Alors que je traverse le vaste hall de l’Hôpital Memorial de Surrey, l’agitation tranquille d’un après-midi de fin octobre masque ce à quoi les travailleurs de la santé se préparent. D’ici quelques semaines, ces couloirs se rempliront de patients qui toussent, de parents inquiets avec des enfants fiévreux, et du flux annuel qui marque la saison des virus au Canada.
« Nous voyons déjà les premiers indicateurs, » explique la Dre Helena Wong, spécialiste des maladies infectieuses que je connais depuis que j’ai couvert la fin de la pandémie de COVID. Elle ajuste son masque—encore un réflexe pour de nombreux professionnels de la santé—et fait un geste vers la salle d’attente. « C’est le calme avant la tempête. »
La saison 2023-2024 des virus respiratoires au Canada arrive pile à l’heure, apportant avec elle le trio familier de la grippe, du virus respiratoire syncytial (VRS) et des variants de la COVID-19 qui font désormais partie de notre paysage sanitaire saisonnier. Mais le tableau de la préparation cette année a changé, avec des recommandations élargies en matière de vaccins et une vigilance accrue après plusieurs saisons respiratoires difficiles.
Les données de surveillance de l’Agence de la santé publique du Canada montrent que les détections de grippe commencent à augmenter à l’échelle nationale, la Colombie-Britannique et l’Alberta signalant déjà des éclosions localisées dans des établissements de soins de longue durée. Pendant ce temps, les taux de positivité des tests COVID-19 oscillent autour de 15 pour cent dans la plupart des provinces, suggérant une transmission communautaire importante même si les tests ont diminué.
Pour Shirley Marchand, une grand-mère de 72 ans de Richmond que je rencontre à la pharmacie de l’hôpital en attendant ses vaccins, le rituel annuel a pris une importance accrue. « Avant la COVID, je sautais parfois mon vaccin contre la grippe, » admet-elle. « Plus maintenant. Mon mari a passé trois semaines à l’hôpital à cause de la COVID en 2021. Nous ne prenons plus de risques. »
Marchand représente l’évolution des attitudes envers la vaccination saisonnière que les responsables de la santé publique espèrent voir se traduire par une meilleure adoption cette année. Le Comité consultatif national de l’immunisation (CCNI) a émis des directives complètes qui élargissent les recommandations au-delà des groupes à haut risque traditionnels.
« Le grand changement cette année est que nous encourageons une approche plus universelle de la vaccination automnale, » explique la Dre Wong. « Bien que nous continuions à prioriser les aînés, les personnes souffrant de maladies chroniques et les travailleurs de la santé, nous soulignons que la plupart des Canadiens bénéficieraient d’une protection saisonnière. »
Selon Santé Canada, les recommandations de cette année comprennent:
Les vaccins contre la grippe pour tous dès l’âge de 6 mois, avec des formulations à haute dose préférées pour les adultes de 65 ans et plus
Les vaccins COVID-19 mis à jour ciblant les variants en circulation pour tous dès l’âge de 6 mois, avec priorité pour les personnes de 65 ans et plus ou avec des conditions sous-jacentes
Les vaccins contre le VRS ou les anticorps préventifs pour les adultes de 60 ans et plus présentant des facteurs de risque, les femmes enceintes (pour protéger les nouveau-nés) et les nourrissons à haut risque
Cette approche multicouche reflète une compréhension croissante que les virus respiratoires ne menacent pas seulement les personnes âgées ou atteintes de maladies chroniques. Les adultes et les enfants en bonne santé peuvent également connaître des maladies graves et, surtout, peuvent transmettre des virus aux membres vulnérables de la communauté.
« Les aspects de protection individuelle et communautaire sont également importants, » note la Dre Wong. « Quand vous vous faites vacciner, vous protégez votre grand-mère, votre voisin immunodéprimé et le système de santé lui-même. »
Cette préoccupation pour le système de santé résonne profondément chez Cam Ridgeway, un infirmier autorisé avec qui je parle pendant ma visite. Après avoir travaillé pendant trois hivers de COVID et la vague « tripledémique » de l’année dernière, il s’inquiète de ce qui s’en vient.
