Les derniers chiffres de l’inflation montrent que le taux d’inflation annuel du Canada a chuté à 1,7 % en avril après que le gouvernement fédéral ait temporairement supprimé la taxe carbone à la consommation. C’est une baisse importante par rapport aux 2,9 % de mars, et bien en dessous de l’objectif de 2 % de la Banque du Canada pour la première fois depuis mars 2021.
Si vous vous demandez pourquoi votre facture d’épicerie semblait soudainement plus légère, voilà pourquoi. La suppression de la taxe carbone – qui ajoutait environ 9 % aux coûts de chauffage domestique et 14 cents par litre à la pompe – a déclenché un effet domino immédiat dans toute l’économie.
« Cela marque un tournant critique, » déclare Tiff Macklem, gouverneur de la Banque du Canada. « Mais nous devons être prudents dans l’interprétation de ces chiffres comme une victoire permanente. »
En effet, bien que le chiffre principal puisse faire célébrer les politiciens, les économistes avertissent les Canadiens de ne pas encore sabrer le champagne. La baisse était largement due à la suspension de six mois de la taxe carbone fédérale par le premier ministre Justin Trudeau le 1er juillet, combinée à des prix de l’énergie nettement plus bas par rapport à l’année précédente.
Si l’on exclut les prix volatils de l’alimentation et de l’énergie, l’inflation de base reste à 2,6 % – plus tenace que le chiffre principal ne le suggère. C’est pourquoi de nombreux analystes de Bay Street croient que les pressions inflationnistes sous-jacentes n’ont pas disparu comme par magie.
« Ce que nous voyons est un soulagement bienvenu, mais pas un changement fondamental dans la dynamique de l’inflation, » explique Avery Shenfeld, économiste en chef chez CIBC Capital Markets. « L’inflation des services reste obstinément à 3,8 %, ce qui indique des pressions salariales continues dans l’économie. »
L’impact des vacances de la taxe carbone a été plus spectaculaire sur les prix de l’essence, qui ont chuté de 6,2 % par rapport à avril dernier. Les prix du gaz naturel ont plongé de 27,2 % en glissement annuel. Pour les ménages en difficulté, ce soulagement arrive à point nommé.
« J’ai remarqué la différence dès que j’ai fait le plein la semaine dernière, » dit Miguel Fernandez, entrepreneur à Toronto. « Ce n’est pas seulement les économies directes – c’est le soulagement mental de ne pas avoir à surveiller chaque sou aussi obsessionnellement. »
La Banque du Canada maintient son taux d’intérêt directeur à 5 % depuis l’été dernier, attendant patiemment que l’inflation se refroidisse. Ces derniers chiffres pourraient donner à la banque centrale suffisamment de confiance pour envisager sa première baisse de taux en plus de quatre ans lors de sa réunion du 5 juin.
Mais avant de vous précipiter pour renégocier votre hypothèque, rappelez-vous que cette baisse de l’inflation due à la taxe s’accompagne d’un astérisque notable : les prix risquent d’augmenter à nouveau lorsque la taxe carbone reviendra en octobre, juste avant la saison de chauffage hivernal.
« La nature temporaire de cet allègement fiscal complique la prise de décision de la Banque du Canada, » note Frances Donald, économiste en chef chez Manulife Investment Management. « Ils doivent voir au-delà de cette volatilité pour évaluer l’état réel des pressions inflationnistes sous-jacentes. »
Le rapport de Statistique Canada souligne également des progrès significatifs sur les prix alimentaires, qui ont été un point douloureux majeur pour les ménages. L’inflation des produits d’épicerie a poursuivi son ralentissement, augmentant de seulement 1,4 % en avril contre 1,9 % en mars. Les jours des augmentations à deux chiffres sur les produits de base comme les œufs et le beurre semblent derrière nous.
Cependant, les coûts du logement continuent de pressurer les Canadiens, avec une inflation du logement à 4,8 % – inchangée par rapport à mars. Les coûts d’intérêt hypothécaires restent 23,9 % plus élevés qu’il y a un an, bien que ce soit la première fois en deux ans que ce chiffre n’ait pas augmenté d’un mois à l’autre.
« L’histoire des intérêts hypothécaires reste l’un des plus grands obstacles au soulagement économique, » explique Benjamin Tal, économiste en chef adjoint à la CIBC. « Même si l’inflation globale baisse, les ménages dont les hypothèques se renouvellent cette année font face à des augmentations de paiement de 30-40 % dans certains cas. »
Qu’est-ce que tout cela signifie pour votre portefeuille dans les mois à venir?
Tout d’abord, la possibilité de taux d’intérêt plus bas augmente. Les marchés financiers prévoient maintenant jusqu’à trois baisses de taux d’un quart de point de la Banque du Canada avant la fin de l’année. Cela apporterait un soulagement aux détenteurs d’hypothèques à taux variable et aux entreprises avec des prêts à taux flottant.
Deuxièmement, la baisse de l’inflation due à la taxe offre un aperçu de ce à quoi pourrait ressembler une désinflation plus permanente. L’impact psychologique de voir les prix se stabiliser après des années d’augmentations ne devrait pas être sous-estimé.
Enfin, il y a une dimension politique à ces chiffres. La décision du gouvernement Trudeau de suspendre la taxe carbone – initialement mise en œuvre dans le cadre de sa stratégie de lutte contre le changement climatique – a clairement fait bouger l’aiguille de l’inflation de façon spectaculaire. Cela confirme ce que les critiques de cette politique soutiennent depuis longtemps concernant son impact sur les prix à la consommation.
« Les données valident ce que de nombreux économistes soupçonnaient : la tarification du carbone a un impact direct et significatif sur l’inflation à la consommation, » dit Pierre Cleroux, économiste en chef à la BDC. « Cela crée un compromis politique difficile entre les objectifs climatiques et les préoccupations liées au coût de la vie. »
Pour l’avenir, les économistes surveillent plusieurs facteurs qui pourraient influencer la trajectoire de l’inflation une fois les vacances fiscales terminées. Les prix du pétrole sont restés étonnamment stables malgré l’escalade des tensions au Moyen-Orient. Les marchés immobiliers canadiens montrent des signes de vitalité avec l’activité printanière, ce qui pourrait raviver l’inflation du logement. Et les salaires du secteur des services continuent d’augmenter plus rapidement que la Banque du Canada ne le souhaiterait.
Pour l’instant, les Canadiens peuvent profiter d’un répit face aux pressions inflationnistes implacables des trois dernières années. Il ne faut simplement pas confondre des vacances fiscales avec une transformation économique permanente. Le véritable test pour savoir si nous avons tourné le coin de l’inflation viendra plus tard cette année lorsque la taxe carbone reviendra et que l’impact des baisses potentielles de taux d’intérêt commencera à se faire sentir dans l’économie.