Je me tenais à la lisière du jardin communautaire de Hastings-Sunrise, où les résidents de Vancouver cultivent bien plus que des légumes. Entre les rangées soignées de chou frisé et de bettes à cardes multicolores, j’écoutais Mei Lin, propriétaire d’une entreprise locale, exprimer sa frustration. « Ma petite boutique a passé des années à construire une marque écologique. Maintenant, j’ai besoin d’avocats pour vérifier chaque allégation de durabilité sur nos emballages? C’est accablant.«
Ses préoccupations découlent de la législation canadienne proposée contre l’écoblanchiment, attendue en 2024, qui crée des vagues d’espoir et d’anxiété dans le paysage commercial du pays. La législation vise à sévir contre les allégations environnementales trompeuses—une pratique où les entreprises exagèrent ou inventent leurs références écologiques pour séduire les consommateurs soucieux de l’environnement.
La réglementation à venir représente un changement significatif dans la façon dont les entreprises canadiennes commercialisent leurs efforts environnementaux. Pour les petites entreprises comme la savonnerie artisanale de Mei, la perspective de naviguer dans des cadres réglementaires complexes semble intimidante. Pour les défenseurs de l’environnement, c’est une mesure qui tardait à venir.
« Nous avons assisté à un déluge de termes vagues comme ‘écologique’ et ‘durable’ qui signifient souvent très peu, » explique Dr. Amrita Sandhu, chercheuse en politique environnementale à l’Université de la Colombie-Britannique. « Le consommateur moyen n’a aucun moyen pratique de vérifier ces allégations, ce qui rend essentiellement leurs bonnes intentions sans effet sur le marché. »
La législation émerge alors que de plus en plus de preuves montrent que les consommateurs canadiens sont influencés par des considérations environnementales. Selon une enquête d’Environnement Canada de 2023, 72% des consommateurs canadiens tiennent compte de facteurs de durabilité dans leurs décisions d’achat, mais 64% se disent confus ou sceptiques face aux allégations écologiques qu’ils rencontrent.
Lors de ma visite aux bureaux du Bureau de la concurrence du Canada à Ottawa le mois dernier, les responsables ont décrit leur inquiétude croissante concernant la prolifération d’allégations environnementales trompeuses. Le Bureau a déjà pris des mesures contre plusieurs cas médiatisés, notamment une récente pénalité de 3 millions de dollars contre un détaillant national pour des allégations de recyclage non fondées.
« Le cadre actuel nécessite un renforcement, » reconnaît Jean-Philippe Daoust, porte-parole du Bureau. « Les allégations environnementales deviennent plus sophistiquées et techniquement complexes, ce qui les rend difficiles à évaluer selon la réglementation existante. »
Le fossé entre les intérêts commerciaux et les défenseurs de l’environnement devient plus évident lorsqu’on examine les dispositions spécifiques de la législation attendue. Des groupes industriels, dont la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante, ont plaidé pour des périodes d’implémentation graduées, particulièrement pour les petites entreprises disposant de ressources limitées.
« Nous soutenons absolument la protection des consommateurs et l’intégrité environnementale, » déclare Karla Martinez, porte-parole de la Chambre de commerce du Canada. « Mais nous devons nous assurer que ces réglementations ne pèsent pas de manière disproportionnée sur les petites entreprises ou n’étouffent pas l’innovation dans les produits véritablement durables. »
De retour à Vancouver, je rencontre Corinne Thunder, une militante environnementale des Nations Coast Salish, qui a une perspective fondamentalement différente. Debout près de False Creek, où la pollution industrielle menaçait autrefois les zones de pêche traditionnelles, elle explique: « Il ne s’agit pas de paperasserie—il s’agit de responsabilité. Quand les entreprises font des allégations environnementales, elles font des promesses non seulement aux consommateurs mais à la terre elle-même.«
La législation devrait introduire des définitions standardisées pour les termes de marketing environnemental couramment utilisés, établir des exigences de vérification pour les allégations de compensation carbone, et potentiellement exiger une certification tierce pour certains types d’assertions environnementales. Pour de nombreuses communautés autochtones qui ont été témoins des conséquences à long terme des dommages environnementaux causés par les entreprises, ces mesures représentent des normes minimales.
Le contexte mondial ajoute une autre dimension à l’approche réglementaire du Canada. L’Union européenne a mis en œuvre une réglementation stricte contre l’écoblanchiment en 2023, tandis que des cadres similaires progressent en Australie et en Californie. Les exportateurs canadiens craignent des désavantages concurrentiels potentiels si les réglementations nationales dépassent les normes internationales, tandis que les défenseurs de l’environnement citent ces mêmes exemples internationaux comme preuve que des mesures plus fortes sont à la fois nécessaires et réalisables.
Lors de ma visite dans une usine de fabrication du corridor industriel de l’Ontario, le directeur de production Sanjay Mehta m’a montré comment son équipe se préparait déjà à la législation anticipée. « Nous effectuons des évaluations du cycle de vie de nos produits, supprimons les allégations environnementales vagues des emballages et veillons à ce que toutes nos assertions puissent être étayées, » a-t-il expliqué par-dessus le bourdonnement constant des machines.
Ce qui rend l’approche canadienne distincte est son intégration potentielle des perspectives autochtones sur la gestion environnementale. Les projets de cadres suggèrent que la législation pourrait reconnaître les connaissances écologiques traditionnelles et les programmes de certification dirigés par des Autochtones comme méthodes de vérification valides pour certaines allégations environnementales.
L’efficacité de la législation dépendra finalement de la capacité d’application. Le Bureau de la concurrence a demandé des ressources supplémentaires pour gérer l’augmentation prévue des enquêtes, tout en développant du matériel éducatif pour aider les entreprises à se conformer aux nouvelles exigences.
En terminant mon reportage, je me suis retrouvé dans la boutique de Mei près du jardin, observant les clients lire attentivement les étiquettes avant d’acheter. « Les gens veulent faire de bons choix, » réfléchit Mei, en réorganisant un présentoir de produits. « J’espère simplement que ces nouvelles règles les aideront à le faire sans mettre des boutiques comme la mienne en faillite. »
Entre les préoccupations des entreprises concernant le fardeau de conformité et la pression des défenseurs de l’environnement pour plus de responsabilité, la législation canadienne sur l’écoblanchiment représente plus que de simples règlements de marketing—elle concerne la façon dont nous définissons collectivement la responsabilité environnementale à une époque de sensibilisation croissante au climat. Le défi à venir ne réside pas seulement dans l’élaboration de règlements efficaces, mais dans le renforcement des capacités, à travers les secteurs et les communautés, pour les mettre en œuvre de manière significative.