« Les gens ont largement tourné la page mentalement sur la pandémie, mais nos hôpitaux ne s’en sont jamais vraiment remis, » me dit Ridgeway alors que nous discutons près du service d’urgence. « Nous manquons toujours de personnel, nos temps d’attente sont toujours plus longs qu’avant la pandémie, et nous entrons dans une autre saison où les lits seront occupés par des maladies évitables. »
La pression sur les ressources de santé reste un argument puissant en faveur de la vaccination. Les données de l’Institut canadien d’information sur la santé montrent que les maladies respiratoires ont représenté plus de 135 000 hospitalisations la saison dernière, la grippe et la COVID-19 étant les principales causes.
Pour les parents comme Mei Lin, que je rencontre à la clinique de médecine familiale de l’hôpital avec son fils de 4 ans, la décision de vacciner repose sur des préoccupations pratiques. « L’hiver dernier, mon fils a manqué près de trois semaines de garderie à cause de différents virus, » explique-t-elle. « J’ai manqué le travail pour m’occuper de lui, il était malheureux, et puis je suis tombée malade aussi. Si les vaccins réduisent cela, même un peu, nous sommes partants. »
La commodité est devenue un autre point central des messages de santé publique cette année. La plupart des provinces permettent maintenant aux pharmaciens d’administrer plusieurs vaccins en une seule visite, et beaucoup établissent des cliniques communautaires qui offrent des services complets.
La Dre Bonnie Henry, médecin hygiéniste en chef de la Colombie-Britannique, a récemment souligné cette approche dans ses déclarations publiques, notant que « rendre la vaccination accessible et pratique est crucial pour atteindre une protection communautaire. »
Mais des défis demeurent pour atteindre les populations hésitantes face aux vaccins. Une récente enquête de l’Institut Angus Reid a révélé que, bien que 72% des Canadiens prévoient recevoir au moins un vaccin recommandé cet automne, seulement environ 45% ont l’intention de suivre l’ensemble complet des recommandations pour leur groupe d’âge.
« Il reste encore un travail important à faire pour bâtir la confiance et fournir des informations exactes, » reconnaît la Dre Wong. « Nous sommes en concurrence avec beaucoup de désinformation, et parfois avec une simple fatigue des messages de santé. »
Pour ceux qui pèsent leurs options, le moment est important. La période optimale pour la vaccination se situe généralement au début ou au milieu de l’automne, avant que la circulation du virus n’atteigne son pic. Cependant, les responsables de la santé publique soulignent qu’une vaccination tardive reste précieuse car la saison des virus respiratoires s’étend souvent jusqu’au printemps au Canada.
Alors que je me prépare à quitter l’hôpital, je remarque un flux petit mais constant de personnes entrant dans la pharmacie pour se faire vacciner. Parmi eux se trouve Jordan McIntosh, un gestionnaire de construction de 35 ans qui me dit qu’il n’avait jamais envisagé les vaccins saisonniers avant la pandémie.
« J’ai été assez malade avec la COVID en 2020, puis à nouveau avec la grippe l’année dernière, » dit-il. « J’ai manqué des échéances, perdu des revenus et je me suis senti terrible pendant des semaines. Recevoir quelques vaccins semble un petit prix à payer pour éviter cela à nouveau. »
Son approche pragmatique capture peut-être le mieux le moment actuel dans la relation évolutive du Canada avec les maladies respiratoires saisonnières—une reconnaissance croissante que ces virus exigent des coûts réels, et que la prévention offre des avantages tangibles pour les individus et les communautés.
Alors que la saison des virus approche, le message des experts en santé est clair: la vaccination reste notre outil le plus efficace pour réduire les maladies graves, protéger les populations vulnérables et maintenir la capacité des soins de santé pendant ce qui promet d’être un autre hiver difficile.