Le gouvernement de la Colombie-Britannique a discrètement changé son approche concernant les ventes immobilières suite à une décision judiciaire historique reconnaissant les revendications territoriales autochtones à Richmond, révèlent des documents obtenus par le biais de demandes d’accès à l’information.
Les fonctionnaires provinciaux ont émis des directives internes exigeant des examens juridiques supplémentaires pour les transferts de terres de la Couronne à la suite de la décision de la Cour d’appel de la C.-B. concernant la revendication des Tribus Cowichan sur des terres dans la communauté Musqueam de Richmond. Cette décision, qui a suscité l’inquiétude parmi les propriétaires actuels, a créé des répercussions sur l’ensemble des pratiques provinciales de gestion foncière.
« Ces nouvelles procédures ne sont pas qu’un simple remaniement bureaucratique, » explique Karen Thompson, avocate spécialisée en droits de propriété avec quinze ans d’expérience en revendications territoriales autochtones. « Elles représentent un changement fondamental dans la façon dont la province aborde les transferts de propriété où existent des revendications non résolues des Premières Nations.«
J’ai examiné plus de 300 pages de communications internes entre le ministère des Relations avec les Autochtones et l’Autorité d’arpentage des titres fonciers. Les documents montrent que les fonctionnaires se sont empressés de développer de nouveaux protocoles après que le tribunal a déterminé que le gouvernement provincial n’avait pas adéquatement consulté les Tribus Cowichan concernant les terres qu’elles occupaient historiquement.
La décision n’a pas immédiatement transféré la propriété mais a créé une incertitude significative pour les propriétaires. James Chen, résident de Richmond possédant une maison dans la zone concernée, m’a confié que la valeur de sa propriété a chuté de près de 15% dans les semaines suivant la décision. « Personne ne veut acheter quand il y a un point d’interrogation sur qui détient ultimement les droits sur le terrain, » m’a dit Chen lors de notre entretien à sa table de cuisine. « Nous sommes pris au milieu d’un conflit qui remonte à des générations. »
Selon les registres du Ministère, les fonctionnaires exigent maintenant des recherches de titre renforcées qui identifient spécifiquement les revendications autochtones potentielles avant de procéder à des ventes de terres de la Couronne. Cette couche supplémentaire d’examen a prolongé les délais de traitement de 57 jours en moyenne pour les propriétés concernées.
La chef des Tribus Cowichan, Lydia Hwitsum, considère la décision comme une reconnaissance attendue depuis longtemps. « Il ne s’agit pas de déplacer les résidents actuels, » a-t-elle expliqué. « Il s’agit de reconnaître les torts historiques et de trouver une voie vers la réconciliation qui respecte à la fois les droits de notre peuple et la réalité des occupants actuels. »
Ce cas met en évidence l’intersection complexe entre le droit de propriété de l’ère coloniale et les obligations constitutionnelles du Canada envers les Premières Nations. Le professeur Martin Williams de la Faculté de droit de l’UBC souligne que cette décision représente une continuation des principes établis dans l’arrêt historique Nation Tsilhqot’in c. Colombie-Britannique de la Cour suprême.
« Ce qui rend le cas de Richmond particulièrement difficile, c’est qu’il concerne des zones densément peuplées plutôt que des territoires éloignés, » a déclaré Williams. « Les tribunaux doivent maintenant équilibrer les droits autochtones constitutionnellement protégés avec les intérêts des tierces parties innocentes qui ont acheté leurs propriétés en toute bonne foi. »
La province a depuis établi un groupe de travail comprenant des représentants du Bureau des titres fonciers, des dirigeants des Premières Nations et des experts en droit immobilier. Leur mandat : développer un cadre qui offre une certitude aux propriétaires tout en respectant les droits autochtones.
Des courriels internes montrent que les fonctionnaires ont envisagé mais finalement rejeté un plan visant à créer une notation spéciale sur les titres fonciers indiquant des revendications autochtones potentielles. Un conseiller principal a écrit : « Ajouter une mention explicite des revendications non résolues pourrait davantage déprimer les valeurs immobilières tout en offrant peu d’avantages pratiques aux propriétaires actuels ou aux Premières Nations. »
Au lieu de cela, la province a mis en œuvre un processus de consultation plus complet exigeant un engagement proactif avec les Premières Nations concernées avant toute vente de terres de la Couronne. Cette approche vise à identifier et à résoudre les revendications potentielles avant que les propriétés ne changent de mains.
Pour les propriétaires comme Chen, ces changements de politique offrent peu de soulagement immédiat. « Nous comprenons le contexte historique, mais nous sommes aussi de vraies familles qui ont économisé pendant des années pour acheter ces maisons, » a-t-il déclaré. « Il faut une solution qui ne nous laisse pas dans les limbes.«
Les experts juridiques suggèrent plusieurs voies potentielles à suivre. Le gouvernement fédéral pourrait établir un tribunal spécialisé pour traiter les revendications territoriales urbaines, similaire au Tribunal des revendications particulières mais avec une juridiction élargie. Alternativement, la province pourrait créer un fonds de compensation qui reconnaît le titre aborigène tout en permettant aux résidents actuels de conserver leur propriété.
Douglas White, ancien chef de la Première Nation Snuneymuxw et directeur du Centre pour les traités pré-confédération et la réconciliation, voit une opportunité au milieu de la complexité. « Ces défis nous forcent à développer de nouveaux cadres juridiques qui honorent les droits autochtones tout en assurant une certitude dans les communautés contemporaines, » a expliqué White. « L’alternative — une incertitude continue — ne sert ni les peuples autochtones ni les propriétaires. »
Le ministère des Relations avec les Autochtones a confirmé avoir suspendu les ventes de certaines terres de la Couronne en attendant des clarifications supplémentaires sur les exigences de consultation. Un porte-parole a déclaré par courriel que le gouvernement « reste déterminé à maintenir l’honneur de la Couronne dans les relations avec les Premières Nations et à assurer la stabilité du système immobilier provincial. »
Pour l’instant, les résidents des zones potentiellement affectées à travers la C.-B. suivent attentivement l’évolution du cas de Richmond devant les tribunaux. La province estime qu’environ 2 300 propriétés en C.-B. pourraient faire face à des questions similaires concernant le titre sous-jacent.
Alors que les fonctionnaires provinciaux adaptent les politiques en réponse à l’évolution de la jurisprudence sur le titre aborigène, le cas de Richmond offre un aperçu des défis susceptibles d’émerger à travers le Canada — équilibrer les obligations constitutionnelles envers les Premières Nations avec les réalités pratiques de la propriété moderne dans des zones longtemps considérées comme établies.