La vague montante des tarifs douaniers canadiens sur les produits américains fait des remous même au Salon d’automne de l’habitation d’Ottawa ce week-end, où exposants et acheteurs s’adaptent à de nouvelles réalités économiques.
En parcourant les allées animées du Centre EY, j’ai remarqué un changement subtil mais significatif dans le comportement des consommateurs. Les visiteurs examinaient les présentations de rénovations de cuisine, d’aménagements de jardin et de systèmes domotiques tout en chuchotant à propos d’une chose en particulier : les prix.
« Je suis définitivement plus attentive aux prix cette année, » confie Marianne Delorme, une propriétaire d’Ottawa explorant des options de rénovation de salle de bain. « Avec tout qui coûte plus cher ces jours-ci, je compare les produits canadiens et américains beaucoup plus soigneusement qu’avant. »
Ce changement survient alors que les tarifs de représailles du Canada sur les produits américains—mis en œuvre en réponse aux tarifs américains sur l’acier et l’aluminium canadiens—continuent d’affecter des produits allant des matériaux de construction aux électroménagers. Pour les exposants du salon, ces tensions économiques ont créé à la fois des défis et des opportunités.
Robert Chen, représentant une gamme d’armoires de cuisine fabriquées au Canada, m’a confié que son entreprise a connu une augmentation de 15 % des demandes de clients depuis l’entrée en vigueur des tarifs. « Les gens qui auraient pu choisir des options importées jettent maintenant un deuxième regard sur les fabricants locaux, » a-t-il expliqué. « L’écart de prix s’est considérablement réduit. »
Selon les données de Statistique Canada, les importations d’accessoires et de mobilier domestiques américains ont chuté de près de 8 % au deuxième trimestre par rapport à la même période l’année dernière. Pendant ce temps, la fabrication canadienne dans ces secteurs a connu une croissance modeste de 3,2 %.
Pour des acheteurs comme les Wilson, un couple planifiant une rénovation majeure de cuisine, la situation tarifaire a modifié leurs plans d’achat. « Nous avions initialement prévu d’acheter une marque américaine de réfrigérateur, » explique Thomas Wilson, « mais avec le coût supplémentaire de 10 % dû aux tarifs, nous examinons maintenant un modèle canadien comparable qui est en fait moins cher. »
Ce changement n’affecte pas seulement les gros articles. Les petits produits ménagers américains, des articles décoratifs aux outils spécialisés, ont connu des augmentations de prix que les consommateurs remarquent.
« Les tarifs ont compliqué notre planification d’inventaire, » admet Jennifer Kowalski, qui gère un stand de décoration intérieure proposant des produits des deux côtés de la frontière. « Nous avons commencé à nous approvisionner davantage en alternatives canadiennes lorsque possible, mais certains articles spécialisés ne sont pas encore disponibles au pays. »
La Société canadienne d’hypothèques et de logement (SCHL) a récemment rapporté que les dépenses de rénovation à Ottawa sont restées relativement stables malgré les pressions économiques, les propriétaires se concentrant davantage sur les améliorations essentielles plutôt que sur les améliorations de luxe. Cela correspond à ce que vivent les exposants au salon—les consommateurs dépensent toujours, mais avec plus de délibération.
Les experts de l’industrie suggèrent que la situation tarifaire a accéléré une tendance vers « l’achat local » qui gagnait déjà du terrain. L’économiste d’Ottawa Priya Singh souligne que « bien qu’initialement perturbantes, ces tensions commerciales ont créé un espace pour que les fabricants canadiens démontrent leur qualité et leur proposition de valeur aux consommateurs qui ne les auraient peut-être pas considérés autrement. »
Tout le monde au salon n’a pas pu s’adapter aussi facilement. Mark Gutierrez, qui importe des systèmes de chauffage spécialisés américains, a exprimé sa frustration : « Ces tarifs nous ont mis dans une position difficile. Il n’y a pas d’équivalent canadien pour certains de nos produits, donc nous absorbons les coûts ou les transférons aux consommateurs—aucune option n’est idéale. »
L’Association des constructeurs d’habitations d’Ottawa estime que l’effet combiné des tarifs et des perturbations de la chaîne d’approvisionnement a ajouté environ 5 à 8 % aux coûts typiques de rénovation domiciliaire au cours de la dernière année. Pour les consommateurs, cela se traduit par une planification plus minutieuse et parfois des projets réduits.
« Nous voyons les gens échelonner leurs rénovations de façon plus stratégique, » note Denise Robinson, une designer de cuisine exposant au salon. « Au lieu de tout faire d’un coup, ils s’occupent d’abord de l’essentiel et étalent les améliorations esthétiques. »
La situation a également suscité l’innovation parmi les vendeurs. Plusieurs stands présentaient des forfaits « à l’épreuve des tarifs »—des ensembles de rénovation composés exclusivement de matériaux d’origine canadienne avec des garanties de prix.
« Il s’agit d’offrir de la certitude en période d’incertitude, » explique Omar Hassan, dont l’entreprise se spécialise dans les rénovations de salles de bain. « Les clients apprécient de savoir que leur projet ne coûtera pas soudainement plus cher à cause de politiques commerciales. »
Alors que le salon de trois jours se poursuit tout au long du week-end, les courants économiques sous-jacents demeurent une part importante des conversations entre vendeurs et clients potentiels. La plupart des professionnels de l’industrie à qui j’ai parlé s’attendent à ce que le comportement actuel des consommateurs persiste même si la situation commerciale finit par se normaliser.
« Les gens sont devenus plus conscients de la provenance de leurs produits et des facteurs qui influencent les prix, » affirme Lauren McKay, l’une des organisatrices du salon. « Cette prise de conscience ne disparaîtra probablement pas, même si les tarifs disparaissent. »
Pour l’instant, les propriétaires d’Ottawa continuent de naviguer dans l’interaction complexe des politiques commerciales et des finances personnelles—une rénovation de cuisine ou un aménagement de jardin à la fois.