Dans le calme d’un jeudi après-midi, Susan Brown a envoyé un courriel qui a marqué la fin d’une époque pour les soins de santé dans la région intérieure de la Colombie-Britannique. Après sept ans à la tête de la Régie de la santé intérieure, Brown a annoncé sa démission du poste de présidente et directrice générale, effective le 1er septembre 2025.
« Ce fut le privilège de ma carrière de servir les communautés de l’Intérieur, » a écrit Brown dans son message au personnel, qui a rapidement circulé au-delà des murs de l’organisation. « La décision de partir a été difficile, mais le moment est venu pour un nouveau leadership de guider la Santé intérieure vers son prochain chapitre. »
J’ai passé la semaine dernière à discuter avec des travailleurs de la santé, des leaders communautaires et des patients à travers la région, essayant de comprendre ce que ce changement de direction pourrait signifier pour une autorité sanitaire qui dessert près de 800 000 personnes sur un vaste territoire s’étendant du Cariboo aux Kootenays.
La Santé intérieure a fait face à des défis croissants ces dernières années. Les fermetures temporaires des urgences dans les petites communautés sont devenues de plus en plus fréquentes, avec des établissements comme Clearwater et Princeton qui connaissent des interruptions en raison de pénuries de personnel. L’organisation a également lutté pour recruter et retenir des professionnels de la santé, particulièrement dans les zones rurales et éloignées.
« Susan a hérité d’une situation difficile et nous a guidés à travers des moments encore plus difficiles, » affirme Dre Marianne Morgan, médecin de famille à Kamloops qui travaille au sein du système de Santé intérieure depuis plus d’une décennie. « La pandémie a exercé une pression extraordinaire sur un système déjà tendu, et bien qu’il y ait eu des erreurs, il y a aussi eu des innovations qui ne se seraient pas produites autrement. »
Sous la direction de Brown, la Santé intérieure a considérablement élargi les options de soins virtuels, lancé plusieurs initiatives de santé autochtone et navigué à travers les défis complexes de la pandémie de COVID-19. Selon les données du Centre de contrôle des maladies de la C.-B., la région intérieure a réussi à maintenir des taux d’hospitalisation par habitant inférieurs à ceux de plusieurs autres autorités sanitaires pendant les vagues critiques de la pandémie.
Le mandat de Brown n’a pas été sans controverse. En 2023, la Santé intérieure a fait l’objet de critiques concernant des augmentations de dépenses administratives qui dépassaient les investissements dans les services de première ligne. Un rapport de la Coalition pour la santé de la C.-B. a montré que les coûts administratifs ont augmenté de 12 % entre 2020 et 2023, alors que le financement des soins directs aux patients n’a augmenté que de 7 % durant la même période.
« Les priorités semblaient parfois mal alignées, » explique Michael Sanderson, infirmier autorisé qui travaille à l’Hôpital général de Kelowna. « On entendait parler de nouveaux postes de direction créés alors que nous étions constamment en sous-effectif sur le terrain. Cela a créé du ressentiment. »
En parcourant les couloirs de l’Hôpital Royal Inland à Kamloops hier, j’ai parlé avec des patients en attente de soins. Evelyn Thomason, une résidente d’Ashcroft âgée de 83 ans, attendait depuis quatre heures un rendez-vous avec un spécialiste. « Je ne sais pas qui est responsable au sommet, mais je sais que les personnes qui s’occupent de moi font de leur mieux avec ce qu’elles ont, » m’a-t-elle confié, les mains posées sur un roman de poche bien usé qu’elle avait apporté pour passer le temps.
Ce sentiment — des travailleurs de première ligne qui se débrouillent malgré les défis systémiques — est apparu comme un thème récurrent dans mes conversations à travers la région.
Le départ de Brown survient à un moment critique pour les soins de santé en Colombie-Britannique. Le gouvernement provincial a récemment annoncé un plan de transformation des soins de santé de 1,2 milliard de dollars, dont une part importante est destinée à l’amélioration des services de santé ruraux et autochtones. La Santé intérieure devrait recevoir environ 270 millions de dollars de ce financement au cours des trois prochaines années, selon le ministère de la Santé.
Dr Doug Cochrane, président du conseil d’administration de la Santé intérieure, a reconnu les contributions de Brown tout en soulignant la continuité. « Susan a construit une base solide, » a-t-il déclaré dans l’annonce officielle. « Le conseil est convaincu que l’orientation stratégique que nous avons établie continuera de guider l’organisation durant cette transition. »
La recherche du remplaçant de Brown commencera immédiatement, le conseil prévoyant de nommer un PDG intérimaire d’ici août pour assurer une passation en douceur. Selon des sources familières avec le processus, le comité de recherche privilégiera les candidats ayant de l’expérience dans la gestion des soins de santé en milieu rural et éloigné.
Le chef Clarence Louie de la bande indienne d’Osoyoos, qui a travaillé étroitement avec la Santé intérieure sur des initiatives de santé autochtone, a exprimé l’espoir que le changement de direction pourrait accélérer les progrès sur les engagements en matière de sécurité culturelle. « Nous avons vu quelques bons premiers pas, mais il reste encore beaucoup à faire, » a-t-il déclaré lorsque je l’ai joint par téléphone. « Un nouveau leader devrait comprendre que la santé autochtone n’est pas seulement une case à cocher — elle nécessite un changement fondamental. »
Alors que le soleil se couche sur Kamloops, projetant de longues ombres sur les établissements de santé de la ville, la question qui préoccupe beaucoup d’esprits est de savoir si ce changement de direction se traduira par des améliorations tangibles pour les patients et les travailleurs de la santé.
Pour Susan Brown, qui a gravi les échelons depuis son poste initial d’infirmière autorisée au Royaume-Uni jusqu’à diriger l’une des plus grandes autorités sanitaires de la C.-B., l’héritage est encore en train de s’écrire. Dans son message d’adieu, elle a noté: « Les soins de santé évoluent constamment, nous mettant toujours au défi de faire mieux. Je suis fière de ce que nous avons accompli ensemble, mais je sais qu’il y a encore du travail à faire. »
Ce travail incombera bientôt à quelqu’un d’autre, qui héritera à la fois des progrès réalisés et des problèmes qui persistent dans un système de santé qui demeure essentiel, imparfait et profondément humain.
