L’air vif du matin du 22 juillet hante toujours les souvenirs des témoins de la tragédie survenue sur les rives emblématiques du lac Minnewanka dans le parc national Banff. Trois randonneurs ont perdu la vie lorsqu’un énorme glissement de roches a fait dévaler des blocs sans avertissement.
Près de deux mois plus tard, Parcs Canada a publié ses conclusions : selon leur évaluation, ce glissement mortel était complètement imprévisible.
« Il s’agissait d’un événement géologique naturel et spontané qui n’a donné aucun signe avant-coureur, » a expliqué Bill Hunt, gestionnaire de la conservation des ressources pour le parc national Banff, lors de la conférence de presse d’hier. Sa voix portait le poids de conclusions difficiles à transmettre à un public encore en quête de réponses.
Le glissement, survenu par une journée d’été claire, a tué trois visiteurs et blessé deux autres qui randonnaient le long du populaire sentier du canyon Stewart. Les victimes, dont les noms ont été communiqués avec l’autorisation des familles, incluaient les résidents albertains Jessica Marlow et Thomas Chen, ainsi que le visiteur international Lukas Schmidt d’Allemagne.
En parcourant hier le sentier maintenant rouvert, j’ai parlé avec plusieurs randonneurs qui ont exprimé des sentiments mitigés à l’idée de revenir dans la région. Marie Tremblay, résidente de Calgary, s’est arrêtée pour regarder le flanc rocheux de la montagne. « Ça nous fait réfléchir à la puissance réelle de la nature, » a-t-elle déclaré. « Mais je me sens en sécurité sachant que le personnel de Parcs a fait preuve de diligence raisonnable. »
Cette diligence comprenait une évaluation géologique approfondie. Selon le rapport de 32 pages de Parcs Canada, des spécialistes ont examiné des échantillons de roche et des données historiques remontant à 75 ans. Ils n’ont trouvé aucune preuve d’instabilité antérieure dans cette section particulière du flanc de montagne.
La conclusion de l’agence remet en question ce que beaucoup de Canadiens pourraient attendre de notre système de parcs nationaux – que chaque risque peut être identifié et atténué. Ron Hallman, PDG de Parcs Canada, a abordé cette question directement lors d’une entrevue à la radio de Radio-Canada la semaine dernière. « Nous inspectons régulièrement les zones à forte fréquentation, mais nous ne pouvons pas prédire chaque événement géologique dans un paysage fondamentalement dynamique et en constante évolution. »
Certains visiteurs du parc restent sceptiques. À l’embarcadère du lac Minnewanka, j’ai rencontré Patrick Wong, résident d’Edmonton, qui s’est demandé si on aurait pu faire davantage. « Trois personnes sont mortes. Quelqu’un aurait dû voir des signes d’instabilité, » a-t-il insisté.
Cependant, la géologue de l’Université de Calgary, Dre Sarah McPherson, soutient la conclusion de Parcs Canada. « Les glissements de roches peuvent se produire sans avertissement, particulièrement en terrain montagneux soumis aux cycles saisonniers de gel-dégel, » a-t-elle expliqué. « La science est claire : certains événements géologiques ne peuvent tout simplement pas être prédits avec la technologie actuelle. »
La tragédie a suscité des discussions renouvelées sur les risques en milieu sauvage. Parcs Canada rapporte que la fréquentation des parcs des Rocheuses a augmenté de 27% depuis 2019, mettant plus de personnes en contact potentiel avec les dangers inhérents à la nature sauvage.
La mairesse de Banff, Corrie DiManno, a appelé à l’équilibre dans la conversation. « Nous voulons que les visiteurs profitent de nos paysages spectaculaires tout en comprenant que la nature sauvage contient des éléments qui échappent au contrôle humain, » m’a-t-elle confié lors d’une entrevue téléphonique. « Cet événement tragique nous rappelle l’imprévisibilité de la nature, mais ne devrait pas décourager les loisirs responsables. »
Pour les familles des disparus, ces explications offrent peu de réconfort. Leur représentant légal, Martin Schultz, a publié une déclaration indiquant qu’ils examinent les conclusions de Parcs Canada avant de commenter publiquement.
Le sentier du canyon Stewart a rouvert avec une signalisation d’avertissement supplémentaire, bien que la zone spécifique du glissement reste interdite pendant que les évaluations se poursuivent. Le personnel du parc a également effectué des inspections supplémentaires de caractéristiques géologiques similaires dans tout le réseau de sentiers de Banff.
La tragédie de cet été s’ajoute à une liste sobre d’incidents liés aux dangers naturels dans les parcs montagneux du Canada. L’année dernière, sept décès de visiteurs ont été enregistrés dans les parcs de montagne, mais aucun dû à des glissements de roches. Selon les statistiques de Parcs Canada, l’agence gère environ 48 millions de jours-visiteurs annuellement sur ses sites, les incidents graves restant statistiquement rares.
Alors que les Canadiens sont aux prises avec ce rappel de l’imprévisibilité de la nature sauvage, la conversation s’étend au-delà de Banff. Les parcs provinciaux à travers le pays révisent leurs propres protocoles d’évaluation des risques, selon le Conseil canadien des parcs.
Debout au début du sentier hier, observant les visiteurs revenir avec prudence sur le sentier du canyon Stewart, j’ai été frappé par l’équilibre délicat que Parcs Canada doit maintenir – préserver les processus naturels tout en assurant une sécurité raisonnable pour des millions de visiteurs.
« Nous venons dans des endroits comme Banff précisément parce qu’ils ne sont pas des environnements aménagés, » a réfléchi Linda Morin, une visiteuse du Québec que j’ai rencontrée en train de photographier le paysage. « Cela signifie accepter un certain niveau de risque, n’est-ce pas? »
C’est peut-être la vérité inconfortable au cœur de cette tragédie. Dans notre quête pour vivre l’expérience des espaces sauvages du Canada, nous devons reconnaître que tous les risques ne peuvent pas être éliminés. Les roches continueront leur lent voyage vers le bas, suivant des chronologies géologiques qui, parfois, tragiquement, croisent celles des humains.