J’ai passé les trois dernières semaines à examiner des dossiers judiciaires qui révèlent une évolution inquiétante dans une affaire qui a secoué le secteur de la santé de la Colombie-Britannique. Un ancien haut fonctionnaire de la santé, condamné pour agression sexuelle sur un enfant, a obtenu sa libération conditionnelle après avoir purgé moins de la moitié de sa peine.
Le fonctionnaire, qui exerçait auparavant une influence considérable sur les politiques de santé provinciales, a été condamné à cinq ans de prison en 2021 suite à sa condamnation pour des accusations liées à l’agression sexuelle d’un mineur de moins de 16 ans. Les documents judiciaires que j’ai examinés montrent que les agressions se sont produites sur une période de deux ans alors que le fonctionnaire occupait toujours son poste prestigieux.
La Commission des libérations conditionnelles du Canada a confirmé la décision de libération le mois dernier. Leur rapport, que j’ai obtenu via les canaux d’accès à l’information, indique que la commission a déterminé que le fonctionnaire présentait un « risque gérable pour la société » malgré l’opposition de la famille de la victime.
« Cette libération anticipée ressemble à une nouvelle trahison, » a déclaré la mère de la victime, qui a demandé l’anonymat pour protéger la vie privée de sa famille. « Le système avait promis justice, mais cinq ans semblaient déjà insuffisants face au traumatisme à vie que mon enfant devra endurer. »
Cette affaire soulève de sérieuses questions sur la façon dont notre système judiciaire traite les infractions sexuelles contre les enfants, surtout lorsque les auteurs occupent des postes de confiance publique. Dre Elena Michaels, criminologue à l’Université Simon Fraser spécialisée dans les cas de violence sexuelle, m’a confié que ce résultat est malheureusement courant.
« Les statistiques montrent que les délinquants sexuels, particulièrement ceux ayant un parcours professionnel et sans antécédents criminels, purgent généralement 40 à 60 % de leur peine avant d’obtenir une libération conditionnelle, » a expliqué Michaels. « Cela crée un décalage important entre les attentes du public en matière de justice et la réalité de notre système de libération conditionnelle. »
L’équipe de défense du fonctionnaire a présenté des preuves de sa participation à des programmes de réhabilitation, des expressions de remords et un plan de libération complet. Ces facteurs ont fortement influencé la décision de la commission, selon la décision de 12 pages que j’ai examinée.
Les conditions de la libération conditionnelle comprennent un suivi psychologique obligatoire, l’interdiction de contact avec des mineurs, des contrôles réguliers auprès d’un agent de libération conditionnelle et des restrictions quant à l’emploi dans des postes d’autorité. Cependant, les défenseurs des victimes se demandent si ces mesures sont suffisantes.
« Les systèmes de surveillance sont imparfaits, » a déclaré Jordan Richards de l’Association canadienne de soutien aux victimes. « Nous voyons régulièrement des cas où des individus se conforment aux exigences techniques tout en établissant progressivement des circonstances qui permettent la récidive. »
Le ministère de la Santé de la C.-B. a mis fin à l’emploi du fonctionnaire immédiatement après son arrestation en 2019. Un porte-parole du ministère m’a confirmé que des examens approfondis des procédures départementales ont été menés pour s’assurer qu’aucun abus de pouvoir n’avait eu lieu au-delà des crimes personnels pour lesquels il a été condamné.
« Nous avons mis en œuvre des protocoles améliorés de vérification des antécédents et des mécanismes de signalement suite à cette affaire, » a déclaré le porte-parole. « La sécurité des populations vulnérables demeure notre plus haute priorité. »
Cette affaire émerge dans un contexte de surveillance accrue sur la façon dont les institutions gèrent les allégations d’inconduite sexuelle. Le Conseil canadien de la magistrature a signalé une augmentation de 34 % des plaintes liées aux peines pour infractions sexuelles au cours des cinq dernières années, reflétant une préoccupation croissante du public concernant une clémence perçue.
Durant mon enquête, j’ai trouvé des transcriptions judiciaires révélant le raisonnement initial du juge pour la détermination de la peine. Tout en reconnaissant la « profonde trahison de confiance » et « l’impact dévastateur sur la victime », le juge a cité le dossier auparavant sans tache du délinquant et son plaidoyer de culpabilité comme facteurs atténuants.
La victime, maintenant adolescente, a fourni une déclaration par l’intermédiaire de son représentant légal : « Je travaille encore à surmonter ce traumatisme pendant que cette personne peut recommencer sa vie. Où est la justice dans tout ça? »
Les experts juridiques que j’ai consultés ont offert diverses perspectives. L’avocate de la défense Samantha Pruitt a noté que « la libération conditionnelle est une partie normale de notre système correctionnel, conçue pour réintégrer les délinquants sous supervision plutôt que de les libérer sans soutien à la fin de leur peine. »
Cependant, le procureur de la Couronne Daniel Lim, qui n’était pas impliqué dans cette affaire spécifique mais a traité des poursuites similaires, a répliqué : « Quand il s’agit d’infractions sexuelles contre des enfants, surtout par des personnes en position de confiance, il y a un argument valable pour purger des peines plus complètes étant donné le préjudice profond causé. »
Le document de décision de la Commission des libérations conditionnelles reconnaît la gravité des crimes mais a finalement déterminé que refuser la libération conditionnelle ne contribuerait pas à la réhabilitation du délinquant ou à la sécurité publique à long terme. Ce raisonnement s’aligne sur la philosophie correctionnelle canadienne qui met l’accent sur la réhabilitation plutôt que sur la punition pure.
Les statistiques de Service correctionnel Canada montrent qu’environ 75 % des délinquants sexuels qui complètent des programmes de traitement ne récidivent pas dans les cinq ans. Toutefois, les critiques soutiennent que ces statistiques n’abordent pas adéquatement les modèles spécifiques de récidive de ceux qui ciblent les enfants.
Pour la victime et sa famille, les statistiques offrent peu de réconfort. Alors qu’ils poursuivent leur chemin de guérison, ils doivent composer avec le fait que la personne responsable de leur souffrance est retournée dans la société – une réalité que des milliers de familles canadiennes touchées par des crimes similaires doivent affronter chaque année.
Cette affaire met en lumière la tension persistante entre les objectifs de réhabilitation, les besoins des victimes en matière de justice, et l’attente de la société que ceux qui nuisent aux enfants font face à des conséquences proportionnelles aux dommages profonds qu’ils causent.