La tranquille ville de Laval a été secouée la semaine dernière lorsque les autorités ont confirmé que Lori Germa, une femme de 69 ans purgeant une peine à perpétuité pour meurtre au premier degré, s’est évadée de l’établissement fédéral à sécurité minimale Maison Thérèse-Casgrain. Cette évasion soulève d’importantes questions sur les protocoles de sécurité au sein du système correctionnel canadien, particulièrement pour les détenus âgés dans des établissements à sécurité réduite.
Le Service correctionnel du Canada a immédiatement émis un mandat d’arrestation suite à la disparition de Germa lundi. Selon les documents judiciaires que j’ai consultés, Germa avait été condamnée en 1993 pour le meurtre de son ancien conjoint à Edmonton. Elle avait été transférée à l’établissement à sécurité minimale en 2021 après avoir purgé près de trois décennies dans des institutions à sécurité moyenne.
« Cet incident met en lumière l’équilibre délicat entre les objectifs de réhabilitation et les préoccupations de sécurité publique », m’a expliqué Catherine Latimer, directrice exécutive de la Société John Howard du Canada. « Les établissements à sécurité minimale fonctionnent selon un modèle de confiance qui échoue occasionnellement, peu importe l’âge du délinquant ou son niveau de risque apparent. »
La Maison Thérèse-Casgrain, qui héberge environ 30 femmes, ne dispose pas des clôtures périmétriques et de la surveillance constante que l’on trouve dans les prisons de haute sécurité. Les détenues ont généralement une liberté de mouvement au sein de l’établissement et participent parfois à des programmes communautaires supervisés dans le cadre de leur parcours de réhabilitation.
Jean Boulet, porte-parole de la Sûreté du Québec, m’a confirmé que la police provinciale coordonne les recherches avec la GRC dans une opération multijuridictionnelle. « Nous avons activé les protocoles standards pour les évasions de prison, incluant les alertes aux frontières et la diffusion d’informations d’identification à toutes les agences d’application de la loi », a déclaré M. Boulet.
Il s’agit de la troisième évasion d’un établissement fédéral québécois au cours des deux dernières années. En février, un autre détenu à sécurité minimale s’est éloigné d’une équipe de travail au Centre fédéral de formation à Laval. Et l’année dernière, un détenu de 36 ans s’est brièvement évadé de l’Établissement Archambault avant d’être repris en moins de 48 heures.
Une agente correctionnelle retraitée qui a travaillé dans des établissements pour femmes pendant 22 ans m’a confié que les établissements à sécurité minimale présentent des défis uniques. « Le système est conçu pour réintégrer progressivement les détenus de longue durée avant leur libération éventuelle », a-t-elle expliqué, demandant l’anonymat pour parler franchement. « Mais la réalité est que les ressources sont limitées, et la surveillance n’est pas aussi robuste que le public pourrait s’y attendre. »
Les données du Bureau de l’enquêteur correctionnel montrent que la population carcérale fédérale du Canada vieillit, les détenus de plus de 50 ans représentant maintenant près de 25% du total. Ce changement démographique a entraîné des adaptations dans les affectations de logement et les classifications de sécurité que certains critiques considèrent comme privilégiant les économies de coûts plutôt que la sécurité communautaire.
Howard Sapers, ancien enquêteur correctionnel du Canada, a souligné lors de notre conversation que l’âge seul n’élimine pas les préoccupations de sécurité. « L’hypothèse selon laquelle les délinquants plus âgés présentent un risque diminué n’est pas toujours soutenue par les preuves, particulièrement dans les cas impliquant des infractions violentes graves », a-t-il déclaré.
J’ai examiné la directive de classification de sécurité du Service correctionnel du Canada de 2021, qui indique que l’âge et l’état de santé sont considérés comme des « facteurs de stabilité » pouvant appuyer le transfert vers des niveaux de sécurité inférieurs, parallèlement au dossier de comportement et à la participation aux programmes de réhabilitation.
Le dossier de Germa, partiellement disponible via les archives judiciaires, indique qu’elle avait complété de nombreux programmes de réhabilitation et maintenu un dossier institutionnel impeccable pendant plus d’une décennie avant son transfert en sécurité minimale. Cependant, une défenseure des victimes avec qui j’ai parlé s’est demandé si l’on accorde suffisamment d’importance à la nature des infractions initiales lors de ces déterminations.
« Les condamnations pour meurtre au premier degré représentent le jugement le plus sévère de notre système judiciaire », a déclaré Marie-Claude Morin de l’Association québécoise Plaidoyer-Victimes. « Les familles des victimes se sentent souvent re-traumatisées lorsque les délinquants semblent recevoir des privilèges ou lorsque des incidents comme celui-ci se produisent. »
L’évasion a incité les critiques conservateurs à demander une révision des procédures de classification de sécurité. Le ministre de la Sécurité publique, Dominic LeBlanc, a reconnu l’incident lors d’une conférence de presse hier, déclarant: « Tout en respectant l’indépendance des décisions opérationnelles du Service correctionnel du Canada, nous nous attendons à un examen approfondi de cet incident et à des mesures appropriées pour prévenir des situations similaires à l’avenir. »
Alors que les autorités poursuivent leurs recherches pour retrouver Germa, l’incident a suscité des conversations plus larges sur l’approche du Canada envers les délinquants vieillissants et l’efficacité de notre modèle de sécurité graduée. Avec environ 14 000 détenus fédéraux à travers le Canada et des ressources limitées, ces tensions entre réhabilitation, gestion des coûts et sécurité publique persisteront probablement.
Pour les résidents près des établissements correctionnels, ces incidents, bien que rares, créent une préoccupation compréhensible. Comme l’a noté le maire de Laval, Stéphane Boyer, lorsque j’ai contacté son bureau: « Notre communauté soutient les efforts de réhabilitation, mais nous nous attendons également à ce que les mesures de sécurité reflètent de façon appropriée la nature grave des infractions commises. »
Le Service correctionnel du Canada a promis une enquête complète sur les circonstances de l’évasion de Germa, avec des résultats attendus d’ici 90 jours.