Alors que la chaleur estivale cède la place à la fraîcheur automnale, les propriétaires de petites entreprises canadiennes ne planifient pas seulement leurs ventes des Fêtes—ils préparent des plans d’urgence face à une perturbation potentielle de Postes Canada qui pourrait dérailler leur saison la plus achalandée.
Avec l’approche des échéances de négociations collectives entre Postes Canada et deux grands syndicats représentant près de 55 000 travailleurs, les entrepreneurs du pays éprouvent un sentiment de déjà-vu peu réjouissant. Plusieurs se souviennent encore des difficultés rencontrées lors des perturbations postales précédentes en 2018 et 2016, et ils sont déterminés à ne pas être pris au dépourvu cette fois-ci.
« Nous nous remettons encore des contrecoups de la pandémie, et maintenant ça, » déplore Maya Choudhari, qui dirige une entreprise de bijoux artisanaux à Toronto qui expédie dans tout le pays. « Environ 40% de mon revenu annuel provient de la période d’octobre à décembre. Je ne peux tout simplement pas me permettre des problèmes d’expédition pendant la haute saison. »
Le Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes (STTP) et l’Alliance de la Fonction publique du Canada (AFPC) négocient avec Postes Canada sur des questions comme les salaires, les conditions de travail et la sécurité d’emploi. Bien que les pourparlers se poursuivent, une grève ou un lock-out demeure possible si des accords ne sont pas conclus.
Pour la communauté des petites entreprises canadiennes—particulièrement les détaillants de commerce électronique, les services d’abonnement et les entreprises rurales—la fiabilité postale n’est pas qu’une commodité; c’est existentiel. La perturbation potentielle survient à un moment particulièrement vulnérable pour de nombreuses entreprises qui naviguent encore entre l’inflation, les défis de la chaîne d’approvisionnement et l’évolution des habitudes de consommation.
La Fédération canadienne de l’entreprise indépendante (FCEI) rapporte que 78% des petites entreprises dépendent significativement de Postes Canada pour leurs envois, la livraison de documents ou la réception de paiements et fournitures. Cette dépendance est encore plus élevée parmi les entreprises rurales, où les options d’expédition alternatives sont limitées ou prohibitives en termes de coûts.
« Lors de la dernière perturbation postale, nous avons vu les coûts d’expédition augmenter de 200% pour certaines entreprises rurales, » explique Dan Kelly, président de la FCEI. « De nombreuses petites exploitations n’ont simplement pas les marges nécessaires pour absorber ce genre d’augmentations, surtout avec l’inflation qui comprime déjà les profits. »
Bien que le paysage d’expédition canadien ait évolué depuis les perturbations postales précédentes, avec davantage d’options de messagerie et de technologies de livraison disponibles, de nombreuses alternatives demeurent peu pratiques pour les petites exploitations.
Sarah Thornton, qui gère une entreprise de boîtes d’abonnement alimentaire spécialisée depuis son domicile au Nouveau-Brunswick, a passé ces dernières semaines à rechercher des méthodes d’expédition alternatives. « Les tarifs de messagerie privée qu’on m’a proposés élimineraient pratiquement mes marges bénéficiaires, et certains ne livrent même pas dans certaines régions éloignées où habitent mes clients, » explique-t-elle.
Cette réalité a poussé des propriétaires d’entreprises comme Thornton à explorer des adaptations créatives. Certains encouragent les options de ramassage local, consolident les expéditions pour réduire la fréquence, ou réduisent temporairement leurs offres de produits pour se concentrer sur des articles à marge plus élevée qui peuvent absorber l’augmentation des coûts d’expédition.
Les plateformes technologiques comblent également le vide. Shopify, qui alimente de nombreuses entreprises canadiennes de commerce électronique, a publié des conseils de contingence d’expédition pour les marchands et élargi ses partenariats de traitement des commandes pour offrir plus d’options. Pendant ce temps, des startups logistiques saisissent l’opportunité de courtiser les petites entreprises avec des solutions flexibles conçues spécifiquement pour les périodes de perturbation.
« Nous avons travaillé à établir des relations avec des services de messagerie régionaux dans différentes provinces, » explique Raj Patil, fondateur d’une entreprise de boîtes-cadeaux à Vancouver. « C’est plus complexe de gérer plusieurs partenaires d’expédition, mais répartir le risque semble nécessaire en ce moment. »
Le gouvernement fédéral a historiquement été réticent à intervenir dans les conflits de travail de Postes Canada jusqu’à ce qu’un impact économique significatif se produise. Cependant, avec des entreprises encore en convalescence des défis pandémiques et l’approche de la cruciale saison des Fêtes, certains groupes industriels plaident pour une intervention plus précoce si nécessaire.
Le comportement des consommateurs ajoute une autre couche de complexité. Un sondage de RetailCouncil.ca a révélé que 64% des acheteurs en ligne pourraient éviter les détaillants qui ne peuvent garantir les dates de livraison pour les Fêtes. Cela met une pression supplémentaire sur les petites entreprises pour communiquer clairement sur les perturbations potentielles et offrir des alternatives viables.
Les institutions financières ont noté les potentiels effets économiques en cascade. TD Économique estime qu’une perturbation postale prolongée pourrait réduire le PIB jusqu’à 0,25% dans le trimestre affecté, avec des impacts disproportionnés sur les communautés éloignées et les petites entreprises.
Certains entrepreneurs voient ce défi comme une autre poussée vers l’évolution du modèle d’affaires. « Chaque fois que nous faisons face à une crise d’expédition, cela accélère notre transformation numérique, » note Jamie Kelson, libraire de Toronto. « Nous avons développé une offre robuste de livres électroniques et de livres audio parallèlement à nos ventes de livres physiques précisément en raison des incertitudes de livraison précédentes. »
Pendant ce temps, alors que les travailleurs postaux et Postes Canada poursuivent les négociations, les entrepreneurs du pays font ce qu’ils sont devenus de plus en plus habiles à faire—se préparer aux perturbations tout en espérant le meilleur.
« Nous avons survécu à la COVID, aux cauchemars de la chaîne d’approvisionnement et à l’inflation, » réfléchit Choudhari. « Une grève postale ne nous brisera pas non plus, mais ce serait vraiment bien d’avoir un peu de répit. »