Je m’installais pour un vol de nuit de routine en provenance de Labrador City le mois dernier lorsque la voix du pilote a grésillé dans l’interphone : nous devions légèrement dévier notre trajectoire pour laisser place aux avions de recherche dans la zone. Un marin avait disparu au large des côtes.
Cette nouvelle m’a marqué. Combien de ces recherches se terminent-elles par des retrouvailles plutôt que des opérations de récupération ? Plus souvent qu’on ne le pense, apparemment.
Hier soir, les responsables des secours ont confirmé qu’un marin disparu au large de la côte du Labrador a été retrouvé vivant après qu’un navire cargo ait capté son signal de détresse. L’identité de l’homme n’a pas été révélée en attendant que la famille soit informée. Il avait été signalé en retard d’une sortie de pêche en solitaire mercredi après-midi.
« C’est le genre de résultat pour lequel nos équipes prient, » m’a confié le Capitaine Jean Tremblay, Coordonnateur de Recherche et Sauvetage Maritimes, lorsque je l’ai joint par téléphone. « Avec les températures de l’eau en cette saison, chaque minute compte. »
Selon le Centre conjoint de coordination des opérations de sauvetage d’Halifax, le bateau de 21 pieds du marin a subi une panne mécanique à environ 18 milles nautiques au nord-est de Rigolet. Il était parti tôt mercredi matin pour ce qui devait être une excursion d’une journée.
Le sauvetage s’est déroulé après que le cargo Northern Horizon, qui naviguait entre Goose Bay et Nain, ait détecté un faible signal radio d’urgence vers 21h30. Le navire a modifié sa trajectoire pour enquêter et a découvert le plaisancier échoué qui tentait de signaler sa présence avec une lampe de poche.
Martha Winters, résidente locale, n’a pas été surprise par la réaction de la communauté. « Tout le monde, de Rigolet à Nain, était aux aguets, » m’a-t-elle dit lors d’une conversation à l’aéroport de Goose Bay. « C’est comme ça qu’on survit ici – en veillant les uns sur les autres. »
La Garde côtière canadienne avait mobilisé un hélicoptère Cormorant de la 9e Escadre Gander ainsi que des navires de Rigolet et Makkovik après que des membres de la famille aient signalé le retard de l’homme. Les conditions météorologiques s’étaient détériorées tout au long de l’après-midi, avec des bancs de brouillard réduisant la visibilité à moins d’un demi-kilomètre par endroits.
L’agent David Karr de la GRC a confirmé que le marin a été retrouvé « froid mais dans un état stable » et transporté au Centre de santé du Labrador pour observation. « Il a fait tout ce qu’il fallait, » a noté Karr. « Il est resté près de son embarcation, avait de l’équipement d’urgence, et est resté visible. »
Ce sauvetage met en lumière les défis particuliers de la sécurité maritime le long de la côte du Labrador. Les données de Transports Canada montrent que malgré l’amélioration des règlements de sécurité des navires, la région connaît environ 14 à 18 incidents maritimes graves par an, avec des chiffres généralement plus élevés pendant les saisons de pêche et de chasse, courtes mais intenses.
« La réalité est que nos communautés dépendent de ces eaux pour leur subsistance et leurs déplacements, » a expliqué Dr. Sarah Peterson, chercheuse en sécurité maritime à l’Université Memorial. « Mais les conditions peuvent changer radicalement en quelques minutes, pas en heures. »
Le sauvetage réussi souligne également le rôle crucial des navires commerciaux dans le réseau de sécurité maritime. Le Northern Horizon fait partie de la flotte Nunatsiavut Marine qui dessert les communautés côtières le long du littoral du Labrador.
« Les opérateurs commerciaux sont souvent les premiers à repérer ou à intervenir auprès des navires en détresse, » a confirmé Élise Boudreau, porte-parole de la Garde côtière. « Ils connaissent intimement ces eaux et sont formés pour reconnaître quand quelque chose ne va pas. »
Selon les dernières données de Statistique Canada, environ 2 600 opérations de recherche et sauvetage sont menées annuellement dans les eaux canadiennes, avec la plus forte concentration le long de la côte atlantique. Environ 15 % d’entre elles impliquent de petits navires où une défaillance mécanique est la principale cause de détresse.
Bien que cette histoire se termine bien, elle sert de rappel sur l’importance de la préparation. Le ministre de la Sécurité publique de Terre-Neuve-et-Labrador, John Hogan, a publié une déclaration ce matin soulignant l’importance de déposer un plan de navigation et d’emporter l’équipement de sécurité adéquat.
« Même les marins expérimentés peuvent se retrouver en difficulté, » indique la déclaration de Hogan. « Cet incident souligne pourquoi les systèmes de communication redondants ne sont pas seulement des recommandations – ils sont essentiels. »
Pour les communautés le long de la côte, ce sauvetage renforce les liens invisibles de la culture maritime. Alors que je regardais les passagers faire défiler les alertes d’actualités concernant le sauvetage pendant mon vol de correspondance, il y avait un sentiment palpable de soulagement parmi les Labradoriens qui rentraient chez eux.
« On le ressent personnellement, même si on ne les connaît pas, » m’a expliqué Jeannie Blake, une résidente de Nain assise à côté de moi. « Parce que demain, ce pourrait être quelqu’un de votre famille qui est là-bas. »
Le marin secouru devrait rentrer chez lui ce week-end, selon des membres de la famille qui ont préféré garder l’anonymat. Son embarcation a été sécurisée et est en cours de remorquage vers le port par le personnel de la Garde côtière.
Alors que le trafic maritime augmente avec l’évolution des modèles climatiques dans les eaux nordiques, des incidents comme celui-ci soulignent à la fois les risques et la remarquable résilience des communautés côtières. La mer donne vie à ces endroits – économiquement, culturellement, spirituellement – mais exige du respect en retour.
Et parfois, comme dans ce cas, elle offre une seconde chance.