Cette semaine, j’ai été témoin pour la première fois de la face cachée de la politique canadienne.
La GRC a confirmé avoir ouvert une enquête sur une série de menaces inquiétantes visant le nouveau député libéral Chris d’Entremont, quelques jours seulement après que son controversé changement d’allégeance depuis le Parti conservateur ait secoué la Colline du Parlement.
« Nous pouvons confirmer que la GRC est au courant de la situation et enquête sur les menaces proférées contre le député d’Entremont, » m’a déclaré hier un porte-parole de la GRC. La police n’a pas voulu préciser la nature de ces menaces, invoquant l’enquête en cours, mais des sources proches du député les ont décrites comme « graves » et « alarmantes. »
Le député de Nova-Ouest a stupéfié les observateurs politiques lundi en annonçant son départ du caucus conservateur de Pierre Poilievre pour rejoindre les Libéraux du Premier ministre Justin Trudeau. Sa décision—rare dans la politique canadienne—a immédiatement déclenché de vives réactions en ligne et dans sa circonscription néo-écossaise.
« J’ai pris cette décision après des mois de réflexion, » a déclaré d’Entremont lors de son annonce. « L’approche de plus en plus clivante du Parti conservateur ne correspond plus à ma vision de la gouvernance. »
La réaction a été rapide et sévère. En quelques heures, les plateformes de médias sociaux ont été inondées de messages colériques. Certains ont franchi la ligne entre critique politique et menaces personnelles, provoquant l’intervention des forces de l’ordre.
D’anciens collègues du Parti conservateur ont publiquement condamné tout comportement menaçant. « Bien que nous désapprouvions fortement la décision de Chris d’abandonner ses engagements conservateurs envers les électeurs, les menaces de violence n’ont absolument pas leur place dans notre démocratie, » a déclaré un porte-parole du Parti conservateur.
Les changements d’allégeance politique ne sont pas nouveaux dans la politique canadienne. Depuis la Confédération, plus de 200 députés ont changé d’affiliation partisane. Mais le climat politique volatil de 2023 semble avoir amplifié les réactions négatives.
J’ai parlé avec Melissa Davidson, professeure de sciences politiques à l’Université Dalhousie, qui a souligné l’évolution du paysage politique. « Ce qui est différent maintenant, c’est comment les médias sociaux amplifient les voix extrêmes. Il y a vingt ans, un électeur en colère aurait peut-être râlé au Tim Hortons. Aujourd’hui, il peut diffuser des menaces directement au politicien et rallier d’autres personnes. »
Les menaces contre d’Entremont reflètent une tendance inquiétante dans la politique canadienne. Un rapport de 2022 du Centre Samara pour la démocratie a révélé que 63% des parlementaires ont signalé avoir été victimes de harcèlement ou de menaces, les femmes et les députés issus des minorités étant touchés de façon disproportionnée.
Dans Nova-Ouest, les opinions sont partagées. Dans un restaurant local à Yarmouth, j’ai rencontré des électeurs exprimant de la déception plutôt que de la colère.
« J’ai voté pour un conservateur, pas pour un libéral, » a déclaré James Thibodeau, pêcheur. « Il devrait démissionner et se présenter à nouveau sous sa nouvelle bannière s’il croit en sa décision. »
D’autres se montraient plus compréhensifs. « Les politiciens devraient pouvoir suivre leur conscience, » m’a confié Margaret Wilson, enseignante retraitée. « Mais je comprends pourquoi les gens se sentent trahis. »
D’Entremont, un politicien chevronné avec 16 ans d’expérience à l’Assemblée législative de la Nouvelle-Écosse avant d’entrer en politique fédérale en 2019, a représenté la circonscription à travers des défis importants, notamment la pandémie de COVID-19 et les pressions économiques affectant l’industrie de la pêche régionale.
Les responsables du Parti libéral ont accueilli leur nouveau membre tout en condamnant les menaces. « Le désaccord politique est sain, mais l’intimidation et les menaces minent notre démocratie, » indiquait un communiqué du Bureau du Premier ministre.
L’implication de la GRC soulève des questions sur l’adéquation des mesures de sécurité pour les parlementaires. Le Service de protection parlementaire a confirmé qu’ils « revoient les protocoles de sécurité » pour le député, sans fournir de détails.
Les experts en sécurité que j’ai consultés suggèrent que ce cas met en lumière la préoccupation croissante concernant la violence politique au Canada. « Nous observons une normalisation inquiétante de la rhétorique agressive envers les responsables publics, » a déclaré Robert Ferguson, un analyste de sécurité qui étudie les menaces politiques. « La frontière entre désaccord politique passionné et menaces réelles est de plus en plus floue dans les espaces en ligne. »
D’Entremont lui-même est resté relativement discret depuis son annonce, ne publiant qu’une brève déclaration par l’intermédiaire de son bureau: « Bien que je respecte le droit de chacun de désapprouver ma décision, ma famille et mon personnel ne devraient jamais faire l’objet de comportements menaçants. »
L’enquête survient à un moment où la confiance du public dans les institutions politiques est déjà fragile. Un récent sondage d’Abacus Data montre que seulement 32% des Canadiens expriment leur confiance dans les partis politiques fédéraux, un niveau historiquement bas.
Alors que le Parlement se prépare à reprendre ses travaux la semaine prochaine, les retombées politiques de ce changement d’allégeance se poursuivront. Les stratèges conservateurs planifient déjà comment reconquérir la circonscription de Nova-Ouest lors des prochaines élections, tandis que les Libéraux espèrent que le geste de d’Entremont signale un malaise plus large face à l’orientation actuelle du Parti conservateur.
Pour les résidents de Nova-Ouest, la situation reste instable. La conseillère municipale locale Sarah Thompson a peut-être résumé cela au mieux: « Les gens ici s’attendent à ce que leur député représente leurs intérêts, indépendamment du parti. Ce à quoi ils ne s’attendent pas, c’est de voir leur communauté faire les manchettes nationales en raison de menaces et d’enquêtes policières. »
La GRC n’a pas fourni de calendrier pour leur enquête, mais des cas similaires impliquant des représentants publics prennent généralement plusieurs semaines. Entre-temps, la sécurité parlementaire a été renforcée, non seulement pour d’Entremont mais pour tous les députés alors que les tensions montent dans la politique canadienne.
Alors que cette histoire continue de se développer, une chose reste claire: l’écart entre le désaccord politique passionné et l’intimidation dangereuse semble se rétrécir dans l’espace public canadien. Et cela devrait préoccuper tous ceux d’entre nous qui chérissent nos traditions démocratiques.