La chaleur brûlante de juillet s’élève du pavé lorsque je sors de ma voiture de location à Kitimat. Derrière moi, le chenal Douglas s’étend vers le Pacifique, ses eaux trompeusement paisibles contre un arrière-plan de montagnes côtières. Devant moi se dresse l’imposante installation de LNG Canada—acier et béton s’élevant d’une forêt défrichée, promettant à la fois un renouveau économique et une controverse environnementale.
« Quand la construction a commencé, on pouvait sentir le changement dans la ville, » me confie Eleanor Markham, résidente de Kitimat depuis trois générations qui m’invite dans son jardin surplombant la zone industrielle. « Il y a plus d’argent qui circule, c’est sûr, mais aussi ce poids de savoir ce que cela signifie pour nos objectifs climatiques. »
La perspective conflictuelle d’Eleanor reflète la contradiction plus large de la politique climatique de la Colombie-Britannique. Cinq ans après que la province ait célébré sa stratégie ambitieuse CleanBC, une nouvelle évaluation climatique provinciale révèle une réalité troublante: l’industrie du gaz naturel liquéfié en expansion a compromis les progrès vers ses objectifs de réduction des gaz à effet de serre.
Le rapport, publié hier par le ministère de l’Environnement et de la Stratégie sur les changements climatiques, conclut que les émissions des projets de GNL approuvés et en construction dépasseront d’environ 35 pour cent l’ensemble du budget carbone de la province pour 2030 si toutes les expansions prévues se poursuivent.
« Nous suivons ces chiffres depuis des années, mais les voir exposés de façon si nette reste choquant, » déclare Dr. Kathryn Harrison, experte en politique climatique à l’Université de la Colombie-Britannique qui n’a pas participé à l’élaboration du rapport gouvernemental. « La Colombie-Britannique fait maintenant face à l’impossibilité mathématique de respecter ses engagements climatiques tout en développant son infrastructure de combustibles fossiles. »
L’évaluation a examiné les données d’émissions de l’installation LNG Canada à Kitimat et des projets proposés Cedar LNG et Woodfibre LNG. Selon l’analyse du ministère, ces trois projets ajouteraient à eux seuls environ 13 millions de tonnes d’équivalent dioxyde de carbone aux émissions annuelles de la C.-B. d’ici 2030—près d’un cinquième des émissions totales actuelles de la province.
En me promenant dans le centre-ville de Kitimat le lendemain matin, je remarque des affiches « Emplois GNL = Avenir » partageant les vitrines avec des posters « Protégeons notre climat ». Cette collision visuelle de valeurs reflète un sondage mené par l’Institut Pembina plus tôt cette année, montrant que 76 pour cent des Britanno-Colombiens soutiennent l’action climatique tandis que 62 pour cent s’inquiètent des impacts économiques d’une transition rapide.
La conseillère en chef Crystal Smith de la Nation Haisla, dont le territoire englobe le projet LNG Canada, souligne la réalité complexe que naviguent de nombreuses communautés autochtones.
« Nous vivons avec le développement industriel depuis des générations, souvent sans bénéfice ni consentement, » me dit-elle en remuant son café dans un bistro local. « Avec le GNL, nous avons établi des accords sans précédent pour le partage des revenus et la surveillance environnementale. Mais nous ressentons aussi la responsabilité envers les générations futures. Ce n’est jamais un calcul simple. »
L’évaluation provinciale soulève des questions particulièrement troublantes concernant le méthane, ce puissant gaz à effet de serre qui constitue la majorité du gaz naturel. Des mesures atmosphériques récentes par des chercheurs d’Environnement et Changement climatique Canada ont révélé que les taux de fuite de méthane des opérations gazières de la C.-B. étaient environ 1,5 fois plus élevés que ce que l’industrie rapportait.
