Lorsqu’un patient est entré aux urgences d’Edmonton le mois dernier, il n’a pas seulement été accueilli par des infirmières de triage et des formulaires d’admission. Il a été discrètement scanné par le premier système de détection d’armes basé sur l’intelligence artificielle dans un hôpital canadien—une technologie qui pourrait bientôt devenir aussi courante dans les établissements de santé que les distributeurs de désinfectant pour les mains.
L’Hôpital de l’Université de l’Alberta a discrètement mis en place ce système de numérisation alimenté par l’IA en février, marquant une évolution préoccupante dans la façon dont les établissements de santé répondent à la violence croissante contre le personnel médical. Selon Services de Santé Alberta (AHS), la technologie a déjà intercepté plus de 100 objets interdits, notamment des couteaux et d’autres armes potentielles.
« Nous constatons une augmentation des menaces verbales et physiques contre nos travailleurs de la santé, » explique Darryl Ness, directeur exécutif des services de protection chez AHS. « Cette technologie crée une couche supplémentaire de sécurité sans ralentir les soins critiques. »
Le système, développé par la firme canadienne de sécurité Evolv Technology, utilise une combinaison de capteurs avancés et d’algorithmes d’apprentissage automatique pour détecter les armes dissimulées sans obliger les gens à vider leurs poches ou à passer par des détecteurs de métaux traditionnels. Les patients passent simplement devant des piliers blancs discrets installés aux entrées, tandis que le personnel de sécurité surveille les alertes sur des tablettes.
Cette installation reflète une réalité inquiétante: les services d’urgence sont devenus des lieux de travail de plus en plus dangereux. Une enquête de 2022 menée par l’Association canadienne des médecins d’urgence a révélé que 68% des médecins urgentistes déclaraient subir du harcèlement verbal chaque semaine, tandis que 16% faisaient face à des menaces physiques au moins une fois par mois.
Le déploiement à Edmonton suit des mises en œuvre similaires à l’Hôpital pour enfants malades de Toronto et à l’Hôpital général de Vancouver l’année dernière. Les administrateurs hospitaliers citent une inquiétante montée post-pandémique de la violence dans les soins de santé pour justifier cette surveillance accrue.
« Nous marchons sur une corde raide entre créer de la sécurité et maintenir l’environnement accueillant essentiel aux soins de santé, » explique Dr. Samantha Rivera, spécialiste en médecine d’urgence qui a plaidé pour de meilleures mesures de protection. « Personne ne veut que les hôpitaux ressemblent à des palais de justice, mais le personnel mérite de travailler sans crainte. »
Les experts en protection de la vie privée soulèvent cependant des préoccupations concernant cette solution technologique. Sharon Polsky du Conseil de la protection de la vie privée et de l’accès à l’information du Canada se demande si les patients ont été adéquatement informés qu’ils étaient scannés. « Les établissements de santé sont des lieux de vulnérabilité où les gens s’attendent à la confidentialité, » note Polsky. « Ces systèmes recueillent des données, et les patients méritent de la transparence sur ce qu’il advient de ces informations. »
AHS maintient que le système ne stocke pas d’identificateurs personnels ni d’images des patients, bien que l’exactitude de ces affirmations reste difficile à vérifier pour les observateurs externes. Cela représente le défi classique de l’implémentation technologique: le déploiement dépasse souvent les cadres réglementaires et la discussion publique.
Pour les communautés autochtones et autres groupes marginalisés qui ont historiquement subi de la discrimination dans les établissements de santé, les mesures de sécurité accrues soulèvent des préoccupations quant au profilage potentiel. Lorsqu’une alerte signale une arme possible, comment le personnel de sécurité décide-t-il quelles alertes justifient une intervention?
« Ces systèmes n’éliminent pas les préjugés humains, » prévient Rebecca Thompson, chercheuse en équité en santé à l’Université MacEwan. « Ils peuvent en fait amplifier les préjugés existants selon la façon dont les alertes sont gérées. »
L’investissement financier est substantiel. Bien qu’AHS n’ait pas divulgué les coûts, des déploiements similaires dans des hôpitaux américains varient de 75 000 à 125 000 $ par point d’entrée, plus des frais de licence annuels. Cela survient alors que de nombreux hôpitaux luttent contre des pénuries de personnel et des contraintes de ressources.
Ce qui rend cette situation particulièrement complexe est que la violence dans les soins de santé augmente incontestablement. Les travailleurs des services d’urgence décrivent être régulièrement frappés, victimes de crachats et menacés. Une infirmière de l’Hôpital Royal Alexandra, s’exprimant sous couvert d’anonymat, a décrit comment elle retire son badge d’identification en quittant le travail pour éviter d’être reconnue par des patients agressifs.
« Quelque chose doit changer, » dit-elle. « Mais est-ce que plus de technologie est la réponse, ou avons-nous besoin d’approches plus centrées sur l’humain? »
Pour l’instant, lorsque les patients entrent au service d’urgence de l’Hôpital de l’Université de l’Alberta, ils participent—sciemment ou non—à une expérience importante équilibrant sécurité, vie privée et accès dans les soins de santé modernes. Les résultats influenceront probablement la sécurité hospitalière à l’échelle nationale.