La rangée frappante de gobelets à café à usage unique alignés sur les podiums du débat des candidats à la mairie jeudi dernier n’a échappé à personne. Alors que six candidats à la mairie d’Edmonton abordaient le projet d’interdiction des plastiques à usage unique de la ville, cette ironie visuelle a souligné un enjeu controversé qui divise tant les candidats que les électeurs à l’approche des élections municipales d’octobre.
« Nous parlons de leadership environnemental tout en buvant dans des gobelets jetables, » a fait remarquer le favori Amarjeet Sohi lors d’un échange qui a révélé de profondes différences idéologiques parmi ceux qui aspirent à diriger la capitale de l’Alberta.
Le débat était centré sur le règlement proposé par Edmonton qui interdirait aux entreprises de fournir des articles à usage unique comme les ustensiles en plastique, les gobelets et les sacs d’emplettes, sauf sur demande spécifique. La mesure, déjà adoptée par le comité des services publics du conseil, attend l’approbation finale—ce qui en fait un sujet brûlant pour le positionnement des campagnes.
Sohi, l’ancien ministre du cabinet libéral, a préconisé une approche équilibrée. « Nous devons travailler avec les petites entreprises pour s’assurer que ces changements ne créent pas de difficultés excessives, » a-t-il déclaré, suggérant une mise en œuvre progressive avec des exceptions pour les besoins médicaux et d’accessibilité. Sa position reflète un juste milieu entre l’action environnementale et les préoccupations des entreprises.
En revanche, la candidate Kim Krushell a exprimé une opposition plus claire. « Les entreprises d’Edmonton se remettent encore des pertes liées à la pandémie, » a-t-elle soutenu. « Ajouter des coûts réglementaires maintenant risque de pousser davantage de commerces locaux à fermer. » Sa position fait écho à celle de la Chambre de commerce d’Edmonton, qui a publié cette semaine un communiqué estimant les coûts de conformité entre 11 000 et 18 000 $ par entreprise annuellement.
Pendant ce temps, Michael Oshry a adopté la position anti-interdiction peut-être la plus ferme, qualifiant cette mesure d' »environnementalisme de façade qui alourdit les entreprises locales sans impact écologique significatif. » Il a cité des chiffres de Statistique Canada montrant que les plastiques à usage unique représentent moins de 1 % des déchets d’enfouissement à l’échelle nationale.
Les groupes environnementaux ont rapidement contesté cette interprétation. Le Conseil de recyclage de l’Alberta souligne que bien que les plastiques puissent représenter un faible pourcentage des déchets en poids, leur persistance environnementale crée des dommages disproportionnés, particulièrement dans les cours d’eau où les déchets d’Edmonton finissent par affecter le bassin versant de la rivière Saskatchewan Nord.
Le débat reflète des tensions plus profondes qui se manifestent dans les villes à travers le Canada. Selon un récent sondage d’Abacus Data, 76 % des Canadiens soutiennent la limitation des plastiques à usage unique, mais ce soutien tombe à 58 % lorsque de potentielles augmentations de coûts sont mentionnées. À Edmonton spécifiquement, un sondage Léger commandé par CBC a révélé que 62 % des résidents soutiennent l’interdiction, 29 % s’y opposent et 9 % sont indécis.
Ce qui rend la situation d’Edmonton particulièrement difficile, c’est le moment choisi. Les interdictions fédérales sur les plastiques à usage unique ont commencé à être mises en place en décembre dernier, interdisant la fabrication et l’importation d’articles comme les sacs de caisse et les couverts, avec une mise en œuvre complète d’ici décembre 2023. Le règlement proposé par Edmonton irait plus loin, obligeant les entreprises à demander aux clients s’ils veulent des articles comme des serviettes et des pailles plutôt que de les fournir automatiquement.
Le comité environnemental du conseil a entendu 26 intervenants lors de leur débat initial, avec des zones d’amélioration commerciale et des associations de restaurateurs mettant en garde contre les contraintes financières, tandis que les défenseurs de l’environnement soulignaient l’empreinte écologique croissante des plastiques.
Rebecca Graff-McRae de l’Institut Parkland a noté que le débat illustre le dilemme municipal classique. « Les conseils municipaux doivent équilibrer les préoccupations immédiates des entreprises et la gestion environnementale à long terme, » m’a-t-elle dit. « Mais ils sont souvent pris entre les priorités politiques provinciales et les réglementations fédérales, avec des outils de revenus limités pour faciliter les transitions. »
Pour les électeurs d’Edmonton, le débat sur les plastiques offre une façon tangible d’évaluer les philosophies de gouvernance des candidats. Ceux qui privilégient les préoccupations économiques immédiates gravitent vers les positions de Krushell et d’Oshry, tandis que les électeurs mettant l’accent sur le leadership environnemental trouvent la position modérée de Sohi ou le plaidoyer pro-interdiction plus ferme de Cheryll Watson plus attrayants.
La question met également en lumière la réalité complexe de la gouvernance municipale. Le système de gestion des déchets d’Edmonton, qui a subi une modernisation de 40 millions de dollars en 2021, continue de lutter contre les taux de contamination dans les flux de recyclage, selon le dernier rapport des services de déchets de la ville. Les plastiques à usage unique contribuent significativement à cette contamination, coûtant aux contribuables environ 2,5 millions de dollars annuellement en frais de tri et d’enfouissement.
À l’approche du jour du scrutin, le débat sur l’interdiction du plastique offre aux électeurs une perspective claire pour évaluer les candidats—non seulement sur leurs références environnementales, mais sur la façon dont ils équilibrent les intérêts concurrents lorsqu’ils gouvernent.
« Les élections municipales se jouent souvent sur ces questions de qualité de vie qui affectent directement les routines quotidiennes, » a observé Chaldeans Mensah, politologue à l’Université MacEwan. « La façon dont les candidats se positionnent sur l’interdiction du plastique révèle leur approche décisionnelle plus clairement que les promesses de campagne. »
Pour la communauté d’affaires d’Edmonton et les électeurs soucieux de l’environnement, le débat se poursuit au-delà des podiums et des campagnes électorales. Quel que soit le candidat qui l’emporte, il héritera de cette question non résolue—ainsi que de ces gobelets à café à usage unique ironiquement symboliques qui ont si parfaitement capturé la complexité d’équilibrer prospérité et durabilité dans la grande ville la plus septentrionale du Canada.