L’épaisse fumée qui s’élevait dans le ciel a été le premier signe que la vie allait changer pour les 1 800 résidents de la Première Nation de Wabaseemoong. Ce qui n’était qu’une menace lointaine s’est transformé en urgence totale lorsque les feux de forêt ont encerclé la communauté, située à environ 100 kilomètres au nord-ouest de Kenora, dans le nord-ouest de l’Ontario.
« On n’a jamais vu un feu se propager aussi rapidement, » a déclaré le Chef Waylon Scott, sa voix portant le poids de la décision d’évacuer toute sa communauté. « Quand les vents ont changé mercredi soir, on a su qu’on ne pouvait plus attendre. »
L’ordre d’évacuation est tombé jeudi matin après que les équipes provinciales de lutte contre les incendies ont déterminé que le brasier, désigné KEN042, s’étendait sur plus de 700 hectares et avançait rapidement vers la Première Nation. Les membres de la communauté ont saisi l’essentiel – médicaments, documents importants, photos de famille – avant de monter dans des autobus vers la sécurité.
Vendredi après-midi, presque tous les résidents avaient été relocalisés dans des refuges d’urgence à Dryden, Thunder Bay et Winnipeg. La Croix-Rouge canadienne a établi des hébergements temporaires dans des chambres d’hôtel pour les aînés et les familles avec jeunes enfants, tandis que les centres communautaires accueillent les autres.
« On fait notre possible pour garder les familles ensemble, » a expliqué Jamie Mcdonald, coordonnateur des interventions d’urgence chez Services aux Autochtones Canada. « Ce ne sont pas simplement des évacués – ce sont des foyers entiers déracinés avec très peu de préavis. »
Pour Edward Paypompee, un aîné de 67 ans, l’évacuation a ravivé des souvenirs douloureux. « C’est la troisième fois que je dois quitter ma maison à cause d’un incendie ou d’une inondation, » a-t-il confié en s’installant sur un lit de camp au centre communautaire de Thunder Bay. « Mais notre peuple a toujours été résilient. On reste solidaires. »
L’incendie qui menace Wabaseemoong est l’un des 27 feux actifs qui brûlent actuellement dans le nord-ouest de l’Ontario, selon le système d’information sur les feux de forêt de la province. Sept sont classés comme « non maîtrisés » – une statistique inquiétante alors que la région fait face à des conditions anormalement sèches.
Shayne McCool, porte-parole des Services d’urgence d’aviation et de lutte contre les feux de forêt, a souligné que les conditions d’incendie printanières s’intensifient dans tout le nord. « On observe des niveaux d’humidité relative qui chutent à des niveaux préoccupants, combinés à des vents plus forts que la normale. Cela crée des circonstances difficiles pour nos équipes sur le terrain. »
Des climatologues du Centre interdisciplinaire sur les changements climatiques de l’Université de Waterloo surveillent la fréquence croissante des feux de forêt printaniers dans la région. Leurs données suggèrent une tendance troublante : les saisons des feux commencent plus tôt et durent plus longtemps que les moyennes historiques.
« Ce que nous observons dans le nord-ouest de l’Ontario reflète des tendances plus larges dans toute la forêt boréale, » a expliqué Dr. Melissa Porter, qui étudie les impacts climatiques sur les communautés autochtones. « Ce ne sont plus des incidents isolés mais des symptômes d’une réalité climatique changeante qui affecte de manière disproportionnée les Premières Nations éloignées. »
Pour les dirigeants de Wabaseemoong, la priorité immédiate reste la sécurité et le bien-être de la communauté durant le déplacement. Le Chef Scott coordonne avec les agences provinciales et fédérales pour s’assurer que les besoins sont satisfaits pendant que les efforts de lutte contre l’incendie se poursuivent.
« Notre priorité est de garantir que tout le monde a un abri, de la nourriture et accès aux services de santé, » a souligné le Chef lors d’une réunion communautaire dans une salle de conférence d’hôtel à Dryden. « On travaille aussi à gérer le coût émotionnel que cela représente, surtout pour nos enfants et nos aînés. »
Le premier ministre de l’Ontario, Doug Ford, a promis le soutien provincial lors d’une conférence de presse à Toronto. « Nous déployons toutes les ressources disponibles pour combattre ces incendies et soutenir les communautés évacuées, » a déclaré Ford. « La sécurité de ces résidents est notre priorité absolue. »
Pendant ce temps, les membres de la communauté trouvent des moyens de maintenir les liens malgré leur dispersion dans trois villes. Des bénévoles ont établi des chaînes téléphoniques et des groupes sur les réseaux sociaux pour partager des mises à jour et coordonner le soutien. Des cercles de guérison traditionnels ont été organisés dans chaque centre d’évacuation, offrant un réconfort spirituel pendant la crise.
L’expérience de Wabaseemoong met en lumière les défis complexes auxquels font face les Premières Nations éloignées lors de catastrophes naturelles. L’accès routier limité signifiait que les options d’évacuation étaient restreintes, et la distance de la communauté par rapport aux centres urbains a compliqué la planification d’urgence.
La ministre des Services aux Autochtones, Patty Hajdu, a reconnu ces défis dans une déclaration : « Nous reconnaissons les vulnérabilités uniques auxquelles font face les communautés éloignées et travaillons à améliorer les systèmes d’intervention d’urgence qui respectent le leadership et les connaissances autochtones. »
Pour l’instant, les équipes de pompiers continuent de lutter contre l’incendie qui menace les maisons, l’école et les bâtiments communautaires de Wabaseemoong. Des avions-citernes et des hélicoptères ont été déployés aux côtés des équipes au sol, mais les vents changeants et les conditions sèches ont compliqué les efforts de confinement.
Au centre d’évacuation de Thunder Bay, Jessica Keewatin, une jeune mère, regarde ses trois enfants jouer avec des jouets donnés. « Ils me demandent quand on pourra rentrer chez nous, » dit-elle doucement. « Je leur dis bientôt, mais honnêtement, je ne sais pas. C’est notre terre, notre foyer – nous reviendrons et reconstruirons s’il le faut. Nous l’avons toujours fait. »
Alors que l’évacuation de Wabaseemoong entre dans son deuxième jour, l’histoire de la communauté trouve écho dans d’autres Premières Nations confrontées à des menaces similaires d’un climat de plus en plus instable. Leur expérience sert à la fois d’avertissement et de témoignage – un aperçu des impacts réels du changement environnemental sur les communautés les plus vulnérables du Canada, et un témoignage de la résilience qui les porte.