Début juin, alors que la plupart des adolescents rêvaient de journées à la plage et de liberté estivale, Jenna MacKenzie, 16 ans, comptait tampons et brosses à dents dans le garage de ses parents à Charlottetown.
« Aucun jeune ne devrait avoir à choisir entre acheter son lunch ou des produits d’hygiène personnelle », m’a confié MacKenzie mardi dernier, pendant que des bénévoles triaient des dons derrière elle. « Ça a commencé comme une petite idée pour le projet de service communautaire de mon école, mais c’est devenu quelque chose de bien plus grand. »
La campagne « Teen Health Essentials Drive » de MacKenzie a recueilli plus de 7 000 articles depuis son lancement en mai, avec des points de distribution maintenant établis dans les écoles et centres communautaires à travers l’Île-du-Prince-Édouard. Cette initiative locale répond à une préoccupation croissante parmi les défenseurs de la santé insulaire : la précarité hygiénique chez les adolescents.
Selon les données de l’Enquête canadienne sur le revenu 2022 de Statistique Canada, près de 14 % des enfants de l’Île vivent dans des foyers touchés par la pauvreté. Les responsables provinciaux de la santé reconnaissent que cela se traduit souvent par des choix difficiles concernant les produits d’hygiène essentiels.
« Quand les familles luttent contre l’insécurité alimentaire, des articles comme le déodorant ou les produits menstruels deviennent des achats de luxe », explique la Dre Martha Sullivan, médecin de famille à Summerside qui fait du bénévolat pour l’initiative. « Les implications pour la santé peuvent être importantes – des infections cutanées évitables aux journées d’école manquées pendant les menstruations. »
Le ministère de la Santé et du Mieux-être de la province a pris note. La semaine dernière, le ministre de la Santé Mark McLane a visité l’un des centres de collecte de la campagne, annonçant une subvention de 15 000 $ pour aider à étendre la distribution pendant les mois d’été, quand les ressources scolaires ne sont pas disponibles.
« Ce que Jenna et son équipe ont accompli met en lumière une lacune de service que nous devons aborder de façon plus permanente », a déclaré McLane. « Leur travail s’aligne parfaitement avec notre stratégie de bien-être des jeunes. »
L’impact de l’initiative va au-delà de la santé physique. À l’école secondaire Three Oaks de Summerside, la conseillère d’orientation Rebecca Thompson a été témoin du fardeau émotionnel de la précarité hygiénique.
« Des élèves manquent l’école parce qu’ils sont gênés par leur odeur corporelle ou leur incapacité à gérer leurs règles », partage Thompson. « Avoir ces produits disponibles gratuitement restaure la dignité et élimine les obstacles à l’éducation. »
Ce qui distingue l’approche de MacKenzie est l’attention particulière aux besoins spécifiques des adolescents. Les bacs de dons demandent des produits rarement trouvés dans les colis d’aide standard : traitements contre l’acné, déodorants pour sportifs et produits capillaires adaptés aux adolescents.
« La plupart des collectes se concentrent sur les bases, qui sont absolument essentielles », m’a expliqué MacKenzie en me montrant leur système d’inventaire. « Mais nous essayons aussi d’inclure des articles qui aident spécifiquement à la confiance et au confort social des adolescents. »
La campagne a suscité d’importantes conversations sur le bien-être des jeunes à travers l’Île. Lors d’un récent forum communautaire à Montague, parents, éducateurs et professionnels de la santé se sont réunis pour discuter de solutions durables à la précarité hygiénique.
Morgan Peters, coordonnateur du Plan d’action de réduction de la pauvreté de l’Î.-P.-É., estime que cette initiative menée par des adolescents révèle d’importantes lacunes dans les soutiens sociaux existants.
« Les jeunes passent souvent entre les mailles du filet de nos systèmes », a noté Peters. « Les programmes de lutte contre la pauvreté des adultes ne tiennent pas toujours compte des pressions sociales uniques auxquelles les adolescents font face. Cette campagne a aidé à identifier des angles morts dans notre approche. »
Les entreprises locales ont répondu avec un enthousiasme surprenant. Les pharmacies de l’Île offrent maintenant des promotions « achetez-un-donnez-un » sur les articles de santé pour adolescents, tandis que la clinique Northwood Dental de Charlottetown a fait don de plus de 500 trousses d’hygiène bucco-dentaire.
« La réponse de la communauté a été extraordinaire », a déclaré Rachel Godwin, mère de MacKenzie et coordinatrice logistique officieuse. « Nous avons commencé à collecter dans notre garage, mais nous avons rapidement dû déplacer les opérations au centre communautaire à mesure que les dons affluaient. »
L’initiative a attiré le soutien de milieux inattendus. L’équipe de hockey des Islanders de Charlottetown est arrivée samedi dernier avec leurs sacs d’équipement remplis de dons et est restée pour aider à trier les articles.
« Beaucoup d’entre nous se souviennent de ce que c’était de ne pas avoir ce dont on avait besoin adolescent », a déclaré le capitaine de l’équipe Noah Wilson. « Quand tu t’inquiètes pour des choses de base comme le déodorant, tu ne peux pas te concentrer sur le fait d’être un enfant, de faire du sport ou de réussir à l’école. »
Le plus frappant est peut-être la façon dont l’initiative s’est transformée en un mouvement dirigé par les jeunes. Ce qui a commencé comme le projet de MacKenzie implique maintenant plus de 40 élèves bénévoles d’écoles de toute l’Île, gérant tout, de la sensibilisation sur les médias sociaux à la logistique d’inventaire.
Sam Trainor, coordinateur bénévole de 14 ans, a développé un système de planification garantissant que les dons sont triés dans les 48 heures suivant leur arrivée.
« Les adultes sont parfois surpris que des adolescents puissent organiser quelque chose comme ça », m’a dit Trainor avec un léger roulement des yeux. « Mais nous comprenons ces besoins mieux que quiconque. Nous voyons nos camarades de classe en difficulté chaque jour. »
L’intérêt du gouvernement provincial suggère que l’initiative menée par les adolescents pourrait influencer la politique à plus long terme. Le ministre de la Santé McLane a indiqué que la session législative d’automne pourrait inclure une discussion sur le financement permanent des programmes d’hygiène scolaires.
À mesure que l’été avance, l’équipe de MacKenzie fait face à son plus grand défi : maintenir l’élan quand les réseaux de soutien scolaire ne fonctionnent pas. Ils se sont associés aux bibliothèques communautaires pour servir de points de distribution en juillet et août.
« L’été peut en fait être plus difficile pour les adolescents confrontés à la précarité hygiénique », a expliqué MacKenzie. « Les emplois d’été exigent souvent d’avoir l’air ‘présentable’, mais sans les ressources scolaires, beaucoup ne peuvent pas accéder aux produits de base. »
Pour l’instant, l’initiative commencée dans un garage continue de s’étendre à travers les communautés de l’Î.-P.-É., portée par des adolescents qui comprennent précisément ce dont leurs pairs ont besoin.
En quittant le centre de bénévoles, MacKenzie formait de nouveaux volontaires à leur protocole de distribution, mettant l’accent sur la dignité avant tout.
« Nous veillons à ce que tout soit emballé discrètement », a-t-elle dit au groupe. « Quand quelqu’un a besoin de ces articles, la dernière chose qu’il souhaite, c’est qu’on attire l’attention là-dessus. »
Dans une province souvent célébrée pour ses communautés soudées, ces adolescents répondent à un besoin qui était resté largement invisible – prouvant que parfois les solutions les plus efficaces viennent de ceux qui vivent les problèmes de première main.
