Le système postal canadien se trouve au bord d’une perturbation majeure alors que les négociations entre Postes Canada et le Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes (STTP) ont atteint une impasse critique cette semaine. Les deux parties s’étant retirées de la table des négociations, les Canadiens font maintenant face à la possibilité croissante d’une grève postale nationale qui pourrait affecter tout, des livraisons de médicaments sur ordonnance aux opérations des petites entreprises.
La société d’État a annoncé hier qu’elle a suspendu les pourparlers avec environ 55 000 travailleurs représentés par le STTP, citant des « écarts significatifs » entre les positions des deux parties. Cette évolution survient après des mois de négociations de plus en plus tendues concernant les salaires, les conditions de travail et les plans de modernisation de la société.
« Nous avons atteint un point où poursuivre les discussions dans leur forme actuelle n’est plus productif, » a déclaré Dale LeFebvre, négociateur en chef de Postes Canada dans un communiqué. « La distance entre nos positions nécessite une remise à zéro de notre approche de ces conversations. »
Le syndicat, cependant, présente la situation différemment. « Le fait que Postes Canada abandonne les négociations démontre un manque fondamental de respect envers les travailleurs qui ont maintenu ce pays connecté pendant la pandémie, » a déclaré Jan Simpson, président national du STTP. « Nos membres ont été là pour les Canadiens – maintenant nous demandons une rémunération équitable et des conditions de travail qui reflètent cet engagement. »
Au cœur du différend se trouvent plusieurs enjeux clés qui reflètent des tendances plus larges dans le paysage du travail canadien en évolution. Le syndicat cherche des augmentations de salaire qui suivent l’inflation, qui a mis à rude épreuve les travailleurs de tous les secteurs. Selon Statistique Canada, l’inflation est restée supérieure à 2,5 % pendant une grande partie de l’année dernière, érodant le pouvoir d’achat de nombreux Canadiens.
Le STTP exige également des améliorations aux protocoles de santé et de sécurité, notamment en réponse aux préoccupations concernant l’augmentation des charges de travail liées à la croissance des livraisons de colis. Les volumes de colis ont doublé depuis 2017, selon les propres rapports financiers de Postes Canada, modifiant fondamentalement la nature du travail postal.
De son côté, Postes Canada maintient que les réalités financières limitent sa capacité à répondre à ces demandes. La société a déclaré une perte de 738 millions de dollars avant impôts en 2023, poursuivant une tendance financière préoccupante. Jon Hamilton, porte-parole de Postes Canada, a souligné que « toute solution doit nous permettre de rester financièrement viables tout en servant les Canadiens à un coût abordable. »
Le moment crée des défis particuliers pour les petites entreprises, dont beaucoup dépendent fortement des services postaux pour leurs livraisons. Jordan Drake, propriétaire de Bookmark Books à Halifax, explique que l’incertitude place les entrepreneurs comme elle dans des positions difficiles.
« Environ 40 % de mes ventes proviennent désormais de commandes en ligne expédiées par Postes Canada, » explique Drake. « Avec les commandes de stocks pour les fêtes déjà en cours, ne pas savoir si j’aurai un service d’expédition fiable dans les mois à venir est extrêmement stressant. Nous nous remettons encore des perturbations liées à la pandémie, et c’est la dernière chose dont les petites entreprises ont besoin. »
La grève potentielle soulève également des préoccupations pour les Canadiens vulnérables. Les organisations de personnes âgées ont souligné que de nombreux aînés reçoivent des médicaments par livraison postale. L’Association canadienne des retraités estime qu’environ 1,5 million de personnes âgées reçoivent régulièrement des médicaments sur ordonnance par la poste.
« Pour de nombreux Canadiens âgés, en particulier ceux ayant des problèmes de mobilité ou vivant dans des régions rurales, les médicaments livrés par la poste ne sont pas un luxe – ils sont essentiels, » note la défenseure des soins de santé, Dre Margaret Chen. « Toute perturbation nécessite une planification importante pour s’assurer que ces besoins sont satisfaits. »
Ce n’est pas la première fois que le système postal canadien fait face à des perturbations de travail. Le dernier arrêt de travail majeur a eu lieu en 2018, durant environ deux semaines avant qu’une législation de retour au travail ne mette fin aux grèves tournantes. L’actuel gouvernement fédéral n’a pas indiqué si une intervention similaire serait envisagée cette fois-ci.
Le professeur Thomas Corbin de l’Université Ryerson, expert en relations de travail, considère ce différend comme emblématique des défis plus larges auxquels font face les fournisseurs de services traditionnels à l’ère numérique.
« Postes Canada tente de se transformer tout en assumant des coûts et des infrastructures hérités du passé, » explique Corbin. « Pendant ce temps, les travailleurs dont les emplois sont devenus plus exigeants veulent une rémunération appropriée. C’est un microcosme des tensions qui se manifestent dans de nombreux secteurs s’adaptant aux changements technologiques et à l’évolution des attentes des consommateurs. »
La société a mis en œuvre des plans d’urgence en cas d’arrêt de travail. Les envois gouvernementaux essentiels, y compris les chèques de pension et de prestations sociales, continueraient par le biais d’arrangements alternatifs. On conseille aux Canadiens d’effectuer leurs transactions postales urgentes avant toute perturbation potentielle.
Les deux parties ont indiqué qu’elles restent ouvertes à la reprise des pourparlers avec l’aide de médiateurs fédéraux. La position légale permet une grève ou un lock-out dès le 25 septembre, après la période de réflexion obligatoire suite à l’échec des négociations.
À l’approche de cette échéance, le différend rappelle la pertinence continue des services postaux dans la vie canadienne, malgré la transformation numérique des communications. Il souligne également les tensions persistantes entre les attentes des travailleurs et les pressions financières auxquelles font face les fournisseurs de services traditionnels dans des marchés en rapide évolution.
Pour l’instant, les Canadiens sont condamnés à observer et attendre – vérifiant leurs boîtes aux lettres avec un sentiment croissant que le rythme quotidien familier de la livraison postale pourrait bientôt être interrompu.