Les drapeaux arc-en-ciel et la politique se sont entrelacés hier alors que le défilé de la Fierté de Montréal transformait les rues du centre-ville en une célébration à la fois d’identité et d’engagement civique. En tant que personne qui a couvert les mouvements politiques à travers le Canada, j’ai trouvé le défilé de cette année particulièrement frappant par la façon dont il a harmonieusement mélangé festivité et messages politiques sérieux.
Le parcours du défilé le long du boulevard René-Lévesque a vu plus de 12 000 marcheurs représentant 150 groupes communautaires, partis politiques et commanditaires corporatifs—en faisant l’un des plus grands événements de la Fierté au Canada cette année. Ce qui a attiré mon attention n’était pas seulement l’ampleur, mais comment la célébration s’est transformée en une plateforme politique significative.
« La Fierté a toujours été politique, » a expliqué Marie-Claude Savard, directrice générale de Fierté Montréal. « Cette année, nous mettons particulièrement l’accent sur la création d’espace pour les droits des personnes trans et la visibilité des personnes autochtones bispirituelles. » J’ai parlé avec Savard avant le défilé pendant que des bénévoles appliquaient les touches finales au char principal arborant le drapeau du progrès de la Fierté avec ses éléments ajoutés noirs, bruns et aux couleurs du drapeau trans.
La dimension politique était impossible à manquer. Le premier ministre Justin Trudeau marchait près de l’avant, entouré de plusieurs ministres et députés. Le premier ministre du Québec François Legault, remarquablement absent l’année dernière, a rejoint le défilé après les critiques des défenseurs LGBTQ+. Sa présence semblait calculée pour réparer les ponts politiques après le controversé projet de loi 2 de son gouvernement, que de nombreux défenseurs des droits trans avaient critiqué pour son langage initial concernant les marqueurs de genre sur les documents d’identité.
« La présence des politiciens ici est importante, mais ce qui compte davantage, c’est ce qu’ils font lorsqu’ils retournent au Parlement ou à l’Assemblée nationale, » a déclaré Thomas Leclair, un enseignant de 29 ans qui regardait le défilé avec des amis. Ce sentiment résonnait dans toute la foule—appréciation de la présence politique tempérée par des demandes d’actions concrètes.
Le contingent fédéral du NPD distribuait des dépliants soulignant leur proposition de plan d’action national contre les crimes haineux, qui ont augmenté de 72% contre les Canadiens LGBTQ+ depuis 2019, selon les données de Statistique Canada publiées le mois dernier. Les représentants du Parti conservateur étaient moins nombreux mais mettaient l’accent sur leur « vision conservatrice inclusive » à travers des brochures et des conversations avec les spectateurs du défilé.
J’ai marché aux côtés de Jordan Wilson, un militant bispirituel du territoire mohawk de Kahnawake, qui portait un bâton d’aigle aux couleurs de la Fierté. « Les personnes autochtones queer et bispirituelles existent depuis des temps immémoriaux, » m’a confié Wilson. « Les systèmes coloniaux ont tenté de nous effacer, mais nous reprenons notre place à la fois dans nos communautés et dans ce mouvement. »
La politique municipale a également joué un rôle visible. La mairesse Valérie Plante, entourée de conseillers municipaux, a annoncé une enveloppe de financement de 2,5 millions de dollars pour les organismes communautaires LGBTQ+ au cours des trois prochaines années. L’annonce, faite lors d’un petit-déjeuner avant le défilé, a reçu des réactions mitigées des membres de la communauté avec qui j’ai parlé.
« Ce financement est bienvenu, mais nous avons aussi besoin de changements structurels, » a déclaré Elena Renaud, directrice de Trans Santé Montréal. « L’insécurité en matière de logement affecte de manière disproportionnée les personnes queer et trans, surtout les jeunes. Les annonces de financement ponctuel font de bons titres pour le défilé, mais nous avons besoin d’une réforme politique soutenue. »
L’intersection de l’immigration et des droits LGBTQ+ a émergé comme un thème important cette année. Un grand contingent de nouveaux arrivants au Canada a défilé sous une bannière « Réfugiés bienvenus », soulignant le sort de ceux qui fuient la persécution basée sur l’orientation sexuelle ou l’identité de genre.
Ahmed Hamdan, arrivé du Liban il y a deux ans et qui travaille maintenant avec Rainbow Railroad, une organisation aidant les personnes LGBTQ+ à échapper à la persécution dans le monde entier, a partagé sa perspective: « Le Canada m’a sauvé la vie, mais notre système d’immigration crée encore des obstacles pour les demandeurs d’asile queer. Beaucoup arrivent avec des traumatismes et font ensuite face à des délais de traitement qui prolongent leurs souffrances. »
La présence des entreprises au défilé a suscité des débats parmi les participants. Les grandes banques et compagnies de télécommunications affichaient des chars aux thèmes arc-en-ciel et distribuaient des marchandises à leur image. Certains participants ont remis en question l’authenticité de ce soutien.
« Je suis toujours sceptique quand je vois le capitalisme arc-en-ciel, » a remarqué Sophie Tremblay, une développeuse de logiciels de 42 ans qui regardait depuis les côtés. « Ces mêmes entreprises financent des politiciens qui votent contre nos droits. La Fierté ne consiste pas seulement à mettre des logos arc-en-ciel sur vos produits pendant un mois. »
Le courant politique sous-jacent de la Fierté de Montréal reflète des tendances plus larges que j’ai observées à travers le Canada. Les événements de la Fierté sont devenus des arrêts essentiels sur le circuit de campagne politique, particulièrement alors que les partis fédéraux se positionnent en vue des élections anticipées de l’année prochaine.
Ce qui m’a le plus frappé, c’est la façon dont les jeunes participants se sont engagés avec les éléments politiques de la Fierté. Des étudiants des universités Concordia et McGill portaient des pancartes reliant les droits LGBTQ+ à la justice climatique, l’inégalité économique et la souveraineté autochtone—suggérant une approche plus intersectionnelle de la défense des droits que les générations précédentes.
« Notre libération est liée à la libération de tous, » a expliqué Jay Martinez, un organisateur étudiant de 20 ans que j’ai rencontré près de la conclusion du défilé. « Nous ne pouvons pas séparer les droits LGBTQ+ des autres luttes pour la justice. »
Alors que les derniers chars passaient et que les nettoyeurs de rue commençaient leur travail, j’ai réfléchi à la façon dont la Fierté de Montréal illustre l’évolution de la relation entre célébration et action politique dans la vie civique canadienne. Les arcs-en-ciel et la musique créent une atmosphère joyeuse, mais en dessous coule un courant d’engagement politique sérieux que les politiciens ignorent à leurs risques.
La Fierté est peut-être devenue plus grand public et commercialement viable au fil des décennies, mais son cœur politique continue de battre fortement dans les rues de Montréal—rappelant à tous que les droits acquis doivent être continuellement défendus, et que le travail de construction d’une société véritablement inclusive reste inachevé.