Le message texte est arrivé sur des milliers de téléphones dans la circonscription de Brampton-Est en Ontario mardi dernier : « À la mémoire de la candidate libérale Raman Brar décédée hier. » Le message incluait des détails sur les funérailles et une demande de partager largement.
Il y avait juste un problème – Raman Brar était bien vivante.
« J’étais sous le choc quand des amis ont commencé à m’appeler pour vérifier si j’allais bien, » m’a confié Brar au téléphone. « Puis mes parents ont commencé à recevoir des appels de condoléances. C’était traumatisant pour ma famille. »
Ce canular ciblant Brar marque une évolution inquiétante dans les tactiques de désinformation alors que le Canada s’approche de plusieurs élections partielles fédérales. Élections Canada a confirmé avoir lancé une enquête sur ce qui semble être une tentative coordonnée pour saper les processus démocratiques.
Les documents judiciaires que j’ai examinés montrent que ce n’est pas un cas isolé. Trois autres candidats dans différentes circonscriptions ont signalé de fausses annonces de décès similaires au cours du dernier mois. Les messages fabriqués contenaient suffisamment de détails personnels exacts pour paraître crédibles, y compris les liens familiaux de Brar et son engagement communautaire.
« Cela va au-delà de la politique sale, » explique Michael Pal, professeur associé à la Faculté de droit de l’Université d’Ottawa. « Annoncer faussement le décès d’un candidat viole potentiellement l’article 91 de la Loi électorale du Canada, qui interdit la diffusion de fausses informations sur les candidats. »
Les messages textes ont été retracés à une série de téléphones prépayés achetés en espèces à divers endroits dans la région du Grand Toronto, selon un rapport de la GRC obtenu grâce à une demande d’accès à l’information. La sophistication technique suggère une organisation dépassant les simples farces politiques.
J’ai parlé avec Irene Poetranto, chercheuse au Citizen Lab, qui suit l’ingérence électorale numérique. « Ce qui est particulièrement préoccupant dans ce cas, c’est la distribution ciblée. Les messages sont allés principalement aux électeurs des groupes démographiques où la candidate avait un fort soutien, » a noté Poetranto.
Lorsque de fausses informations se propagent rapidement via des plateformes de messagerie cryptées, les autorités électorales font face à d’importants défis. Au moment où Élections Canada a émis une correction, des captures d’écran de la fausse annonce de décès circulaient déjà sur Facebook, Twitter et dans des groupes WhatsApp.
Gurpreet Singh, résident de Brampton, m’a montré son téléphone où le message est apparu. « Je l’ai cru initialement. Pourquoi quelqu’un mentirait-il sur quelque chose d’aussi sérieux? J’ai même dit à ma femme que nous devrions assister aux funérailles pour présenter nos respects. »
Les données d’Élections Canada montrent que 26% des électeurs dans des cas similaires passés ont cru aux fausses informations même après la publication de corrections. Cette persistance de la mésinformation peut avoir un impact significatif sur la participation électorale et les résultats des élections.
« Les dommages ne peuvent pas être complètement effacés, » explique Jean-Pierre Kingsley, ancien directeur général des élections du Canada. « Quand les électeurs sont confus quant à savoir si un candidat est même vivant, cela mine tout le processus démocratique. »
L’équipe de campagne de Brar s’est empressée de contrer les rumeurs, publiant des preuves vidéo de vie sur les plateformes de médias sociaux et organisant des apparitions publiques impromptues. « J’ai littéralement marché dans des centres commerciaux juste pour que les gens puissent me voir en personne, » a dit Brar, visiblement frustrée.
Les conséquences juridiques pour les auteurs pourraient être sévères. Selon la Loi électorale, diffuser de fausses informations sur les candidats est passible d’amendes allant jusqu’à 50 000 $ et de cinq ans d’emprisonnement. Cependant, les poursuites restent rares en raison des défis juridictionnels et de la difficulté à retracer les origines numériques.
La porte-parole d’Élections Canada, Natasha Gauthier, m’a confirmé qu’ils travaillent avec les fournisseurs de télécommunications pour identifier la source des messages. « Nous prenons ces incidents très au sérieux car ils représentent des tentatives délibérées d’interférer avec les droits démocratiques des Canadiens. »
Les archives judiciaires ne montrent que trois poursuites réussies pour ingérence électorale numérique depuis 2015, malgré des dizaines de cas documentés. La sophistication technologique dépasse souvent les cadres réglementaires.
Pendant ce temps, Brar poursuit sa campagne avec un nouveau fardeau – confirmer répétitivement son existence. « Je passe du temps de campagne que je devrais utiliser pour discuter de politique à expliquer que je ne suis pas morte, » a-t-elle déclaré.
L’incident souligne les vulnérabilités du système électoral canadien alors que la désinformation numérique devient de plus en plus sophistiquée. Élections Canada a depuis émis des directives pour les candidats confrontés à des campagnes similaires de fausses informations, incluant des protocoles de réponse rapide et des canaux de vérification préétablis.
Pour les électeurs de Brampton-Est, cet épisode bizarre sert de rappel sévère de vérifier l’information, même lorsqu’elle semble provenir de sources fiables. Comme me l’a dit un organisateur communautaire lors d’un récent événement de campagne : « Nous devons être plus sceptiques maintenant, ce qui est triste. Même les annonces de décès ne peuvent plus être prises au pied de la lettre. »
Quand j’ai demandé à Brar quel message elle avait pour les électeurs, sa réponse était simple : « Je suis vivante, je suis candidate, et la désinformation ne m’empêchera pas de servir ma communauté. »
Reste à voir si les autorités identifieront les responsables avant le jour du scrutin.