J’ai passé la journée d’hier à discuter avec des résidents et des responsables à Cranbrook après qu’un déraillement de train de marchandises a fait sortir plusieurs wagons de propane des rails juste à l’extérieur des limites de la ville. L’incident, survenu tôt lundi matin, a soulevé d’importantes préoccupations concernant la sécurité ferroviaire dans cette région montagneuse du sud-est de la Colombie-Britannique.
« J’ai entendu ce qui ressemblait à un coup de tonnerre, mais le ciel était dégagé, » a déclaré Marianne Walters, qui habite à environ deux kilomètres du site du déraillement. « Puis les véhicules d’urgence ont commencé à défiler devant ma maison. »
Selon le Bureau de la sécurité des transports du Canada, six wagons transportant du propane ont quitté les rails vers 4h30 du matin. Les premiers intervenants ont rapidement établi un périmètre de sécurité de 400 mètres autour du site, bien que les autorités aient confirmé qu’aucune fuite n’avait été détectée dans les citernes.
La porte-parole du Chemin de fer Canadien Pacifique Kansas City (CPKC), Andrea Cobb, m’a confié que l’entreprise avait immédiatement dépêché des spécialistes des matières dangereuses pour évaluer la situation. « Nos protocoles d’intervention d’urgence ont été activés quelques minutes après l’incident, » a-t-elle déclaré. « La sécurité de l’équipage est notre première priorité, suivie des mesures de protection environnementale. »
Le lieu du déraillement se situe près d’un bassin hydrographique crucial qui approvisionne en eau potable plusieurs communautés de la région d’East Kootenay. Des équipes d’analyses environnementales prélèvent des échantillons de sol et d’eau depuis l’incident, et les résultats préliminaires ne montrent aucune contamination.
Le maire de Cranbrook, Wayne Price, a exprimé sa frustration quant au temps qu’il a fallu pour recevoir des informations officielles. « Nous avons dû prendre des décisions concernant d’éventuelles évacuations avec des détails limités, » a-t-il déclaré lors d’une réunion d’urgence du conseil à laquelle j’ai assisté hier soir. « Les protocoles de communication entre le chemin de fer et le gouvernement local doivent être sérieusement améliorés.«
C’est le troisième déraillement en Colombie-Britannique cette année, après des incidents près de Revelstoke en janvier et un autre à l’extérieur de Prince George en mars. Aucun n’a entraîné de blessures ou de dommages environnementaux majeurs, mais leur fréquence a alarmé les défenseurs de la sécurité.
L’experte en sécurité ferroviaire Jennifer Ohman de l’Université de Colombie-Britannique souligne que le terrain difficile constitue un facteur contributif. « Les routes montagneuses à travers la C.-B. présentent des défis uniques pour le transport ferroviaire, » a-t-elle expliqué lors de notre entretien téléphonique. « Les variations extrêmes de température, les fortes précipitations et les pentes raides augmentent tous les risques de déraillement. »
Les statistiques de Transports Canada montrent une augmentation de 12 % des incidents impliquant des marchandises dangereuses sur les chemins de fer canadiens au cours des trois dernières années. L’agence a promis un examen complet des règlements de sécurité, mais de nombreux responsables locaux estiment que le processus avance trop lentement.
Le chef régional Ralph Pierre de la Nation Ktunaxa, dont le territoire traditionnel comprend le site du déraillement, s’est dit préoccupé par les impacts environnementaux continus. « Ces voies ferrées traversent des dizaines d’écosystèmes sensibles sur nos terres, » m’a-t-il confié. « Chaque incident menace notre eau, notre faune et nos ressources culturelles.«
Sur le site du déraillement, les équipes de nettoyage prévoient de travailler tout le week-end pour enlever les wagons endommagés et réparer les voies. CPKC estime que le service reprendra d’ici lundi, bien que les équipes d’enquête du Bureau de la sécurité des transports resteront plus longtemps.
Pour les résidents de Cranbrook, l’incident ravive des questions inconfortables sur les marchandises qui traversent quotidiennement leur communauté. Un rapport de Transports Canada de 2023 indique que près de 30 % des expéditions ferroviaires à travers le corridor des montagnes du Sud contiennent des matières dangereuses, allant du propane et du pétrole brut aux produits chimiques industriels.
« Nous sommes une ville ferroviaire, nous l’avons toujours été, » a déclaré Tom Brennan, 63 ans, ancien cheminot que j’ai rencontré au restaurant local où les résidents se sont rassemblés pour discuter de l’incident. « Mais nous méritons de savoir ce qui passe devant nos maisons et que des mesures de protection adéquates sont en place. »
Le ministre provincial des Transports, Rob Fleming, a publié une déclaration s’engageant à coopérer avec les autorités fédérales dans le cadre de l’enquête. Son bureau a confirmé que des inspecteurs des deux paliers de gouvernement sont maintenant sur place.
L’impact économique de cette perturbation s’étend au-delà de Cranbrook. La ligne ferroviaire touchée sert de lien vital pour les marchandises circulant entre les ports du Pacifique et l’intérieur du Canada. Les itinéraires alternatifs ajoutent du temps et des coûts significatifs, selon l’Association du camionnage de la C.-B.
Alors que la nuit tombait sur Cranbrook hier soir, la lueur des projecteurs illuminait le site du déraillement où les équipes poursuivaient leurs efforts minutieux pour redresser les énormes citernes de propane. Pour une communauté construite autour du chemin de fer, l’incident offre un rappel troublant de l’équilibre entre nécessité économique et sécurité publique.
Le Bureau de la sécurité des transports prévoit de publier des conclusions préliminaires la semaine prochaine, bien que les rapports d’enquête complets prennent généralement des mois à compléter. Reste à savoir si cet incident entraînera des changements réglementaires, mais la conversation dans les cafés et les salles du conseil municipal de Cranbrook suggère que la patience de la communauté pour le « business as usual » pourrait s’amenuiser.