La rumeur d’une contestation du leadership contre le chef du Parti conservateur Pierre Poilievre semble s’essouffler après la performance décevante du parti lors d’une élection partielle clé plus tôt ce mois-ci. Des sources au sein du parti confirment que malgré quelques murmures discrets parmi certaines factions conservatrices, aucun prétendant sérieux n’a émergé pour défier le leadership de Poilievre.
« Les chuchotements concernant une possible révision du leadership ont toujours été exagérés, » affirme Andrea Marchand, une stratège conservatrice qui a travaillé sur plusieurs campagnes fédérales. « Poilievre maintient toujours un fort soutien parmi la base du parti, particulièrement dans l’Ouest canadien et auprès de l’aile conservatrice fiscale. »
Les spéculations ont commencé après la défaite inattendue des Conservateurs lors de l’élection partielle de Toronto-St. Paul’s, où la candidate libérale Leslie Church a remporté une victoire décisive avec 46,3% des voix. Le candidat conservateur a terminé troisième, derrière les Libéraux et le NPD, ce que certains initiés du parti ont perçu comme un signe inquiétant pour leurs perspectives électorales de 2025.
Le député conservateur Michael Chong, s’exprimant en coulisses auprès de plusieurs journalistes d’Ottawa la semaine dernière, a reconnu des frustrations au sein du caucus mais a rejeté l’idée d’une contestation formelle. « Il y a toujours des discussions post-mortem après des résultats décevants, mais c’est loin d’être un défi organisé au leadership, » a-t-il expliqué.
L’analyste politique Samara Sealy de l’Institut pour la gouvernance canadienne souligne que les sondages montrent que Poilievre reste populaire auprès de la base conservatrice, malgré ses difficultés à percer auprès des électeurs urbains. « Son taux d’approbation parmi les membres du parti reste autour de 72%, selon les sondages internes. Ce n’est pas le profil d’un chef vulnérable à une éviction. »
Ce qui semble se produire à la place est une poussée plus discrète pour des ajustements stratégiques plutôt qu’un changement de leadership. Trois députés conservateurs de l’Ontario et du Québec auraient exhorté Poilievre à modérer son message sur les questions économiques et à se concentrer davantage sur les préoccupations liées au coût de la vie qui résonnent à travers le spectre politique.
« Il s’agit d’affiner l’approche, pas de remplacer le chef, » explique James Anderson, ancien directeur des communications conservateur. « On reconnaît que le style conflictuel qui fonctionne bien à la période des questions ne se traduit pas toujours par une conquête des électeurs indécis dans la région 905 ou dans la banlieue de Vancouver. »
Le caucus conservateur s’est réuni mardi dernier à huis clos, et selon deux députés présents qui ont demandé l’anonymat, la discussion s’est concentrée sur la préparation de la campagne et la discipline des messages plutôt que sur des préoccupations de leadership. Un député a qualifié la réunion de « tournée vers l’avenir et constructive » malgré quelques échanges francs sur la stratégie en banlieue.
Les données d’Élections Canada montrent que les Conservateurs ont en fait amélioré leur collecte de fonds sous Poilievre, recueillant 9,7 millions de dollars au premier trimestre de 2024, contre 8,3 millions pour les Libéraux. Cet avantage financier a donné à Poilievre une marge de manœuvre dont les précédents chefs conservateurs ne jouissaient pas face à la dissidence interne.
Leslie Swartman, qui a servi comme conseillère politique dans le gouvernement Harper, estime que les discussions sur le leadership reflètent un débat stratégique plus profond au sein du parti. « La vraie question n’est pas le leadership de Poilievre – c’est de savoir si le parti peut s’étendre au-delà de sa base sans aliéner ses partisans fondamentaux, » m’a-t-elle confié lors d’un entretien téléphonique depuis son bureau de Calgary.
Ce qui est particulièrement intéressant dans ce moment, c’est comment il reflète les défis plus larges auxquels font face les partis conservateurs mondialement. À une époque de polarisation, les partis de droite partout luttent avec l’équilibre entre un message populiste qui dynamise la base et l’approche plus modérée nécessaire pour former un gouvernement.
Des documents internes du parti obtenus par Mediawall.news montrent que l’équipe de campagne conservatrice a identifié 47 « circonscriptions prioritaires » où ils croient pouvoir faire des gains lors des prochaines élections, beaucoup dans les zones suburbaines autour de Toronto, Vancouver et Montréal. La stratégie repose sur un message économique qui résonne auprès des familles de la classe moyenne qui ressentent la pression de l’inflation et des coûts du logement.
« Pierre comprend que les gens souffrent économiquement, » affirme la députée conservatrice Stephanie McPherson. « La question du leadership est une distraction de ce dont les électeurs se soucient vraiment, à savoir s’ils peuvent se permettre l’épicerie et le logement. »
Certaines associations de circonscription conservatrices ont pris les choses en main, menant discrètement des groupes de discussion pour tester quels aspects du message de Poilievre résonnent le plus efficacement auprès des électeurs indécis. Les premiers résultats suggèrent que ses critiques des dépenses gouvernementales et de la politique du logement gagnent du terrain, tandis que sa rhétorique plus combative sur des institutions comme Radio-Canada reçoit des critiques mitigées.
Le plus récent sondage d’Abacus Data montre les Conservateurs et les Libéraux essentiellement à égalité au niveau national, avec les Conservateurs à 34% et les Libéraux à 32% – dans la marge d’erreur. Cependant, les répartitions régionales révèlent des défis persistants pour les Conservateurs dans les centres urbains riches en votes.
Pour l’instant, le président du parti Rob Batherson a clairement indiqué que le leadership n’est pas à discuter. Dans un courriel aux présidents des associations de circonscription vendredi dernier, il a souligné la nécessité d’unité avant la prochaine campagne électorale. « Notre objectif reste de présenter aux Canadiens une alternative claire au gouvernement actuel, pas des débats internes, » indiquait le courriel.
Alors que le Parlement reprend après la pause estivale, Poilievre semble se concentrer sur des messages économiques, ciblant particulièrement les politiques gouvernementales de tarification du carbone et l’abordabilité du logement. Reste à voir si cette approche affinée sera suffisante pour faire taire les critiques dans ses propres rangs, mais pour l’instant, le défi au leadership qui ne s’est jamais vraiment matérialisé semble avoir été mis au repos.