Le nombre accru de participants au sommet du G7 qui se tiendra la semaine prochaine dans la région de Charlevoix, au Québec, témoigne d’un virage diplomatique d’Ottawa vers la construction de coalitions plus larges dans un contexte de tensions mondiales croissantes. Lorsque les dirigeants se réuniront, les sept démocraties industrialisées traditionnelles seront rejointes par des représentants d’économies émergentes et de partenaires stratégiques, dans ce que les responsables décrivent comme « une construction de coalition nécessaire pour des temps incertains. »
Au-delà des membres principaux du G7 que sont le Canada, la France, l’Allemagne, l’Italie, le Japon, le Royaume-Uni et les États-Unis, le premier ministre Justin Trudeau a étendu ses invitations aux dirigeants de l’Inde, du Brésil, de l’Afrique du Sud et de plusieurs autres nations ayant une influence régionale significative.
« Ce format élargi reconnaît que les défis les plus pressants d’aujourd’hui – de l’adaptation climatique à la résilience des chaînes d’approvisionnement – ne peuvent être abordés par les puissances traditionnelles seules, » explique Amrita Narlikar, présidente de l’Institut allemand pour les études mondiales et régionales. « La question demeure de savoir si cela représente un véritable partage du pouvoir ou simplement une consultation. »
L’ordre du jour du sommet révèle trois priorités interconnectées : la résilience économique, le financement climatique et la sécurité collective. Des responsables canadiens ont reconnu en privé que l’invitation de voix supplémentaires à la table sert des objectifs à la fois pratiques et symboliques, particulièrement alors que les institutions dirigées par l’Occident font face à des défis de légitimité de la part du Sud global.
Le président brésilien Lula da Silva, dont le pays assure cette année la présidence du G20, a confirmé sa présence et devrait plaider pour une réforme de la gouvernance mondiale. Sa présence crée un pont entre les processus du G7 et du G20, renforçant potentiellement la coordination entre les deux forums. Lors d’un point de presse à Brasília le mois dernier, le ministre des Affaires étrangères Mauro Vieira a souligné que le Brésil « apporterait les perspectives des nations en développement directement dans des discussions dominées par les priorités occidentales. »
Les ministres des Finances ont déjà préparé le terrain pour ce que la ministre canadienne des Finances Chrystia Freeland appelle des « résultats concrets » sur le financement climatique. Des documents obtenus via des sources diplomatiques suggèrent que le Canada proposera de nouveaux mécanismes de financement pour l’adaptation climatique qui réduisent les obstacles bureaucratiques pour les nations vulnérables – une réponse aux critiques de longue date concernant les engagements non tenus en matière de financement climatique.
Le conflit en Ukraine plane inévitablement sur les délibérations. Le président Volodymyr Zelensky s’adressera virtuellement aux dirigeants, les alliés occidentaux tentant de consolider le soutien parmi les nations non alignées. La participation de l’Inde est particulièrement significative, car le premier ministre Narendra Modi a maintenu des liens économiques avec la Russie tout en renforçant progressivement la coopération sécuritaire avec les membres du G7.
« Modi marche sur une corde raide entre l’autonomie stratégique et l’alignement avec les puissances occidentales, » affirme Tanvi Madan, directrice du Projet Inde à la Brookings Institution. « Sa présence à Charlevoix permet un engagement direct sur l’Ukraine mais fait également avancer les intérêts de l’Inde en matière de commerce, de technologie et de réforme multilatérale. »
Les discussions économiques porteront probablement sur la gouvernance de l’intelligence artificielle, les chaînes d’approvisionnement en minéraux critiques et la lutte contre la coercition économique. Le Canada s’est positionné comme un potentiel « bâtisseur de ponts » entre les économies plus importantes et les nations plus petites riches en ressources – particulièrement concernant les minéraux critiques essentiels aux technologies d’énergie propre.
« La liste élargie des invités est directement liée aux préoccupations de sécurité économique, » révèle un haut fonctionnaire canadien s’exprimant sous couvert d’anonymat. « Nous cartographions essentiellement les futures chaînes d’approvisionnement et les alignements diplomatiques en temps réel. »
Pour les participants africains, y compris le président sud-africain Cyril Ramaphosa, les engagements de financement climatique seront scrutés de près. La Banque africaine de développement estime que le continent a besoin de 1,6 billion de dollars jusqu’en 2030 pour mettre en œuvre ses plans d’action climatique. Les précédentes réunions du G7 ont généré des déclarations ambitieuses mais un suivi inconstant.
Les discussions aborderont inévitablement les tensions avec la Chine, bien que les diplomates aient soigneusement structuré l’ordre du jour pour se concentrer sur la « sécurité économique » plutôt que sur des stratégies explicites d’endiguement. Pékin a déjà critiqué le format élargi comme une tentative de créer des « blocs exclusifs » qui minent la coopération mondiale.
À l’approche du sommet, les responsables canadiens reconnaissent la complexité de gérer des intérêts divers dans un format élargi. « Nous testons essentiellement si le G7 peut évoluer d’un club de nations riches vers une plateforme plus inclusive sans perdre sa cohésion, » confie un conseiller diplomatique.
Le résultat reste incertain, mais la liste élargie des invités représente en soi une reconnaissance importante : les défis les plus pressants du monde exigent davantage de voix à la table, même si cela rend le consensus plus difficile à atteindre.