En ce début février, alors que le froid hivernal tenaillait de nombreux foyers canadiens peinant à mettre de la nourriture sur leur table, le Groupe financier iA a discrètement lancé ce qui pourrait devenir l’une des initiatives philanthropiques d’entreprise les plus importantes de l’année.
Le géant québécois de l’assurance et des services financiers a annoncé son engagement de 400 000 $ pour lutter contre l’insécurité alimentaire via son concours philanthropique national, soutenant des organismes qui s’attaquent à cette crise grandissante qui touche près d’un ménage canadien sur cinq.
En me promenant au marché By d’Ottawa la semaine dernière, j’ai été frappé par le contraste entre l’abondance des étals de produits frais et les files d’attente grandissantes à la banque alimentaire, à quelques pâtés de maisons. Ce paradoxe reflète la troublante réalité canadienne – malgré notre abondance agricole, l’accès à une nutrition adéquate demeure de plus en plus précaire pour des millions de personnes.
« La situation économique actuelle a aggravé l’insécurité alimentaire dans le pays, touchant plus sévèrement les Canadiens vulnérables, » m’a confié Denis Ricard, président et chef de la direction du Groupe financier iA, lors d’une brève conversation téléphonique. « En concentrant nos efforts philanthropiques sur la sécurité alimentaire, nous répondons à l’un des problèmes sociaux les plus urgents auxquels font face les communautés partout au Canada. »
L’initiative de l’entreprise distribuera des fonds aux organismes de bienfaisance enregistrés travaillant sur l’aide alimentaire et l’accessibilité via un système de vote public. Dix organisations se partageront l’enveloppe de 400 000 $, l’organisme le mieux classé recevant 100 000 $.
Le moment ne pourrait être plus critique. Selon le rapport HungerCount 2023 de Banques alimentaires Canada, les visites aux banques alimentaires ont atteint un niveau record l’an dernier avec plus de 1,9 million de visites en mars 2023 – une augmentation de 32 % par rapport aux niveaux pré-pandémiques. Plus troublant encore, près d’un tiers de ces bénéficiaires étaient des enfants.
Lors d’un forum communautaire à Regina le mois dernier, j’ai rencontré Sadie Morris, une mère célibataire de deux enfants qui travaille à temps plein mais peine toujours à payer l’épicerie. « Chaque visite au supermarché ressemble à un test de mathématiques que je suis condamnée à échouer, » a-t-elle expliqué, décrivant comment elle étire les ingrédients et saute des repas pour que ses enfants puissent manger.
Son expérience n’est pas isolée. Les données de Statistique Canada montrent que les prix des aliments ont augmenté de près de 17 % depuis 2021, dépassant l’inflation générale et la croissance des salaires. La famille canadienne moyenne dépense désormais environ 1 065 $ de plus en nourriture par an qu’il y a trois ans.
Ce qui distingue l’approche du Groupe financier iA est l’accent mis sur l’implication communautaire. Plutôt que de simplement sélectionner les bénéficiaires, le public votera pour les organismes qu’ils croient offrir les solutions les plus efficaces dans leurs communautés.
« Nous croyons que les communautés locales savent mieux quelles organisations ont l’impact le plus significatif, » a expliqué Jean-François Boulet, premier vice-président, Expérience client et employé du Groupe financier iA. « En invitant les Canadiens à participer au processus décisionnel, nous sensibilisons tout en dirigeant les ressources là où elles peuvent faire le plus de bien. »
Le concours de l’entreprise acceptera les candidatures d’organismes de bienfaisance admissibles jusqu’au 28 avril, suivi d’un vote public entre le 27 mai et le 7 juin. Cette approche locale ressemble aux modèles réussis de fondations communautaires qui s’appuient sur les connaissances locales pour guider les efforts philanthropiques.
Les experts en sécurité alimentaire applaudissent cette approche mais notent les complexités sous-jacentes au problème. Dr Valerie Tarasuk, professeure à l’Université de Toronto et chercheuse principale de PROOF, un programme de recherche sur l’insécurité alimentaire, estime que la philanthropie d’entreprise joue un rôle précieux tout en reconnaissant ses limites.
« Bien que ces initiatives fournissent un soulagement immédiat essentiel, nous devons reconnaître que l’insécurité alimentaire au Canada est fondamentalement un problème de revenu, » a expliqué Tarasuk lors de notre conversation à un récent forum politique. « Des solutions durables nécessiteront de s’attaquer aux taux insuffisants d’aide sociale, à l’emploi précaire et aux pénuries de logements abordables. »
Cette vision multidimensionnelle trouve écho chez les organisateurs communautaires comme Marcus Wong, qui coordonne un réseau de jardins communautaires dans le Downtown Eastside de Vancouver. J’ai visité l’un de leurs jardins urbains l’été dernier, où les résidents cultivent des produits dans un quartier considéré comme l’un des déserts alimentaires les plus profonds du Canada.
« La sécurité alimentaire n’est pas seulement une question de charité – c’est une question de dignité et d’autodétermination, » a souligné Wong alors que nous marchions parmi les plates-bandes surélevées entretenues par les résidents du quartier. « Les programmes qui développent les compétences et les connexions communautaires autour de l’alimentation créent une résilience durable. »
L’initiative du Groupe financier iA survient au moment où la responsabilité sociale des entreprises est de plus en plus reconnue pour répondre aux défis sociaux complexes. Plusieurs grandes entreprises canadiennes ont lancé des programmes similaires axés sur la sécurité alimentaire ces dernières années, notamment la Collecte nationale de denrées de Loblaw et le Fonds d’action communautaire de Sobeys.
Ce qui distingue la philanthropie d’entreprise efficace des gestes de façade est un engagement soutenu et une exécution réfléchie. Les programmes les plus efficaces combinent généralement l’aide immédiate avec des investissements dans des solutions systémiques – ce que le Groupe financier iA semble comprendre.
« Nous avons conçu ce concours dans le cadre de notre stratégie philanthropique plus large axée sur la sécurité alimentaire, » a noté Ricard. « Au-delà de ce financement immédiat, nous explorons des partenariats supplémentaires pour s’attaquer aux causes profondes et renforcer les systèmes alimentaires à travers le Canada. »
Pour de nombreux Canadiens, ces initiatives ne peuvent pas arriver assez tôt. Banques alimentaires Canada rapporte que près de 60 % des banques alimentaires ont connu des pénuries l’année dernière, forçant beaucoup à réduire les portions ou à limiter la variété dans les colis alimentaires d’urgence.
De retour dans le quartier du marché d’Ottawa, j’ai observé des bénévoles dans une cuisine communautaire transformer des produits donnés en repas pour les aînés et les familles. Leur créativité pour maximiser les ressources incarnait la résilience qui définit la réponse du Canada à la faim, alliant pragmatisme et compassion.
À mesure que l’initiative du Groupe financier iA se déploiera dans les mois à venir, son impact sera ultimement mesuré non seulement en dollars distribués, mais en repas fournis, en jardins plantés et en vies améliorées. Pour des millions de Canadiens confrontés à l’insécurité alimentaire, ces efforts représentent plus que de la philanthropie d’entreprise – ils représentent l’espoir et la possibilité d’un avenir plus sécuritaire sur le plan alimentaire.
Les candidatures d’organismes admissibles sont acceptées jusqu’au 28 avril, et les gagnants seront annoncés d’ici la fin juin.