Le ralentissement du marché hypothécaire vient de faire une nouvelle victime : EQB Inc., basée à Toronto, a annoncé la suppression d’environ 8 % de ses effectifs dans le cadre d’un plan de restructuration plus large. La banque numérique et prêteur hypothécaire alternatif, anciennement connue sous le nom d’Equitable Group, a présenté cette décision comme nécessaire pour « rationaliser les opérations et améliorer l’efficacité » dans un contexte de marché difficile.
Pour les quelque 120 employés qui reçoivent leur avis de licenciement cette semaine, ce discours d’entreprise offre peu de réconfort. Ces suppressions surviennent pendant ce que les analystes bancaires décrivent comme une tempête parfaite pour les prêteurs canadiens : des taux d’intérêt obstinément élevés, un marché immobilier en ralentissement et une concurrence de plus en plus vive des entreprises fintech.
« Quand les émissions hypothécaires ralentissent significativement, les réductions de personnel deviennent malheureusement inévitables, » explique John Aiken, analyste des services financiers chez Jefferies. « EQB avait développé une capacité pour une croissance qui ne s’est tout simplement pas matérialisée dans cet environnement de taux. »
Cette restructuration marque un virage stratégique pour EQB, qui s’est positionnée comme la « Banque Challenger » du Canada et a fait des mouvements ambitieux ces dernières années, notamment l’acquisition de Concentra Bank pour 200 millions de dollars en 2022. Cette transaction a considérablement élargi l’empreinte nationale d’EQB et ajouté environ 200 employés à ses effectifs.
Les dirigeants de l’entreprise ont indiqué que les licenciements généreraient des économies annuelles d’environ 15 millions de dollars à partir de l’exercice 2025. EQB prévoit d’enregistrer des frais de restructuration ponctuels entre 9 et 11 millions de dollars au quatrième trimestre 2024, principalement liés aux indemnités de départ.
Ces réductions de personnel surviennent dans un contexte de refroidissement plus large du secteur financier canadien. Le cycle de hausse agressive des taux de la Banque du Canada, qui a fait passer le taux directeur de 0,25 % à 5 % entre mars 2022 et juillet 2023, a considérablement réduit la demande de prêts hypothécaires. Selon les données de l’Association canadienne de l’immobilier, l’activité des ventes de maisons en septembre était en baisse de 23,2 % par rapport à l’année précédente.
« Ce que nous observons est un recalibrage de tout l’écosystème du crédit, » explique Claire Celerier, professeure associée de finance à la Rotman School of Management de l’Université de Toronto. « Les prêteurs alternatifs comme EQB sont particulièrement vulnérables pendant les chocs de taux d’intérêt parce qu’ils n’ont pas la même base de dépôts que les banques traditionnelles pour amortir la pression sur les marges. »
L’action d’EQB a connu des difficultés tout au long de 2024, avec une baisse d’environ 15 % depuis le début de l’année, sous-performant par rapport à l’indice composite S&P/TSX. Toutefois, suite à l’annonce de la restructuration, les actions ont augmenté de 2,3 % lors des échanges matinaux, les investisseurs réagissant positivement aux mesures de réduction des coûts.
La banque a été contrainte de naviguer dans un équilibre délicat – maintenir la croissance tout en gérant les dépenses dans un marché immobilier qui reste étonnamment résilient mais nettement moins actif que pendant le boom pandémique. Dans ses résultats trimestriels les plus récents, EQB a rapporté une croissance des prêts conventionnels de seulement 2 % sur un an, bien en-dessous des moyennes historiques.
« La pandémie a créé des conditions de demande artificielles qui nécessitaient du personnel supplémentaire, » affirme Graham Priest, gestionnaire de portefeuille chez Guardian Capital. « Maintenant, nous voyons l’effet de gueule de bois alors que les prêteurs s’ajustent pour des volumes normalisés. »
Pour les employés touchés par les coupes, le timing est particulièrement difficile. L’augmentation du coût de la vie, combinée à un marché du travail qui montre des signes de ralentissement dans plusieurs secteurs, crée une pression importante pour les travailleurs déplacés. Bien que les professionnels des services financiers possèdent généralement des compétences transférables, le ralentissement simultané dans les industries adjacentes comme l’immobilier et la technologie complique la transition.
EQB n’est pas seule à se serrer la ceinture. Plus tôt cette année, First National Financial, le plus grand prêteur hypothécaire non bancaire du Canada, a mis en œuvre son propre programme de réduction des coûts. Pendant ce temps, plusieurs grandes banques canadiennes ont procédé à des ajustements plus ciblés de leurs effectifs tout au long de 2024.
Ces licenciements reflètent des changements structurels plus larges dans le paysage financier canadien. Les initiatives de transformation numérique qui se sont accélérées pendant la pandémie ont permis aux prêteurs d’automatiser davantage de processus, réduisant le besoin de certains rôles. Simultanément, l’augmentation des coûts de conformité et la pression concurrentielle des banques établies et des startups fintech ont réduit les marges.
« Nous assistons à une reconfiguration de l’écosystème hypothécaire, » déclare Avi Goldfarb, économiste et titulaire de la chaire Rotman en intelligence artificielle et santé à l’Université de Toronto. « La technologie permet aux prêteurs de faire plus avec moins, mais la complexité réglementaire et la volatilité du marché créent des forces contraires qui rendent ces transitions cahoteuses. »
Pour les emprunteurs, les implications de la consolidation du secteur restent floues. Bien que moins d’acteurs puissent théoriquement réduire la concurrence, la nature numérique des prêts modernes signifie que les barrières à l’entrée restent relativement basses pour de nouveaux concurrents. L’impact le plus immédiat pourrait se faire sentir au niveau du service client, le personnel restant devant absorber des responsabilités supplémentaires.
Le PDG d’EQB, Andrew Moor, a souligné que la restructuration vise à positionner la banque pour une « croissance durable » une fois que les conditions du marché s’amélioreront. L’approche numérique et le focus sur des prêts spécialisés ont historiquement permis à l’entreprise de gagner des parts de marché face aux banques traditionnelles, particulièrement dans des segments comme les travailleurs autonomes et les nouveaux arrivants au Canada.
Le succès de cette réorientation stratégique dépendra largement de quand – et à quelle vitesse – le marché immobilier canadien retrouvera son élan. Avec la Banque du Canada qui commence son cycle d’assouplissement et les économistes qui prévoient plusieurs baisses de taux supplémentaires jusqu’en 2025, la demande hypothécaire pourrait bientôt rebondir. Mais pour les employés d’EQB confrontés à un avenir incertain, cette reprise ne peut pas arriver assez vite.