Dr. Sonia Cristina, une scientifique atmosphérique à l’Université Simon Fraser spécialisée dans la détection du méthane, explique pourquoi c’est important: « Le méthane a plus de 80 fois le pouvoir de réchauffement du dioxyde de carbone à court terme. Même de petits taux de fuite peuvent dévaster les progrès climatiques. »
De retour à Vancouver deux jours plus tard, je rencontre le ministre du Climat George Henderson dans son bureau du centre-ville. De grandes fenêtres encadrent les montagnes de la Rive-Nord, encore coiffées de neige malgré la vague de chaleur de fin d’été.
« Nous reconnaissons la tension dans notre approche, » admet Henderson, d’un ton mesuré. « Le gouvernement précédent a approuvé ces projets selon une comptabilisation différente des émissions. Notre défi maintenant est de mettre en œuvre des réglementations plus strictes tout en honorant les engagements déjà pris. »
Le rapport du ministère esquisse plusieurs voies potentielles pour concilier le développement du GNL avec les objectifs climatiques, y compris la capture de carbone obligatoire pour toutes les installations, des réglementations strictes sur le méthane, et la compensation des émissions industrielles accrues par des réductions plus profondes dans les transports et les bâtiments.
Les défenseurs du climat soutiennent que ces mesures restent insuffisantes. « Nous tentons des acrobaties de politique climatique au lieu de faire les choix difficiles, » déclare Meera Wong de Justice Climatique C.-B. « Les mathématiques ne fonctionnent tout simplement pas sans réduire l’expansion des combustibles fossiles. »
Les représentants de l’industrie répliquent que le GNL de la C.-B. pourrait aider les pays à abandonner le charbon. « Notre produit a l’une des intensités carboniques les plus faibles au monde, » affirme James Harrington, porte-parole de l’Alliance GNL de la C.-B. « Les émissions mondiales pourraient diminuer si notre gaz remplace des combustibles à plus forte teneur en carbone. »
Cet argument ne persuade pas Mark Jaccard, professeur à l’École de gestion des ressources et de l’environnement de l’Université Simon Fraser. « Ce récit ignore deux faits critiques, » explique-t-il dans son bureau du campus. « Premièrement, il n’existe aucun mécanisme garantissant que le gaz de la C.-B. remplace effectivement le charbon plutôt que de retarder l’adoption des énergies renouvelables. Deuxièmement, la comptabilité des émissions ne fonctionne que lorsque vous excluez les émissions en amont et du transport maritime. »
Alors que le soleil de l’après-midi filtre à travers la fenêtre du bureau de Jaccard, il pointe un graphique montrant la trajectoire des émissions de la C.-B. « Ce que nous observons est un cas classique de verrouillage carbone. Une fois construites, ces installations fonctionneront pendant des décennies, rendant nos objectifs climatiques de plus en plus inatteignables. »
L’évaluation provinciale confirme cette préoccupation, notant que la durée de vie prévue de 40 ans de LNG Canada prolongerait les émissions bien au-delà de 2050, date à laquelle la C.-B. s’est engagée à atteindre la neutralité carbone.
Le lendemain de la publication du rapport, je visite un rassemblement de jeunes pour le climat à la plage Jericho de Vancouver. Des étudiants de toute la province se sont réunis pour discuter de leur réponse.
Maya Sutherland, dix-sept ans, de Prince George, parle avec une clarté remarquable: « Ils nous demandent d’accepter un avenir avec plus de feux de forêt, plus d’inondations, plus de dômes de chaleur—tout cela pour que nous puissions exporter un produit que le monde doit cesser d’utiliser. Comment est-ce une gouvernance responsable? »
Alors que la Colombie-Britannique fait face à cette contradiction fondamentale de politique, l’évaluation provinciale clarifie une chose: la voie actuelle d’action climatique simultanée et d’expansion des combustibles fossiles a atteint sa limite mathématique. Quelque chose doit céder.
À Kitimat, Eleanor m’avait posé une question qui me hante encore: « Quand nos petits-enfants nous demanderont ce que nous avons fait quand nous avions encore le temps d’agir, que leur dirons-nous? Que les emplois d’aujourd’hui comptaient plus que leur avenir? »
L’évaluation climatique provinciale ne répond pas à cette question. Mais elle force les Britanno-Colombiens à finalement y faire face.