Le soleil se couche derrière le port de St. John’s tandis que je me faufile dans la foule grandissante sur la rue George. Les gens sont épaule contre épaule, leurs visages illuminés par les guirlandes lumineuses qui s’entrecroisent au-dessus d’eux. Un groupe se réchauffe sur scène, des riffs de guitare traversent l’air du soir, pendant que l’odeur de l’eau salée se mêle aux arômes des camions-restaurants. Cette bande iconique du centre-ville de St. John’s se transforme chaque été en le rassemblement culturel le plus attendu de Terre-Neuve-et-Labrador—le Festival de la rue George.
« Ce n’est pas simplement un autre festival de musique, » explique Emma Fitzpatrick, une commerçante locale qui y a assisté pendant vingt années consécutives. « Pour nous, c’est comme un retour aux sources. Les gens planifient leurs vacances autour de cet événement, déplacent leurs mariages pour y assister. C’est là où les Terre-Neuviens expatriés reviennent pour se reconnecter. »
L’édition 2024 du Festival de la rue George, qui se déroule du 25 au 31 juillet, marque la 39e année de l’événement. Ce qui a commencé en 1985 comme une modeste tentative d’attirer des clients vers les établissements de la rue George s’est transformé en un pilier du calendrier culturel du Canada atlantique, attirant régulièrement plus de 50 000 participants sur sa durée d’une semaine.
La programmation musicale de cette année reflète l’engagement du festival à mettre en valeur à la fois des talents canadiens établis et des artistes locaux de Terre-Neuve. Les têtes d’affiche incluent The Trews, Alan Doyle (anciennement de Great Big Sea) et The Sheepdogs, aux côtés d’artistes locaux adorés comme The Navigators et Shanneyganock.
En me promenant dans la rue George pendant les préparatifs, je remarque comment les 22 bars et pubs qui bordent cette artère piétonne rafraîchissent leur peinture, installent des haut-parleurs extérieurs et se préparent pour ce que beaucoup considèrent comme leur semaine la plus lucrative de l’année. Selon Tourisme St. John’s, le festival génère environ 6,5 millions de dollars d’activité économique pour la région.
« Les retombées ne se limitent pas à la rue George, » dit Michael Collins, qui gère le O’Reilly’s Irish Newfoundland Pub. « Les hôtels affichent complet, les restaurants du centre-ville sont bondés, et même les boutiques vendant de l’artisanat terre-neuvien connaissent une hausse. C’est le moment où nous mettons en valeur tout ce qui rend cet endroit spécial. »
L’importance du festival va au-delà de l’économie. La géographe culturelle Dr. Emma Walsh de l’Université Memorial a étudié l’impact de l’événement sur l’identité terre-neuvienne. « Le Festival de la rue George se situe à une intersection intéressante entre intérêts commerciaux, patrimoine culturel et liens communautaires, » me dit-elle. « C’est là où la musique traditionnelle de Terre-Neuve rencontre la culture canadienne contemporaine, créant quelque chose d’uniquement vibrant. »
Cet échange culturel est évident dans la programmation du festival. Les sessions traditionnelles mettant en vedette l’accordéon, le violon et les performances d’ugly stick partagent le programme avec des groupes de rock et des artistes électroniques. Ce mélange fait écho à l’histoire plus large de Terre-Neuve—une culture insulaire façonnée par l’isolement mais de plus en plus connectée aux influences continentales.
« Nous préservons quelque chose d’authentique tout en le laissant respirer et évoluer, » explique Patrick Mullaly, coordinateur du festival. « C’est pourquoi nous nous associons à des événements comme le Festival folklorique de Terre-Neuve-et-Labrador, qui se déroule simultanément. Les gens peuvent ainsi expérimenter tout le spectre de notre patrimoine musical. »
La croissance du festival n’est pas sans défis. Les résidents des quartiers voisins ont soulevé des préoccupations concernant les niveaux de bruit et les comportements nocturnes. La ville a répondu par des mesures de sécurité renforcées, notamment une présence policière accrue et des options de transport améliorées pour les festivaliers rentrant chez eux.
L’impact environnemental est également devenu une priorité. Les organisateurs du festival se sont associés au groupe environnemental local Clean St. John’s pour mettre en œuvre un programme de recyclage complet et réduire les plastiques à usage unique. « Nous avons réduit l’utilisation de gobelets en plastique de 30% depuis l’introduction de gobelets réutilisables en 2022, » note fièrement Mullaly.
La météo reste l’élément le plus imprévisible. Le climat d’été notoirement capricieux de Terre-Neuve signifie que les organisateurs doivent se préparer à tout, de la chaleur étouffante à la pluie battante—parfois dans la même journée. Les plans d’urgence météorologique du festival comprennent des scènes couvertes et des options de lieux intérieurs.
Pour de nombreux participants, ces préoccupations logistiques s’estompent face à l’importance émotionnelle du festival. Lisa Kavanagh, qui a émigré en Alberta il y a quinze ans, revient chaque été spécifiquement pour l’événement. « Quand j’entends les premières notes d’une chanson terre-neuvienne sur la rue George, avec le port visible en bas de la colline et des accents familiers tout autour de moi, je suis de nouveau chez moi, » dit-elle, la voix tremblante. « Peu importe où je vis, c’est ici que bat mon cœur. »
Le festival se termine chaque année par une immense fête de rue qui se fond harmonieusement dans la Régate Royale de St. John’s, le plus ancien événement sportif annuel d’Amérique du Nord, tenu le premier mercredi d’août (si la météo le permet). Ce calendrier est intentionnel, créant un duo culturel qui met en valeur le riche patrimoine de la communauté.
Ces dernières années, le festival a élargi son approche pour inclure davantage de programmation familiale en journée, des événements culinaires mettant en valeur les fruits de mer locaux et des démonstrations artisanales. Cette approche élargie vise à rendre la célébration plus accessible tout en préservant son identité fondamentale comme premier festival de musique de Terre-Neuve.
« Ce qui rend le Festival de la rue George spécial, c’est son authenticité, » réfléchit Alan Doyle, dont les performances attirent régulièrement les plus grandes foules du festival. « Dans un monde où tant d’événements musicaux semblent interchangeables, celui-ci ne pourrait se produire qu’ici, avec ces gens, dans ce lieu. »
Alors que le crépuscule se transforme en nuit, la musique devient plus forte, la danse plus enthousiaste. Des étrangers se donnent le bras pendant les chansons traditionnelles, les locaux enseignent aux visiteurs « come-from-aways » les paroles des hymnes terre-neuviens, et la frontière entre interprète et public s’estompe dans l’expérience partagée.
À travers les tendances musicales changeantes, les hauts et les bas économiques, et l’évolution continue de l’identité terre-neuvienne, le Festival de la rue George demeure une pierre angulaire culturelle—un lieu où la communauté est célébrée, où les traditions sont honorées mais réimaginées, et où l’esprit distinctif de cette province canadienne la plus à l’est trouve son expression la plus joyeuse.