le système de santé est toujours un gâchis, et maintenant nous nous inquiétons aussi de l’économie. »
Le sondage arrive à un moment particulièrement difficile pour Legault. Son gouvernement a fait face à des critiques concernant sa gestion de plusieurs dossiers – de l’abordabilité du logement aux pénuries de personnel hospitalier. Le projet ambitieux du troisième lien entre Québec et Lévis est devenu particulièrement controversé, avec des projections de coûts en hausse alors que le soutien public diminue.
Lors d’un échange remarquablement franc avec les journalistes, Legault a reconnu certaines erreurs mais est resté inflexible. « Oui, nous avons eu des difficultés. Oui, certaines réformes prennent plus de temps que prévu. Mais les Québécois nous ont élus pour prendre des décisions difficiles, pas des décisions populaires, » a-t-il insisté, gesticulant avec emphase.
Sa ministre de l’Immigration Christine Fréchette a fait écho à ce sentiment lors d’un événement distinct à Montréal, défendant les politiques linguistiques controversées du gouvernement. « Nous construisons un Québec qui protège notre culture et crée de la prospérité. Cette vision n’a pas changé simplement à cause d’un sondage. »
Les chiffres reflètent un mécontentement croissant dans divers segments démographiques, mais particulièrement dans les régions où la CAQ a bâti sa majorité. Jean-Marc Léger, président de la firme de sondage, a noté que ce changement représente « une réévaluation fondamentale » par les électeurs qui formaient autrefois la base de Legault.
« La CAQ a gagné en se positionnant comme des solutionneurs pragmatiques, » m’a dit Marie-Claude Viau, stratège politique. « Maintenant, ils sont jugés sur les résultats, pas sur les promesses. » Viau, qui a travaillé sur des campagnes à travers tout le spectre politique, voit cela comme un réalignement potentiel plutôt qu’une baisse temporaire.
Les prochaines élections provinciales au Québec ne sont pas prévues avant 2026, donnant à Legault le temps de reconstruire son soutien. Cependant, des observateurs politiques chevronnés suggèrent que les chiffres actuels pourraient déclencher des discussions internes au parti concernant la planification de la succession au leadership.
« Deux ans, c’est à la fois très long et très court en politique, » note Bernard Drainville, ancien ministre péquiste devenu commentateur politique. « Legault a le temps de corriger le tir, mais ces chiffres affecteront absolument l’approche de son gouvernement sur plusieurs dossiers clés dans les mois à venir. »
En réponse au sondage, le bureau de Legault a annoncé des plans pour une « tournée de reconnexion » à travers les régions du Québec ce printemps, se concentrant sur les enjeux économiques qui touchent directement les foyers. Ils ont également signalé des ajustements potentiels aux initiatives de santé et aux politiques de logement.
Au Café Dépôt dans l’est de Montréal, j’ai trouvé des réactions mitigées à la position défensive de Legault. « Au moins, il ne panique pas, » a dit Jean Thibault, superviseur en construction. « Mais il doit écouter davantage. Nous ressentons la pression de l’inflation, et les coûts du logement sont fous pour nos enfants. »
Pour un gouvernement qui a accédé au pouvoir en promettant des solutions pratiques plutôt que la pureté idéologique, le défi devient maintenant de démontrer que leur approche peut encore livrer des résultats que les Québécois peuvent voir et ressentir.
Alors que les vents de mars soufflent sur la province, apportant la promesse du printemps mais pas encore sa chaleur, Legault se trouve à la croisée des chemins. Le premier ministre qui a maîtrisé le centre politique du Québec doit maintenant prouver qu’il n’a pas perdu son toucher – et sa capacité à comprendre les préoccupations des citoyens ordinaires au-delà des chiffres des sondages.
Reste à voir si cela représente une tempête temporaire ou le début d’un changement permanent dans le paysage politique québécois. Mais une chose semble certaine – les jours de la domination incontestée de François Legault dans la politique québécoise semblent être révolus.